Fils d'un médecin de Louis XV, figure importante de l'aristocratie des Lumières,
Gabriel Sénac de Meilhan est aujourd'hui bien oublié. S'être trouvé engagé du "mauvais côté" lors de la Révolution n'aide sans doute pas à acquérir un statut de gloire nationale. Avec la réédition en poche de son oeuvre principale, on a désormais l'occasion de le redécouvrir.
Le personnage central de "
l'Emigré", le marquis de Saint Alban a dû, comme l'auteur du roman, fuir la France à cause de sa noblesse et de ses opinions royalistes. Réfugié en Allemagne et recueilli par la famille de la comtesse de Loewenstein, il va se nouer entre les deux jeunes aristocrates une intrigue amoureuse qui sera, hélas ! difficile à concrétiser...
Le roman se présente sous une forme épistolaire typique de l'époque, dans un style délicieusement suranné. On rencontre notamment dans ces échanges de lettres un sens de l'honneur, du devoir, de la respectabilité, fort éloignés de nos perceptions actuelles, et sans doute déjà dépassées lors de la première publication en 1797. Car c'est bien dans un monde en voie de disparition que nous convie l'auteur : celui de l'Ancien Régime, qu'en pleine tempête révolutionnaire certains tentent de maintenir coûte que coûte, même si la postérité leur donnera tort.
Le premier tiers du roman, où tout se met en place, intrigue et capte l'attention. le dernier tiers, où le rythme des événements s'accélère et où les fils se dénouent, tient en haleine jusqu'au bout. Malheureusement la partie centrale du roman n'est pas dénuée de longueurs, et les atermoiements du Marquis, de la Comtesse et de leur entourage finissent par lasser.
Au final c'est une lecture plutôt intéressante mais qu'il est difficile de recommander chaudement à qui recherche simplement un "bon roman"... En revanche, pour qui souhaite découvrir un document d'époque sur l'émigration royaliste, ce sera bien sûr un très bon choix.