Autant le dire sans détour, il s'agit là d'un livre très spécialisé et parfois ardu. Il faut donc s'accrocher et prendre par moments son courage à deux yeux !
Simondon (1924-1989) propose une réflexion philosophique de premier ordre sur la notion d'objet technique (que l'on pourrait appeler outil) : les origines, les sous-jacents anthropologiques, les implications sociologiques, philosophiques et épistémologiques de la capacité qu'à l'homme de créer des outils capables de transformer le monde et bien-sûr sa vie. On y apprend beaucoup beaucoup de choses. L'auteur propose notamment une schématique des grandes étapes de la pensée humaine : pensée magique originelle divergeant en pensées religieuse et technique puis opérant une synthèse par le biais de la pensée philosophique. Enchaînement causal très intéressant qu'il n'est hélas pas possible de développer ici.
Il offre également une réflexion sur les raisons du divorce qui s'est opéré entre ce qu'on appelle « le monde de la culture » et « le monde de la technique », en d'autres termes sur les glissements successifs qui ont conduit ce qu'on appelle la « culture » à exclure de son champ le monde des objets techniques (et souvent scientifiques). Il écrit : « « Nous voudrions montrer que la culture ignore dans la réalité technique une réalité humaine, et que, pour jouer son rôle complet, la culture doit incorporer les êtres techniques sous forme de connaissance et de sens des valeurs. » La thèse de
Simondon paraît particulièrement pertinente de ce point de vue car les conséquences de ce divorce ne sont pas minces. de ce point de vue,
Simondon annonce les mises en garde qu'ont faites sur ce même sujet
Carl Sagan et plus près de nous
Etienne Klein.
Au-delà la minutie parfois déroutante du propos, ce livre entre dans la catégorie des métarécits que j'aime tant et qui donnent au lecteur le sentiment d'approcher d'une compréhension plus universelle du monde.
Il est une belle pierre à l'édifice de ce qui, au siècle des Lumières, s'appelait la culture de « l'honnête Homme ».