Il s'avère bien difficile de parler de cette histoire sans trop dévoiler l'intrigue… Cette dernière se construit, telle une toile d'araignée. Tout est tissé afin de présenter au lecteur une toile unique, aux couleurs particulières, suspendue dans le temps où un couple est piégé…
Matthieu Simard, auteur québécois, avec
Ici, ailleurs met en scène Marie et Simon. Ces derniers sont en deuil de leur unique enfant. Pour vivre leur peine et tenter de se reconstruire ailleurs, ils vont s'établir dans un village qui habite des êtres marqués aussi par des drames depuis qu'une antenne y a été implantée. Les gens du village n'aiment pas les inconnus et ils tentent de repousser les amoureux qui n'en ont que faire. Ainsi, Marie et Simon rencontrent une famille parfaite, les Lavoie, le garagiste Fisher, la serveuse Madeleine, la sourde-muette Alice. Réussiront-ils à faire la paix avec la mort? Trouveront-ils un réconfort auprès des gens autour d'eux? S'aimeront-ils assez pour traverser cette terrible épreuve?
J'ai tout adoré dans cette histoire (les personnages bizarres gravitant autour du couple, l'écriture poétique et ficelée de l'auteur, les drames présentés, la structure narrative à deux voix). Au fil des pages, le lecteur a accès au point de vue de Marie et à celui de Simon. Cette façon de faire entraîne le lecteur à la fois dans une dualité (je-tu) et une unicité (nous), celle du couple. Car ces deux êtres se connaissent bien jusqu'à accepter les mensonges de l'autre, les reconnaître, les taire.
Nous survivons en échangeant nos mensonges comme les enfants échangent des jouets. Dans ce village qui ne nous ressemble pas nous apprendrons à inventer les vérités qui nous feront le plus de bien. Je sais maintenant que nous ne pourrons jamais oublier le passé, mais c'est ce que nous essaierons de faire malgré tout. Oublier le passé et nous aimer aujourd'hui. Isolés loin d'ailleurs, nous masquerons nos cicatrices à coups d'espérance. (p. 43)
Mais encore, le thème de l'eau est très présent dans cette histoire et ce dès l'incipit.
Le silence est tombé un jeudi comme une goutte de pluie et nous a submergés pendant des années. Les oiseaux se sont tus d'un coup, le grincement des charnières rouillées, les cris dans la cour d'école, le haut-parleur côté passager, les feuilles mortes, le vent, plus rien. C'était il y a trois ans, loin d'ici.
Depuis ce jour là, des centaines d'averses ont éclaté sur nous et chaque fois c'était elle qui nous tapait sur l'épaule pour nous rappeler les jours d'avant.
Cette eau est funeste, froide, glaciale… Elle entraîne Marie et Simon dans une dérive sans issu vers un ailleurs…
Et la paix, c'est le bout vide entre deux conflits, j'ai mal au sang, j'aurai toujours mal au sang. Et la pluie c'est elle notre fille qui revient nous taper sur l'épaule, chaque goutte d'eau c'est elle qui nous rappelle que nous ne pourrons jamais endurer la douleur, combler son absence, annuler son départ. (p. 68)
Malgré tout, deux êtres s'observent, s'aiment et survivent noyés dans un malheur plus grand qu'eux…
La toile d'araignée réussira-t-elle à immobiliser ce radeau? Se déchirera-t-elle pour le libérer?
Une histoire qui se lit d'un coup… Mais quel coup! Une lecture coup de poing qui nous va droit au coeur…
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