Une femme, belle, perdue, effrayée et son geôlier, dans un cachot obscur. A côté, on entend des cris: on torture, on tue. On est en Amérique du sud, il vient d'y avoir un coup d'état, une junte d'assassins a pris le pouvoir.
La Femme cachée n'est pas un roman politique: les contours de l'histoire et
L Histoire avec sa grande hache-merci Perec!- tout cela reste flou.
Le maton s'appelle Salvador. le Sauveur.Parce qu'il a jeté sa veste sur ses épaules frissonnantes commence leur histoire. Celle d'un amour fou. Ils se retrouvent dans la cellule, ils arpentent, la nuit, les couloirs de la prison militaire. Mais les motivations, les sentiments, le parcours du désir qui les jette l'un vers l'autre, on ne le saura pas.
La Femme cachée n'est pas un roman d'amour non plus. Ni un roman psychologique sur les rapports tordus entre le tortionnaire et sa proie, façon Portier de nuit, au cinéma.
La Femme cachée est un récit, court, épuré, acéré,presque sans images, sans descriptions, un récit essentiel qui file, droit, au coeur de l'indicible, sans chercher à l'expliquer, sans essayer de comprendre. Une écriture de feu, mais blanche, malgré tout.
Peut-être parce que tout amour est, par essence, inexpliqué et inexplicable, que toute passion est un retranchement à l'écart de tout, qu'elle s'enferme dans des huis-clos successifs de plus en plus étroits, resserrés - dictature, prison, grotte.- et se consume, royale, de ses propres flammes.
Très différent de son roman foisonnant et poétique,
la République des Roseaux (avec tout de même quelques motifs récurrents),
La Femme cachée est une épure, une encre japonaise, un haïku.
Oui, un haïku: court, fort et simple, mais totalement mystérieux.