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Le Royaume Intérieur face à l'Empire extérieur. Deux mondes, une échappatoire, un imaginaire pour continuer à vivre dans le bourbier des hommes. Un univers puisé dans les livres où chaque personnage, chaque héros va prendre une place réelle dans l'esprit de Saravouth. Depuis l'âge de six ans, le jeune garçon continue de bâtir un gigantesque Angkor, aussi foisonnant, aussi fantastique, aussi spirituel. Sa mère Phusati lui raconte des histoires puisées dans la bibliothèque familiale, une bibliothèque comparable à une reine avec une cour des mots. Aux oreilles attentives de Saravouth et sa soeur Dara, elle narre les pérégrinations de Peter Pan et autres petits princes. Phusati à une origine française, la famille est catholique, leur pays le Cambodge en proie à une guerre civile qui deviendra la terre d'un immense charnier. le général Lon Nol a pris le pouvoir avec l'aide des américains et la distribution des armes servira, via un marché parallèle, à alimenter les Khmers rouges. Longue flamme rouge sang à l'horizon.

En attendant, Vichéa, le père continue de travailler comme il le peut dans cette société qui chaque jour devient un peu plus délatrice et où on peut être enlevé, torturé, tué pour la moindre jalousie, le moindre regard, la moindre attitude et dénoncé comme étant d'origine vietnamienne ou d'obédience pro-prince. Des ténèbres vont naître un long crépuscule. Saravouth croit en son royaume intérieur surtout depuis qu'il a rencontre Homère. L'Iliade et l'Odyssée vont dorénavant faire partie de sa vie, lui s'apprête sans le savoir encore à devenir un nouvel Ulysse sans peut-être jamais revoir un jour Ithaque alias Phnom Penh.

Le grand échiquier de la vie va devenir le terrain d'une lutte inhumaine pour l'adolescent : échecs et pièces maîtresses, homme au complet bleu, sorcière de la forêt, orphelinat avec le père Michel. Trahisons, violences et douleurs, une énorme triade qui se transforme en un palimpseste du désespoir et de l'errance. Pourtant Saravouth, blessé, écorché croit pouvoir retrouver ses parents en implorant Athena et Zeus. Avec comme hameçon, les mots de René Char « Il faut trembler pour grandir »

Un récit époustouflant, aussi tragique que magnifique, porté par une plume qui sculpte chaque méandre du parcours de Saravouth et pour qui on s'attache sans même le connaître. La puissance de l'écriture provoque un électrochoc à la lecture de cette pérégrination du courage où la réalité est dominée par les références mythologiques, en particulier celle de l'Odyssée qui fouette les pages comme si le navire d'Ulysse venait se fracasser contre les parois du livre.

Car cette histoire est vraie, le Cambodge a encore des tranchées ouvertes après tant d'années de guerre, après un génocide faisant plus de deux millions de morts et Saravouth existe. Et combien d'enfants, combien d'adultes ont subi les mêmes tragédies et les subissent encore…

Guillaume Sire tisse progressivement une énorme toile sur les pouvoirs de l'humain ; ce que le corps humain est capable de supporter par la puissance de l'esprit, l'évasion du mental dans la prison du crépuscule, la ténacité d'une âme ne voulant jamais éteindre la moindre étincelle pour rallumer la flamme de la vie. Cette vie où coexistent les âmes enrobées de cendres ténébreuses et celles auréolées d'une flamme immortellement lumineuse.



Ô Saravouth, conte-moi l'aventure de l'Inventif

Celui qui vit le Cambodge pillé et qui pendant des années erra

Voyant beaucoup d'atrocités, découvrant l'ignominie humaine

Souffrant beaucoup d'angoisse dans son âme sur l'enfance

Pour défendre sa vie sans un possible retour de sa famille

Sans pouvoir sauver aucun de ses membres

Cet enfant qui toucha au troupeau des infâmes

Et vit le soleil dans quelques âmes

A nous aussi, Guillaume Sire, conte un peu ces exploits !
Merci à lecteurs.com de la Fondation Orange pour l'envoi de ce livre

Lien : https://squirelito.blogspot...
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J'ai longtemps hésité à ouvrir "Avant la longue flamme rouge" car je savais ce qui s'était passé au Cambodge dans les années 70, et en particulier les horreurs perpétrées sur des civils sans défense pris entre deux camps aussi barbares l'un que l'autre.
Et puis j'ai lu et entendu de belles choses sur ce livre et je me suis dit que je ne pouvais pas passer à côté. Et j'ai bien fait.
On suit Saravouth, 11 ans en 1971, au Cambodge, au moment de la destitution du prince Sihanouk, la prise de pouvoir par Lon Nol et la guerre civile entre ses partisans et les Khmers rouges communistes qui va durer jusqu'en 1975.
Il vit heureux, à Phnom Penh, entre son père qui est chef de service à l'Institut d'Agriculture, sa mère, enseignante de littérature et sa petite soeur Dara. Sa mère lui fait découvrir Peter Pan, l'Odyssée, René Char à partir duquel il se bâtit un Royaume Intérieur, un monde imaginaire foisonnant.
Mais inexorablement, le drame se rapproche; sa famille disparaît, il reste seul, très grièvement blessé avec une seule idée en tête, retourner à Phnom Penh et retrouver sa famille.
Pour surmonter la tragédie, les abominations de la guerre, sa solitude, sa peur, il se retire dans son Royaume Intérieur pour retrouver un peu de paix et de calme. Saravouth croisent des personnages hauts en couleur, des hommes et des femmes d'exception qui le sauvent à plusieurs reprises mais ils n'arriveront pas à le guérir de son obsession de revoir sa famille.
L'épopée individuelle de Saravouth s'inscrit dans celle, plus large, du Cambodge, détruit, meurtri, violent. Certains passages, comme je le craignais, sont insoutenables surtout si l'on garde à l'esprit que les horreurs n'ont pas été inventées, que des êtres humains ou se prétendant tels les ont fait subir à d'autres êtres humains.
L'auteur nous fait partager son amour de la littérature, des belles lettres, des mots accrochés à des ficelles qu'on tire à soi pour les découvrir. Il conçoit la littérature comme un baume face au trauma, comme un monde protecteur dans lequel on peut se sentir protégé.
Ce roman est intense, poignant, puissant servi par une belle écriture à la fois tendre, poétique et extrêmement violente. Une réussite. Un roman qui va m'accompagner un petit bout de chemin.
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Ce livre est un véritable coup de coeur pour moi.
Peut être car mon meilleur ami est cambodgien et que ses parents ont dû fuir le pays. J'ai en tout cas beaucoup pensé à lui et à sa famille tout au long de ma lecture.
Ce roman m'a bouleversé avec quasiment la larme à l'oeil du début à la fin.
L'écriture est magnifique. Elle met magistralement en scène cette guerre, ce régime destructeur, la violence dans le coeur dans le corps et dans l'âme de chacun de ses habitants.
L'histoire est poignante déstabilisante émouvante révoltante.
Ce livre mérite d'être lu pour ne jamais oublier....
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Déstabilisant durant quelques pages du fait de l'imaginaire de l'enfant. Mais il ne faut pas lâcher car vous avez dans les mains un excellent « roman « à l'écriture très fluide. Malheureusement le sujet abordé est très difficile et sa lecture parfois éprouvante. La violence de notre monde s'embarrasse t'elle d'enjolivements ? Non. Alors cette histoire se devait d'être écrite ainsi. Bravo Mr Sire.
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Jusqu'à présent, je n'avais jamais lu de roman traitant du conflit qui s'est joué au Cambodge alors que pourtant, je suis assez friand des textes qui traitent de la guerre. Avec ce livre, ma méconnaissance de cette horreur est désormais comblée et je nourris l'espoir de trouver d'autres bouquins de ce type. Même si ce roman ne se verra pas attribuer la note maximale par mes soins, elle s'en approche de très près. D'avance, je sais que je vais avoir beaucoup de mal à remplir cette chronique car il m'est toujours difficile de parler de ce genre littéraire mais aussi, des oeuvres que j'ai vraiment apprécié. Au moins, cela confirme déjà mon amour grandissant pour les romans historiques et à mes yeux, c'est une bonne chose.

Point négatif :

- Il m'a manqué ce petit quelque chose pour faire de cette histoire, un nouveau coup de coeur en ce qui concerne cette année 2020.

Points positifs :

- Une chose est sûre : Saravouth est un garçon véritablement courageux. Très vite, il décide de ne pas baisser les bras et se lance à la recherche de son père, sa mère et sa petite soeur dès que le conflit débute. Au sein de ce livre, cet enfant réalise des rencontres qui vont l'aider à progresser dans sa quête et surtout, lui fait gagner des jours en terme d'existence.
- J'ai beaucoup aimé le regarder grandir aussi même si les conditions, le concernant, n'étaient guère idyllique. Au fur et à mesure de sa croissance, Saravouth se durcit et ne ressent presque plus rien. Il faut dire que les atrocités que ce jeune garçon a pu connaître et voir y sont pour beaucoup et l'ont aidé à se préserver, dans un certain sens.
- La conclusion. Je voulais savoir ce qu'il allait devenir et même si un reportage existe le concernant, ma curiosité s'est arrêtée à ces dernières pages. Comme tout à chacun, il a mené une vie normale avec ses joies mais également ses peines. En tout cas, la réponse concernant ses maux de têtes est apportée et jusqu'au bout, nous espérons que son mal ne l'emportera pas. A l'heure actuelle, Saravouth vit encore de beaux jours devant lui et suite à ce qu'il a enduré, c'est clairement mérité.
- Enfin, et c'est mon avis personnel. le sort réservé à l'homme qui a dénoncé sa famille par jalousie est clairement mérité. Toutefois, j'estime qu'il méritait de souffrir un peu plus.
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Cambodge 1971.
La famille Inn vit heureuse, le père Vichéa est cadre à l'Institut d'Agriculture, la mère Phusati est professeur de littérature au Lycée français Descartes à Phnom Penh, Saravouh à 11 ans et Dara sa petite soeur 9 ans. Leur nounou s'appelle Mahom elle est la clef de voûte de cette famille.
La mère nourrit ses enfants d'histoires avec de belles références littéraires, le père et le fils font régulièrement des parties d'échecs. Se sont des liens tissés qui seront éternels et oh combien salvateurs.
Saravouh a un imaginaire très personnel : « j'ai construit un pays à l'intérieur de ma tête. » il l'appelle « le Royaume Intérieur. »
Avec l'arrivée des Khmers rouges les jalousies s'enflamment et les complots sont ourdis contre cette famille.
« C'est l'épouse de Vichéa, Phusati. Elle sourit, elle rit. Leurs enfants sont magnifiques. Une douceur émane du garçon, magnétique, quant à la fillette c'est une flamme —énergique, illimité, impondérable comme une flamme. Il est tout de suite persuadé qu'aucune famille sur terre n'a jamais été aussi heureuse. »
Lon Nol accède au pouvoir les rafles se multiplient. La vie de cette famille, comme celle de beaucoup d'autres se modifient. La peur est là constante, les difficultés s'accumulent. Voisins et amis disparaissent.
« Ces gens-là n'ont-ils pas été arrêtés parce qu'ils étaient Vietnamiens ?
Chamroun s'écrie :
— C'est pareil, mon pauvre vieux ! Vietnamiens, catholiques… Les uns s'agenouillent devant les Chinois, les autres devant les Français. Tous au final ne savent rien faire à part lécher le cul du Parti Communiste ! Lon Nol a raison, il faut…
Il embrasse la tablée du regard.
— Il faut les tuer. »
Le quotidien de la famille Inn se délite, c'est Dara la plus jeune qui me ressent le plus tôt et qui accuse de ces changements dans tous ses actes.
Un soir un homme en complet bleu et deux soldats frappent à leur porte.
Tout bascule.
Des semaines plus tard Saravouh reprend connaissance, le crâne défoncé, dans une vieille cabane, dont le toit fuit, il est soigné par une vieille femme. Entre léthargie et souffrances sont esprit vogue vers ceux qui sont absents : ses parents et sa soeur.
Il se raccroche à son Royaume Intérieur, pour survivre dans ce monde si loin de son éducation et de l'amour qu'il a reçu…
Un monde brut.
Les mois passent, il est enfin apte à partir. Il part seul, franchit le Mékong une nuit.
« Partout, des corps découpés et l'odeur, dans la bouche, acide, l'odeur molle et organique, une gelée de merde sous la langue. »
L'auteur sait nous faire partager l'horreur qui règne dans un paysage flamboyant où dame nature présente ses plus beaux atours et dissimulent si bien ses pièges. le lecteur ne peut être que révulsé à l'idée de ce que vit ce petit garçon, qui n'a d'enfance que l'âge.
Saravouh avance dans ce chaos, il ne doit pas se laisser engloutir par les marécages, savoir jauger les rencontres : milices ou fuyards comme lui, savoir se préserver de la faune omniprésente.
Cette histoire d'errance a la force démultipliée par le savoir de l'auteur sur l'adulte qu'est devenu Saravouh, les traces qu'il a suivi au Cambodge, et ce que nous lecteurs ressentons de ce parcours si exceptionnel.
Une mémoire nous est transmise, celle de la guerre qui fait inexorablement ressortir ce qu'il y a de pire chez certains êtres.
L'écriture par sa fluidité, ses mille détails adoucit les images, met des couleurs et autres baumes.
C'est également un hymne à la littérature, cette nourriture qui a offert à cet enfant des liens, des forces, des clefs auxquelles se raccrocher pour ne pas mourir.
Son esprit empli de cette antienne : « il faut trembler pour grandir », citation de René Char que lui a apprise sa maman.
A 11-12 ans Saravouh découvre une humanité aux multiples facettes.
A l'âge de l'innocence, de l'insouciance il fait un apprentissage des plus abrupt.
Heureusement certaines mamans sont des « châteaux ».
« Les mots sont des hameçons envoyés par les poètes pour creuser des sillons sous le soleil, la mer, les cimes de l'Himalaya, les jardins multicolores, les horloges mécaniques. Les mots dansent partout. Ils travaillent. Ils organisent des batailles. La vie, les étoiles, la peau, le silence, ce sont des mots. Ce sont des hameçons. Il suffit d'écouter. »
A ce livre si troublant quelle plus belle conclusion si ce n'est de reprendre ce paragraphe.
Comme l'auteur je vous invite à visionner : "Odysseus'Gambit", bouleversant.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 03 juin 2020.

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Avant la longue flamme rouge est l'histoire (presque) vraie d'un garçon cambodgien d'une dizaine d'années. C'est d'abord une vie de famille épanouie, puis il se retrouve livré à lui-même après avoir été séparé de ses parents, sans doute décédés. Une des critiques parle d'un mélange de violence et de poésie, c'est exactement de ça qu'il s'agit. L'enfant se réfugie dans son imaginaire pour échapper au monde réel.
D'un point de vue historique, ce livre est assez décevant et n'apporte presque rien. L'action se passe avant l'arrivée des Khmers rouges, à une période charnière où toutes les parties en présence massacrent les malheureux civils sans état d'âme. le récit fait état de cadavres partout sans que l'on sache forcément qui est responsable de ces horreurs. Il n'y a pas d'armée en présence, il n'y a que des individus désespérés ou embrigadés, mais tout aussi méprisants de leurs concitoyens.
Pour ceux qui s'intéressent à l'histoire, ne manquez pas le témoignage poignant de Pin Yathay "L'Utopie Meurtrière".
Quant au style, il est d'abord plein de poésie. le rythme est lent au départ mais la lecture reste agréable. C'est moins vrai vers la fin où la lenteur est parfois pesante.
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Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire
Pourquoi ai-je choisi de lire ce livre Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, non pas parce qu'il venait de recevoir Prix Orange du livre, mais parce que mon parcours m'a conduit en 1993 au Cambodge et qu'il me paraissait important, de connaître via ce témoignage, une famille Cambodgienne qui a été témoin du tout début de ces années de feu et de sang sous le régime de Lon Nol puis des khmers Rouges. C'est cela, la trame de cette histoire vraie, que nous rapporte Guillaume Sire. Cette épopée sanglante vue par le regard d'un enfant ; Savarouth qui en 1971 à 11 ans, vit dans une famille catholique, né d'un père travaillant à la Chambre d'agriculture de Phnom Penh et d'une mère enseignant la littérature au Lycée Français René Descartes , avec sa petite soeur Dara âgée de neuf ans. Dans cette capitale assiégée, Savarouth s'est construit un pays imaginaire : le Royaume Intérieur, dans lequel il s'évade du monde extérieur beaucoup moins radieux. Savarouth ne veut pas croire à la guerre civile qui fait rage. Il écoute avec passion toutes les lectures lus par sa mère, L'Odyssée, Peter Pan ou les poèmes de René Char pour ne citer que ces livres là.
Mais un jour, la guerre frappe à la porte de cet appartement et un homme en bleu, sous le prétexte de les protéger les emmènent en dehors de Phnom Penh vers une mort planifiée.
Savarouth séparé de ses parents et de sa soeur, réfugié dans la forêt sur les rives du Tonlé Sap est retrouvé blessé par une balle à la tête, inanimé par une vieille femme qui prendra soin de lui et le soignera. Mais Savarouth est seul. Il n'a qu'une obsession celle de retrouver sa famille. «Il faut trembler pour grandir», lui lançait sa mère. Ce vers de René Char ne quittera pas l'esprit de Saravouth, tout au long de cette quête, inlassablement, malgré les risques immenses qu'il va courir. La violence innommable des soldats sanguinaires de tous bords ceux de Lon Nol comme ceux que l'on désignera comme Khmer Rouge. Malgré les kilomètres parcourus , traversant les forêts hostiles, en navigation sur le Tonlé Sap et le Mékong sous le fracas des tirs. Malgré des rencontres avec une femme médecin et le père Michel d'un institut religieux , Savarouth n'abandonnera pas, l'idée de retrouver ses parents et sa soeur. A aucun moment, il ne croit qu'il leur ait été arrivés malheur. Tout au long de cette odyssée, Guillaume Sire nous invite à pénétrer dans l'intime réflexion de Savarouth, notamment lorsqu'il fait état des cartographies tenues au jour le jour lors de ses recherches sur Phnom Penh ou ses retours dans son monde intérieur. Savarouth au fil des pages grandit trop vite pour un enfant et démontre à bien des égards un courage exceptionnel !
Par son regard, il nous fait vivre la beauté de son pays le Cambodge, les odeurs des fleurs, des fruits, les atmosphères paisibles des vieux quartiers ; mais aussi toute la tragédie du Cambodge : ses charniers, ses exécutions sommaires, ses viols par les soldats à plusieurs sur une jeune fille, ses odeurs dans les lieux de prostitution ou drogue et alcool s'entremêlent.
Savarouth nous rappelle également, le courage des médecins, des infirmières et des prêtres restés au Cambodge pour soigner et sauver des habitants condamnés à une mort programmée, pour être catholique, communiste, ou tout simplement fonctionnaire, ou ayant une quelconque autorité, ou faisant l'objet d'une liste établi par les pythies entourant Lon Nol président de la République Khmer. Il dit aussi, les enfants dans les orphelinats, a qui l'on ne donnait pas de prénom, pour qu'ils puissent être adoptés par des familles, venant en catimini les rechercher. «  Prenez un nourrisson et rentrez. Il faut partir, demain Phnom Penh va tomber. le nourrisson à beau être jeune , il est vif. Incapable de le maîtriser la jeune femme est obligée de le passer à deux hommes. Marie Vignon arrive, elle prête main forte au père Michel et au frère Bruno pour essayer de consoler les enfants qui, tous ont compris, les plus âgés, ont fondu en larmes. Prenez moi dit Vanak, hurle-t-il en Français . Au nom de Dieu, au nom du Christ prenez-moi. Je vous en supplie, Notre Père qui es aux cieux! Vive la France ! Il essaye d'ouvrir la portière, mais la femme a enfoncé les verrous. »
L'on voit aussi dans ce livre Avant la Longue flamme rouge toute l'obstination de Savarouth , sa solitude, sa débrouillardise pour gagner quelques sous, cirant les chaussures des soldats et les faisant reluire avec des bas de soie collectées auprès des prostituées ou jouant aux échecs.
Puis se sera le départ contraint et forcé de Savarouth et Vanak son ami dans un hélicoptère. «  Attention roquette ! » C'est la bataille finale, la chute de Phnom Penh. le 26 mars 1975 le babylift atterrit à Bangkok. Savarouth est confié à la famille catholique du New Jersey Les Boisselles et Vanak dans un foyer à Seattle.
L'on retrouvera Savarouth à des compétitions d'échecs ou il gagne souvent.
Un jour à Atlanta à cause de son style de jeu soviétique, quelques uns de ses partenaires le surnomment Saravouthski. En 1982 il s'inscrit en littérature à l'université de Rutgers et obtient le deuxième fauteuil de violoncelliste de l'orchestre symphonique du New Jersey. En 1990 il enseigne la littérature comparée à l'université Concordia de Montréal. Il se marie à un enfant Sébastien. « A sa naissance Savarouth est près du berceau. Un sentiment refait surface en lui. le pire d'entre eux . La peur, la peur nue. A compter de ce jour il ne veut plus rien faire à part rester près de l'enfant, s'occuper de lui. » En 2004, Guillaume Sire rencontre à Montréal Saravouth, il jouait de la guitare.
Il m'a demandé dit Guillaume Sire, à la fin de la chanson «  Have you read The Odyssey ? »
Saravouth ne retournera pas au Cambodge. «  Il a survécu à la guerre, mais rien en lui de ce qui était davantage lui-même n'a survécu, sinon dix-neuf éclats d'obus » , révélés par un IRM, logés à l'intérieur de son cerveau, impossible à opérer. Saravouth, comme des milliers de Cambodgiens ne se remettra sans doute jamais de ce cauchemar-là que fut la guerre du Cambodge.
Un court métrage lui est consacré : il vous suffit d'écrire Odysseus' Gambit dans la barre d'un moteur de recherche. Lisez ! Avant la longue flamme rouge de Guillaume Sire, pour croiser le regard de Saravouth, pour qui subsistent tant de questions restées sans réponse. Bien à vous.
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La guerre civile au Cambodge au travers les yeux d'un enfant de 11 ans qui s'est inventé très jeune un monde intérieur. Il a vraiment construit son Royaume avec des lieux précis, des personnages imaginaires qui vont l'aider à survivre lorsqu'orphelin et gravement blessé il devra se débrouiller pendant des années en traversant toutes les horreurs d'une guerre civile, viols, massacres atroces de populations entières.
S'agissant d'une histoire vraie, on sait que Savarouh sera adopté vers 15 ans par une famille américaine, fera de bonnes études, se mariera aura des enfants mais ne pourra s'insérer définitivement dans une vie traditionnelle. On peut le voir sur YouTube, à Union Square, assis devant un jeu d'échec et vivant de la sympathie des passants férus des échecs.
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Une de ces histoires qui vous prend aux tripes, qui vous remue aux larmes, qui vous fait à nouveau prendre conscience que l'Humain peut être cruel. le souvenir de ce Cambodgien qui a croisé ma route. Intellectuel, il avait vécu les camps, avait souffert mais c'était relevé avec la rage de vivre et un sourire à toutes épreuves. A l'époque, il avait 75 ans, il était guide... il devait travailler pour nourrir sa famille et l'opération de sa fille gravement malade. Une rencontre qui m'aura marquée à tout jamais.
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