Un essai vraiment très intéressant, écrit par une journaliste qui sait pimenter son texte d'anecdotes qui rendent la lecture bien agréable malgré un sujet sérieux et bien documenté.
Pour aborder les migrations, l'autrice prend appui sur l'aspect biologique et sur l'histoire des sciences. Elle présente l'évolution de l'histoire naturelle, l'influence de Linné et de Buffon. On comprend comment on considérait les espèces animales en fonction des territoires (l'oie du Canada par exemple), alors que ces oiseaux passaient une grande partie de leur vie dans d'autres pays.
On voit aussi comment aussi on appliquait les concepts de « la nature » chez les humains, pour promouvoir des théories racistes justifiant l'esclavage. Ces mêmes éléments dits scientifiques proposeront l'eugénisme ou la « solution finale » du nazisme.
L'autrice fait ressortir que pour les êtres vivants, les migrations ne sont pas l'exception, mais la normalité. de grandes migrations ont déjà eu lieu et ont permis aux humains de peupler les continents. Avec les changements climatiques, des espèces animales et végétales ont déjà entrepris leurs déplacements. Il ne saurait en être autrement pour les humains, à moins que la science et les communautés humaines trouvent des solutions qui permettraient aux différentes régions de demeurer habitables.
Bien sûr, le livre n'épuise pas le sujet. Pour traiter de tous les aspects des migrations, il lui aurait fallu plusieurs tomes. On reste donc un peu sur notre faim quant à l'analyse sociopolitique, à la perception des migrations dans la société. Par exemple, pourquoi les médias parlent-ils volontiers des problèmes et des coûts plutôt que de l'apport des personnes immigrées? Ou pourquoi les immigrés deviennent-ils des boucs dans le discours politique? Les situations sont différentes d'un pays à l'autre et l'autrice est davantage dans la perspective étatsunienne, mais chacun peut poursuivre ses propres réflexions…
Peut-être en arriverons-nous à être conscient que les frontières ne sont qu'une construction humaine artificielle et que « chez nous », c'est notre planète, pas seulement notre coin de pays!
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Lorsque les Néerlandais avaient colonisé le sud de l’Afrique, par exemple, ils avaient considéré les peuples locaux non comme des humains, mais comme des animaux : il était donc légitime de s’emparer de leurs terres, voire même de les chasser et le les manger à l’occasion. Désormais, de tels actes recevaient l’approbation du plus célèbre spécialiste de l’histoire naturelle au monde.
(Écosociété, p.99)
Mais la vie, le vivant, aujourd’hui’ comme hier, se déplace. Depuis des siècles nous nions l’existence de l’instinct migratoire et diabolisons celui-ci au point d’en faire le présage d’horreurs à venir. Nous avons construit à propos de notre passé, de nos corps et du monde naturel, un récit où la migration tient le rôle d’anomalie. Il s’agit d’une illusion. Et lorsqu’elle se dissipe, le monde entier se transforme.
(Écosociété, p.42)