Jean-Jacques Sempé, un sourire, une bonté débordante, c'est déjà un mythe… Ça touche à la grâce, « avant que la légèreté devienne suspecte ». C'est la phrase que
Sempé dit au sujet de
Charles Trenet mais c'est ce que moi je dirais des dessins de
Sempé ! Qu'il raconte son Amérique, son Paris, célèbre l'enfance ou les amitiés, revisite l'oeuvre de
Marcel Pagnol,
Sempé reste lui-même : un humaniste encore plus qu'un humoriste. L'humour conduisant à l'humanité.
Dans ce livre, il s'agit de ses conversations avec
Marc Lecarpentier (ancien président et directeur des rédactions de l'hebdomadaire Télérama et président de l'association Mot-et-MOTS qui a pour objectif la promotion, la diffusion et la défense du Mot).
Sempé nous confie qu'il rêvait d'être pianiste ! Grâce aux questions interpellant de
Marc Lecarpentier, on apprend la passion de
Sempé pour le
jazz, sa vénération de Debussy, son enthousiasme pour l'orchestre de Ray Ventura.
Sempé dit carrément que la musique lui a « sauvé la vie » ! Il parle volontiers de sa jeunesse et fait référence à des moments biographiques avec une naïveté touchante. L'intérêt autobiographique de cet album est évident.
Le classique, les variétés, tout est mêlé dans un imbroglio d'amour : Duke Ellington, Ravel, Satie,
Paul Misraki et
Charles Trenet, les compositeurs célèbres et
les musiciens amateurs ou même les débutants. « Longtemps, j'ai prétendu que c'étaient
les musiciens que je vénérais. Mais au fil du temps je me suis rendu compte que c'était une absurdité : sans musique, il n'y a pas de musiciens ! Alors, disons que j'aime autant la musique que
les musiciens. Avec une petite admiration supplémentaire pour
les musiciens. » Les héros de
Sempé sont ces violoncellistes, ces guitaristes, qui portent leur musique sur le dos, ces pianistes qui s'attablent au piano, ces violonistes qui s'envolent portés par leur archet…
Lorsqu'il parle,
Sempé a un ton enjoué que j'apprécie particulièrement. C'est un très bon conteur. Mais on apprend aussi qu'il est lui-même l'auteur de beaucoup de chansons (l'une sur les chats m'a amusée et émue bien plus que les autres !)
Quand j'avais découvert le style de
Sempé, ses personnages au nez pointu qui me faisait toujours penser aux corbeaux, j'avais imaginé la tête du dessinateur comme un reflet de ses « corbeaux ». Parce qu'il existe une idée assez persistante selon laquelle un artiste peintre crée partout son propre portrait même s'il représente un autre. Et lorsque j'ai vu pour la première fois la photo de
Sempé quelle était ma surprise de constater que son visage était rond sans rien de pointu !
Même si
Sempé idéalise un peu
les musiciens comme s'ils ne connaissaient ni jalousie ni découragement, son regard est si apaisant ! Regard d'amour, regard qui relève, regard qui appelle… Dire que je vous recommande ce livre ce serait insuffisant. Il faut faire connaître
les musiciens de
Sempé aux petits pour leur donner le goût de la musique. Je suis d'avis que les dessins de
Sempé devraient être accrochés aux murs dans les conservatoires pour détendre l'atmosphère ! Car l'ambiance des conservatoires n'est pas toujours bon enfant.
Les musiciens, ce ne sont pas des bêtes trop excellentes, aux neurones enchantés, inaccessibles dans leur grande dextérité, ce sont des êtres bons qui sauvent le monde. Vive la bonté des musiciens ! Tel est le message de
Sempé.