Ce roman nous plonge dans la vie quotidienne des petites gens, à l'heure où la banlieue offrait encore le repos pour des employés parisiens fatigués, préférant venir à vélo, très tôt le matin, plutôt que d'user des transports en commun – dans les grands hôtels parisiens, on y travaille de jour comme de nuit.
Prosper Donge n'a pas de chance : non seulement la roue de sa bicyclette a crevé mais il a découvert un cadavre dans un des placards.
Maigret est chargé de l'affaire, et c'est peu de dire qu'il doit marcher sur des oeufs : le mari de la victime appartient à la haute société américaine, il ne faut surtout pas le déranger (n'était-il pas très loin quand le crime a eu lieu ?), ni lui, ni l'institutrice de son fils, ni la gouvernante. Et quand un second cadavre est découvert au même endroit, le coupable, pardon,
le suspect (les juges d'instruction vont parfois vite en besogne) est très rapidement identifié.
Maigret n'a plus qu'à… poursuivre l'enquête, parce qu'il est hors de question de laisser autant de flou, de doute, dans une affaire.
La victime est toujours très importante dans les bons romans policiers. Que faisait une cliente du Majestic dans les sous-sols ? Quel était son passé ? Bien que mariée à un riche américain de Detroit (Michigan), elle était française, elle répondait au diminutif de Mimi pour Emilienne, et travaillait sur la Côte d'Azur, comme Prosper Donge, comme Charlotte, sa compagne très maternelle, ou Gigi (encore un diminutif).
Maigret ne ménagera pas ses efforts pour découvrir les liens qui les ont unis, et continu de les unir, des années après.
Maigret s'intéresse de près aux espoirs, aux aspirations, aux rêves de ses petites gens, à leurs douleurs aussi. Il reste profondément humain avec eux, toujours au plus près du travail de terrain – il n'hésite pas à mettre
la main à la patte, voire à s'impliquer physiquement dans l'enquête. Ou comment réinventer l'expression « payer de sa personne ».
Les fins heureuses peuvent exister, même pour les criminels. Nous parlons d'un temps où la peine de mort et les travaux forcés faisaient encore partie de l'arsenal répressif français. Les fins heureuses existent aussi pour les petites gens, aux rêves de bonheur simple. Je ne le reprocherai pas à
Simenon.