Très bel ouvrage de poésie, faciles à lire et combien d'actualité. le regard de l'auteur réchauffe et engage à la réflexion sur son propre comportement.
Les illustrations (découpages dans des papiers journaux) ponctuent visuellement les textes.
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Gibraltar
Ceux-là ne vont pas à la mer
pour la mer
pas pour nouer leurs rires
à la gerbe des vagues
pas pour cuire leur sommeil
sur le sable
Ils sont devant la mer
debout sous la nuit sans étoiles
comme devant l'abîme
derrière eux la terre qu'ils aiment
harassée
dépourvue
où il n'y a le choix
qu' entre la mort et la mort
devant eux rien la mer immense
un abîme à franchir
comme on doit bien franchir le désespoir
ils savent que leur barque
est plus fragile qu'un rêve
ils savent
que là-bas peut-être à l'autre bout du vide
la mer recrachera leur corps
sur le sable froid
ils savent
debout devant la mer
J’aime les très vieux
assis à la fenêtre
qui regardent en souriant
le ciel perclus de nuages
et la lumière qui boite
dans les rues de l’hiver
J’aime leur visage
aux mille rides
qui sont la mémoire des mille vies
qui font une vie d'homme
Oui je sais que
la réalité a des dents
pour mordre
que s'il gèle il fait froid
et que un et un font deux
je sais je sais
qu'une main levée
n'arrête pas le vent
et qu'on ne désarme pas
d'un sourire
l'homme de guerre
mais je continuerai à croire
à tout ce que j'ai aimé
à chérir l'impossible
buvant à la coupe du poème
une lumière sans preuves
car il faut être très jeune
avoir choisi un songe
et s'y tenir
comme à sa fleur tient la tige
contre toute raison.
Poésie - La poésie à quoi ça sert ? - Jean-Pierre Siméon - La nuit respire