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3,36

sur 145 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  

Quand j'entends certains auteurs dire lorsqu'ils sont interrogés sur leur processus créatif que ce ne sont pas eux qui décident mais leurs personnages de fiction, ça a le don de m'agacer.
"Beaucoup d'écrivains clament qu'ils ne font qu'obéir à la volonté de leurs personnages..."
Alors oui, bien sûr, au-delà du plan initial d'un roman il peut y avoir énormément de changements avec le résultat final, des personnages secondaires peuvent s'imposer de façon inattendue, gagner en consistance, bouleverser la trame initiale en se révélant. Les caractères s'étoffent, le romancier n'appliquera pas stricto sensu son idée de départ, parce que celle-ci a évolué au même rythme que l'intérêt des protagonistes et des nouvelles idées qui sont venues s'imposer pendant l'écriture. Mais c'est bel et bien l'écrivain le démiurge qui décidera au final, même s'il est en transe, même s'il est shooté, même s'il vit son roman dans un état second.

Le narrateur de Résonances, Théodore Moisan, soutient pourtant le contraire. Sorte de double de Patrick Senécal, auteur de thriller noirs et de romans d'horreur d'une cinquantaine d'années, son inspiration se manifeste par la visite de nouveaux personnages, qui s'imposeront à lui lors de promenades et amèneront avec eux les idées d'un nouveau livre. C'est tout juste s'ils ne s'assoient pas devant son ordinateur pour faire le travail de rédaction eux-mêmes.
Ainsi témoigne Gerda Benjamin, consoeur de Théodore, au lancement de son nouveau roman en parlant du petit monde qu'elle a créé :
"Ils m'ont amené dans des directions qui m'ont surprise, que je n'approuvais pas toujours, mais j'ai décidé de leur faire confiance et ils ont eu raison."

Résonances commence avec un examen médical, une IRM passée par l'auteur de thrillers. Là encore, la vie de Senécal et de son personnage principal sont étroitement liées puisque c'est à l'hôpital, dans les mêmes circonstances, que l'auteur d'Hell.com a eu l'idée de son nouveau roman.
Ou la visite de Théodore, allez savoir !

Pour en avoir déjà passé deux, je confirme que ça n'est pas fort agréable, et que mieux vaut ne pas être claustrophobe quand on est entièrement avalé par la machine. Mais théoriquement, quand on en ressort, le monde autour de nous n'a pas changé. Après la crise d'angoisse durant son imagerie par résonance magnétique, Théodore va cependant se rendre compte d'un certain nombre d'anomalies.

Quant à moi, il y a bien eu cette fois où j'ai passé un scanner de l'épaule droite parce que la radio était insuffisante pour déceler une éventuelle fracture. Pour la petite histoire, j'avais dévalé les escaliers en chaussettes, et quand j'ai perdu l'équilibre mon poignet s'est fermement accroché à la rampe, et brièvement tout le poids de mon corps a tenu au niveau de la clavicule. Pas de chute donc mais un léger craquement et une douleur vive ainsi qu'un bras qui ne répondait plus à toutes mes sollicitations. Donc après quelques courageuses semaines où je n'ai presque pas pleuré, le médecin m'a confirmé la présence d'une fracture.
- Qu'est-ce qu'on fait alors ? demandais-je à ce professionnel aguerri.
- Ben rien, on attend que ça se passe, ça va se ressouder tout seul.
Ok, merci docteur...
Il y a des consultations qui valent vraiment la peine.

Le premier évènement inhabituel auquel Théodore Moisan assistera, ce sera cette infirmière qui fumera devant lui, sans se préoccuper un instant de l'interdiction ou de savoir si ça le dérange.

On a tous déjà lu ou vu des histoires mettant à mal l'identité du héros, que plus personne ne reconnaît, qui doit reconstituer ses souvenirs, qui ne sait pas s'il est victime d'un complot, s'il est devenu fou ou s'il a basculé dans un univers parallèle. Je pense aux films Mémoire effacée, Memories ou encore aux romans de David Ambrose ( Coïncidence, Suspicion, Superstition ). C'est un peu sur ce terrain de jeux qu'est allé Patrick Senécal tout en nous proposant quelque chose de totalement inédit.

Parce qu'effectivement, notre narrateur souffre d'amnésie. Par exemple il n'est plus très sûr de la raison de son examen médical. Quand il mange au restaurant il lui semble ne jamais avoir ce qu'il a commandé. Il confond la marque de son véhicule avec une autre. Sa vie comporte des brèches. S'il sait très bien qu'il est marié à Julia et père de Camille, il ne se remémore avec précision ni le mariage ni la naissance de sa fille. Et il y a ces fameux moments où le temps avance anormalement vite. Que se passe-t-il durant ces ellipses ?
"C'est comme si... comme si on voulait faire disparaître toute trace de mon passé."

Mais son principal problème n'est pas celui-là. C'est que le monde autour de lui est devenu complètement dingue.
Imaginez un monde où tout le monde dirait toujours la vérité, sans fard ni faux-semblant ?
Comme ce serveur qui parle ainsi de la fille de Théodore : "En fait, j'avais envie de lui dire que j'aimerais ça la fourrer, mais je me suis retenu."
Comme ce chauffeur de taxi au sujet d'une étudiante : "Si je l'avais frappé avec ma voiture, ça aurait fait une connasse de moins."
Ou ce confrère auteur qui lui dit avec une amabilité désarmante : "C'est pas parce que j'aime pas tes livres que je peux pas t'aider, hein ?"
Réflexions racistes, misogynes, conflits générationnels, mais aussi indifférence totale de sa femme à ses problèmes. Ils forment pourtant un couple soudé. Non ?
"J'ai l'impression de me retrouver au coeur d'une pièce de Ionesco."

La question de l'hallucination ou même de la folie se posera de plus en plus tant il n'y a plus rien de cohérent, tant dans l'attitude de son entourage proche que de personnes inconnues. La libido de sa femme est exacerbée à l'extrême et ça n'est pas pour son plus grand bonheur. Des gens s'installent sur la route pour chanter ou jouer de la guitare. Une femme qu'il n'a jamais vu le reconnaît régulièrement tout en le confondant toujours avec une autre personne. Des enfants le regardent en répétant les mêmes gestes menaçants : l'un simule une gorge tranchée et l'autre fait mine de se crever les yeux. Un homme se masturbe en se repaissant d'un crime en direct depuis sa fenêtre. Un seul taxi semble parcourir les rues de Montréal.
Il y a aussi cette photo encadrée d'un édifice sur laquelle il n'arrête pas de tomber sans qu'elle soit jamais strictement identique à la précédente. Je vous invite à regarder la couverture de l'éditeur Alire attentivement : On y aperçoit une silhouette humaine dans le bâtiment du haut alors qu'elle n'y figure plus à la fenêtre éclairée du bas.

Il rencontrera régulièrement un policier dénommé Panel, la seule personne semblant comprendre ce qui se passe réellement autour d'eux, mais qui ne parlera que par énigmes pour essayer de l'aider.
"Les mots confusions, terreur, paranoïa, incrédulité et désespoir peuvent être évoqués."

Il est confronté à l'indifférence de ses semblables, devenus comme imperméables à la souffrance, à la peine, à la mort.

Et dans cet univers parallèle où l'absurdité fait loi, l'effet de répétition, de résonance, est aussi une lente montée vers l'horreur et le summum de l'incompréhension et de la démence. Si Senécal a écrit un roman très différent de tout ce qu'il avait pu faire jusqu'à présent, se renouvelant plus encore avec ce roman qui laisse une belle part à la réflexion, il n'en n'a pas moins rédigé un thriller d'horreur de sa plume unique.

En plus de tout le reste Théodore est témoin de scènes d'agressions, de suicides, de résurrections pour parfaire un nouveau suicide plus réussi que le précédent. Et plus ces scènes se produisent ( ou se reproduisent ), plus la tension monte pour le narrateur dont l'incompréhension devient totale.
"Toutes les questions rationnelles me paraissent désormais superflues, presque déplacées."
Et avec la tension, la cruelle impossibilité d'agir et d'empêcher le sang de couler de plus en plus abondamment, puisque Théodore n'a aucune prise sur les évènements de plus en plus graves qui se produisent.
"Tout dégénère, partout."

Tous ces évènements sans queue ni tête trouveront bien une explication, d'une implacable logique.
On commence à la deviner en cours de lecture même s'il faudra être patient avant que tout n'apparaisse clairement. Rien n'est innocent, rien n'est laissé au hasard, pas même ces chapitres d'introduction présentant les principaux personnages ou les ellipses relatant les nuits sans rêves ou les moments d'inconscience de Théodore.

Si ce roman est probablement le plus original de la carrière de Patrick Senécal, il comporte cependant un défaut. Quand on comprend de quoi il retourne on prend aussi du recul avec les personnages. Leur indifférence généralisée ne permet pas d'établir un lien empathique avec eux, c'est plutôt tout le contraire.
Quant à Théodore, bien sûr il est amusant de se mettre à sa place et d'imaginer nos réactions si nous vivions dans un monde devenu aussi délirant, privés de tout repère et de toute rationalité. Mais c'est justement là que le bât blesse : Les situations les plus atroces nous font sourire ( certes d'un humour très noir ) plus qu'elles ne nous enfoncent dans la terreur à laquelle l'auteur nous a habituée avec sa graduation nous emmenant en plein cauchemar et malaise.

Très bel exercice de style, Résonances rend hommage au cinéma de David Lynch ou à des romanciers comme Franz Kafka ou Italo Calvino.
Le roman déstabilisera probablement certains amateurs de l'auteur canadien, ça a été mon cas, et pourtant il s'agit incontestablement de son oeuvre la plus folle, toute en démesure.

C'est aussi un de ces romans qui mérite une seconde lecture, tant de nombreux détails ne pouvaient pas trouver leur place et perturber, déranger, tant que la fin de l'histoire comportait encore des zones d'ombre. En revanche, quand tout est enfin révélé au lecteur, celui-ci peut enfin visualiser et comprendre toute ses perspectives. Chacun de ces évènements qui n'avait aucun sens à priori peut désormais trouver sa place dans ce puzzle, aussi improbable soit-il.

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Octobre est le mois idéal pour lire un bon roman de Patrick Senécal, frissons garantis! Encore une fois, je viens de passer un moment de lecture stressant, à me ronger les ongles, et assez bizarrement, j'ai aimé cela!

Les romans de cet auteur me font presque toujours cet effet-là. Vous savez celui où on a hâte de tourner la page pour lire la suite ou bien de terminer un chapitre pour lire le prochain? Encore une fois, l'auteur a su me tenir en haleine presque, je dis bien presque, jusqu'à la fin.

J'ai bien aimé Théo, notre protagoniste. Pauvre lui, il est dépassé par les événements. Il a un peu l'impression de vivre le jour de la marmotte. Jour après jour, les mêmes événements se répètent, mais avec de plus en plus de violence. Il a l'impression d'avoir des hallucinations ou bien de vivre dans une dimension parallèle. À moins que tout cela ne soit qu'un cauchemar? Bref, il est complètement démuni face aux événements!

L'intrigue est totalement captivante, j'ai presque lu le roman d'une traite tellement j'ai adhéré aux personnages et aux événements. Tout comme Théo, j'étais curieuse de comprendre le pourquoi des événements, mais également de découvrir comment tout cela allait se terminer.

Et le principal bémol vient justement de la fin. Je m'attendais à tout sauf à cela. J'ai l'impression que notre auteur a manqué d'inspiration ou de créativité pour terminer son roman. L'intrigue était si intéressante et captivante… et la finale si simpliste!

Lien : http://alapagedesuzie.blogsp..
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Plus récent opus de Patrick Senécal, Résonances est dès plus particulier. C'est l'histoire de Théodore qui passe un IRM et qui soudainement, se retrouve dans un univers parallèle et halluciné ou toutes personnes qu'ils rencontres doit assouvir ses désirs et ce, à n'importe quel prix.
Avant de commencer la lecture, j'ai vu que plusieurs personnes avait été décontenancer par le genre de ce roman. Donc j'ai vraiment commencer ma lecture l'esprit le plus ouvert possible et sans attentes. Résultat: je ressors de Résonances en ayant bien aimée cette lecture même si le genre est plutôt différent que ce que Senécal écrit habituellement. Mais j'ai eu quand même une impression de déjà-vu pour le style. Peut-être un peu d'Oniria ou même d'Aliss.
Donc si vous vous lancer sans avoir trop d'attentes vous apprécierez ce dernier roman même si les différents personnages sont définitivement trop excessif pour moi!!
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Moi qui ai pratiquement tout lu de Senécal, je dois avouer que bien que ce nouveau titre ne m'ait pas paru comme l'un de mes favoris, il n'en demeure pas moins qu'il a su me garder intrigué du début à la fin. L'idée qui ficelle le roman est particulièrement intéressante. Une espèce de Truman Show sur fond d'IRM pour un auteur déchu. Une réflexion sur l'inspiration, sur la création et sur nos pulsions, qui, dans la vie comme dans le roman, nous maîtrisent parfois plus que l'inverse.
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Chaque sortie de Senécal est attendue par ses "fans". Chaque livre de Senécal est une expérience, et Résonances ne déroge pas à cette règle.
En Sept 21, il disait : ".... ça va être pas mal fucké. Pas dans le sens violent, sexuel ou horreur. Just weird. À la David Lynch......"
.
Je vais commencer par la fin. On est à fond dans David Lynch, au point que je l'ai relu 2 ou 3 fois.......
Clein d'oeil à d'autres titres, à d'autres films également, je le soupçonne d'avoir adoré Un jour sans fin, avec Bill Murray.
Cet auteur en mal d'inspiration, revit, réécrit.
.
On sait que Senécal joue et s'amuse de ses peurs, mais là, il va peut-être un peu loin, pour pouvoir le suivre sans se questionner.
Qui est cet auteur en mal d'inspiration ? Théodore Moisan ne serait-il en fait Patrick Senécal ? Je me pose la question. Peut-être que ce livre est ce qu'il a vécu, pas dans sa forme, mais dans le fond. Une inspiration qui voulait taquine et malicieuse.
Toujours est-il que ce livre est "weird", et rien que pour ça, il mérite d'être lu.
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Avec Résonances, J'ai encore passé un tres bon moment de lecture comme Patrick Senecal à le don de nous offrir, néanmoins je ne le classerai pas dans mes préférés de l'auteur.

Ici, on est tout de suite happé dans cette histoire à 100 à l'heure. Après un avoir passé un IRM, Theodore Moisan écrivan d'une cinquantaine d'années découvre que les choses autour de lui ne sont plus comme avant même sa femme semble différente..
On peut dire qu'on ne s'ennuie pas avec ce roman, on suit Theodore qui ne s'arrête jamais, comme perdu dans un labyrinthe. Comme d'habitude, vous trouverez des référénces à d'autres de ses romans, ce que j'adore!
La grande force de ce roman est pour moi le sujet principal qui est traité de façon très originale. Il y'a une belle reflexion sur le processus creatif, l'inspiration, mais aussi un des sujets préférés de Senecal les pulsions.
L'auteur aurait d'ailleurs dit que que Résonances serait 'weird, à la David Lynch", en tout cas je peux vous dire que c'est le genre de roman qui mériterait une seconde lecture pour en comprendre toutes les subtilités.

Bref, un roman loufoque et original.
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Je dois l'avouer, depuis la série Malphas, je n'ai jamais atteint le niveau de plaisir que j'ai eu à la lecture des classiques de l'auteur. Il faut dire qu'il a lui-même monté la barre bien haute avec ses romans phare comme Hell.com et le Vide. Même si Flots et Il y aura des morts m'ont quand même bien divertis, je n'ai maintenant plus beaucoup d'attentes à la sortie d'un nouveau roman Pat Sénécal mais je reste fidèle au poste et saute sur la première occasion pour le lire.

On ne peut lui enlever ça, Sénécal a ce don de nous amener ailleurs en explorant plusieurs genres de l'horreur et par ses histoires et concepts souvent originaux et Résonances n'y échappent pas. Par contre, pour la première fois, je vois des similitudes entre deux de ses romans. Pas au niveau de l'histoire mais au niveau de la structure et de l'enchaînement des évènements. Je ne ferai le lien ici mais disons qu'il y fait lui-même un clin-d'oeil à un moment donné et qui a un peu confirmé ma perception.

Le quatrième de couverture résume assez bien l'histoire et les habitués de l'auteur le reconnaîtront assurément à la lecture. On se perd et se questionne sans arrêt sur ce qui se passe, on sait que ça a un lien avec le fameux IRM mais on se demande bien quoi. Théo Moisan, personnage principale, y va parfois de ses hypothèses mais on sait que cette voie est trop facile et on se demande bien comment ça va se conclure. Pat Sénécal se permet encore sa petite critique sur la société au passage et c'est le mouvement "woke" qui y passe tout comme le déclin de la langue française sur l'île de Montréal et le "franglais" si à la mode chez les jeunes.

J'ai été très dérouté, voire abasourdi par la finale. Non non non, c'est trop facile! J'ai refermé le livre, déçu comme je ne l'ai jamais été avec Patrick Sénécal. Je ne suis laissé plusieurs heures avant d'écrire cette critique pour bien y réfléchir et finalement, c'est beaucoup mieux que je pensais. On a souvent l'impression que Sénécal se transpose dans ces romans. Ses personnages sont souvent eux-mêmes écrivain ou professeur comme lui et comme je l'ai mentionné, il exploite souvent ses perceptions sur la société. Et bien ce roman est la plus belle preuve de ça. Je n'en dirai pas plus!
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J'ai bouclé la boucle…hum… pas certain 😜 Avec « Résonnances », Patrick Senécal nous entraîne dans un monde à la dérive, où la violence est là réponses à tout! Où chacun répond à ses pulsions sans se soucier des autres. Encore une fois, une histoire originale qui met en avant plan la psychologie fragile de l'être humain. Et Patrick est un maître du style! Très bon livre, n'hésitez pas!
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