Les Aventures De Rabbi Harvey se présentent sous forme d'une BD en noir et blanc, succession de neuf histoires courtes ou saynètes. Le sous-titre précise, un peu pompeusement, " La sagesse et l'humour juifs au Far West. "
Donc, si vous êtes prêts à vous satisfaire de cela, ce livre peut vous plaire beaucoup. Personnellement, j'aime assez le style naïf des illustrations. Je trouve également que l'idée de transplanter un rabbin type au Far West dans un rôle proche de celui qu'occupaient les shérifs à l'époque est excellente.
En revanche, pour la sagesse et l'humour, juifs ou pas juifs, cela ne vole pas très haut, je trouve. Et je suis toujours assez réticente quand je vois un tel communautarisme dans des œuvres. Ici, tout est juif, résolument juif, exclusivement juif. Le Far West ressemble plus à l'Europe de l'Est qu'aux Montagnes Rocheuses
Les habitants du Far West sont tous des Juifs ; Rabbi Harvey est une sorte de super sage extralucide qui trouve des solutions à tout à coup de Torah ou de Talmud...
Alors, certes, il y a bien une petite notice explicative en fin d'ouvrage sur les origines ou les sources d'inspiration des saynètes mais dans l'ensemble, on est plutôt au niveau du conte pour enfant que de la sagesse véritable des penseurs juifs.
Certes, il y a bien deux ou trois traits d'humour, qu'on s'empresse de baptiser " humour juif ". Entre nous, si c'est ça l'humour juif, il n'y a pas de quoi le revendiquer haut et fort. Je suis plutôt de l'avis de Wolinski sur la question, à savoir que l'humour est universel et que les Juifs n'en manquent pas mais qu'il ne sont pas les seuls dans ce cas-là.
Quant à estampiller telle forme d'humour : " humour juif ", j'ai toujours trouvé ça stupide. Ça ne fait que renforcer inutilement les communautarismes, ce dont on n'a vraiment pas besoin à l'heure actuelle. Car qui dit " humour juif ", suppose, de facto, " humour non juif ".
Alors on va commencer à faire des catégories et c'est comme ça qu'on en arrive à des atrocités. Parce qu'après l'humour juif, il y a l'humour anglais, etc. Personnellement je me sens très proche de l'humour du canton d'Orbec dans le Pays d'Auge... Le problème des catégories d'humour devient carrément épineux lorsqu'un Juif anglais fait de l'humour car je ne sais plus dans quelle case le poser, a fortiori s'il habite à Bruxelles et qu'il subit l'influence de l'humour belge.
Je suis farouchement hostile aux étiquettes " sagesse juive ", " humour juif ". Pour moi, il y a la Sagesse et il y a l'Humour, et peu importe d'où cela vient. En ce moment, la crise identitaire est tellement à vif, en France ou ailleurs, sous la houlette de certains tristes sires, qu'on finit par justement perdre tout sens de l'humour.
On en arrive à des absurdités telles que l'humour dit " juif " devient un humour fait par des Juifs et orienté sur la communauté juive. Là, c'est de l'humour, là on a le droit de casser et de caricaturer mais si par malheur un goy fait exactement la même blague, là, cela devient instantanément de l'antisémitisme, cela devient de l'incitation à la haine raciale et tout l'arsenal des connotations dégradantes qui vont avec.
En réponse, d'ici peu on va nous sortir l'humour estampillé " halal ". Bref, j'ai vraiment beaucoup de mal à m'enthousiasmer quand l'aspect trop communautaire et pro-communautaire ressort comme c'est la cas ici. Nous avons besoin de diversité et d'apprendre à unir ces diversités de façon harmonieuse, pas de les exacerber ni d'en faire des marques distinctives.
Bien entendu, cela n'est qu'un avis, un tout petit avis non communautariste, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie         677
Dans Les aventures de Rabbi Harvey, Steve Sheinkin a voulu allier les deux genres d'histoires qui ont bercées sont enfance : les contes traditionnels juifs d'Europe de l'Est et les légendes du Far West. A priori c'est un mélange très incongru et un pari plus que risqué !
Au final les petites histoires de ce rabbin se savoure facilement, pour qui apprécie l'humour dit "juif" (puisque ce type d'humour est caractéristique uniquement des juifs d'Europe de l'Est, pourquoi vouloir y englober tous les autres ??)
Finalement le rôle d'arbitre de rabbi Harvey tient autant du rabbin du shtetl (comme dans les nouvelles d'Issac Bashevis Singer) que du shérif du Far West. Il se sort de situations épineuses grâce à des répliques ou stratagèmes astucieux. Comme quoi : tout est dans les textes religieux pourvu qu'on sache les lire et les interpréter correctement !
A la fin des aventures de Rabbi Harvey, l'éditeur a ajouté des explications quant aux sources qui ont inspirées ces histoires. Ces annexes permettront aux lecteurs les plus éclairés de voir certaines ressemblances fondamentales entre le judaïsme et l'islam.
Le point faible de cette bande dessinée c'est finalement le graphisme très basique en noir et blanc. Pas gênant non plus puisque le contenu prend vite le dessus et nous fait oublier les traits presque simpliste de l'auteur.
Commenter  J’apprécie         160
Une petite perle d'humour judéo-talmudique, un duel de mauvaise foi rabbinique, quelques contes philosophiques, le tout dans un trait graphique faussement ingénu. Drôle et fin.
Commenter  J’apprécie         60
{Durant toute la scène, les deux personnages courent.}
Harvey courut après lui.
RABBI HARVEY : Est-ce que je peux te parler une seconde !
LE GARÇON D'ÉPICERIE : Non.
RABBI HARVEY : Dis-moi vite le nom du rabbin de cette ville !
LE GARÇON D'ÉPICERIE : Sinon vous allez me battre ?
RABBI HARVEY : Non, sinon tu vas me distancer et je serai trop loin pour t'écouter.
LISA : Il a répondu que c'est une idiotie de conserver du jus de fruits dans de la vaisselle en argent.
RABBI HARVEY : Ton père a raison. Un pichet de terre vaut mieux pour cela. C'est la même chose pour la sagesse. Parfois, elle se conserve mieux dans une tête pas très belle.
LISA : D'accord, mais ne peut-on pas être à la fois intelligent et beau ?
RABBI HARVEY : Sans doute. Mais n'oublie jamais que l'habit ne fait pas le rabbi.
RACHEL : Bubbé, le nouveau client creuse un trou dans le jardin.
LA GRAND-MÈRE : Ce n'est pas joli d'espionner les gens, Rachel.
[…]
RACHEL : Hé ! Bubbé, il met quelque chose dans la terre.
LA GRAND-MÈRE : Je t'ai déjà dit de ne pas espionner.
RACHEL : C'est drôle, on dirait un tas d'argent.
LA GRAND-MÈRE : Ah oui ? Je viens.
LE PRÉPOSÉ AU COMPTOIR DES VIGNOBLES : Que puis-je pour vous, monsieur ?
HARRY : Je voudrais mille bouteilles de vin. Et un sandwich au saumon s'il vous plaît.
LE PRÉPOSÉ : Nous ne faisons pas de sandwiches.
HARRY : C'était une blague.
LE PRÉPOSÉ : Nous n'en faisons pas non plus.
HARRY : Désolé.
- Je pense que vous avez le droit de m'en vouloir, Rabbi, mais accordez-moi au moins une faveur ...
Pouvez-vous me dire quelles prières je dois adresser à Dieu pour qu'il me pardonne ?
- Pourquoi mêler Dieu à cette histoire ? Si vous avez causé du tort à un être humain quel qu'il soit, c'est à lui que vous devez demander pardon.