La Bodhi est l’« Éveil », l’Illumination suprême qui révèle au Buddha la loi de l’univers, donc la Lumière par excellence. Mais elle est plus qu’un état transcendant de l’esprit : elle implique aussi la charité parfaite, le désir fervent de guérir la douleur du monde. Le Buddha n’est pas seulement un Voyant, il est encore un Sauveur. Cette notion ne fait pas, à vrai dire, partie intégrante de la signification primitive, car Çâkyamuni, en possession de la Bodhi, hésita, si on en croit l’Écriture, à communiquer aux hommes la vérité qu’il venait de conquérir ; et d’ailleurs il existe une classe de buddhas désignés par le terme expressif de « chacun pour soi » (pratyeka-buddha), qui gardent pour eux leur bodhi. Mais il se produisit au cours des temps, dans le sein de l’Église bouddhique, un mouvement d’idées qui fit passer au premier plan la caritas generis humani, de façon que la « pensée de la Bodhi », dont il est si souvent question dans notre texte, c’est moins la pensée de connaître la vérité que celle de sauver le monde. Le Bodhičaryâvatâra est un des témoins de ce nouvel évangile, qui porte dans l’histoire religieuse le nom de Mahâyâna, « Grand Véhicule », expression un peu singulière, mais qu’un mot suffira à expliquer.