Ce n'est pas l'enfant qui raconte, mais une voix extérieure qui la connaît bien, au point de noter ses oublis et ses sentiments ultérieurs : « plus tard la petite comprendra etc. »
Au départ, une histoire de couple entre la mère et l'enfant, dans une entente parfaite : La petite jouit d'une liberté dont elle ne connaît pas les limites, affranchie des règles de la vie en société. C'est pourquoi le retour du père, ex-prisonnier de guerre, va rompre cette harmonie initiale, père d'abord redouté pour des remarques sévères, puis accepté et aimé en raison d'une franchise qui contraste avec les cachotteries de la mère et de la grand-mère.
Le drame de la petite sera de noter tout ce qui lui a paru surprenant pendant la guerre, et d'en parler étourdiment à son père, avec comme résultat de créer des scènes de ménage, voire de mettre en péril l'union parentale.
La langue est d'apparence très simple, comme la petite qui note l'instant, admet sans comprendre, désapprouve d'instinct, parle sans réfléchir, quitte à nourrir plus tard un sentiment de culpabilité devant les inconsciences de son âge.
Le lecteur comprend bien des choses que remarque la fillette, il comble le décalage entre ce qui est perçu, senti, vécu par l'enfant, et les comportements du couple. Tout l'intérêt du récit réside dans cette distance, créée par un langage « naïf », fragmentaire, avec des tours présentatifs, des doubles sujets ou doubles compléments;
Voici l'incipit :
C'est dans la cuisine de l'appartement, un après-midi d'hiver. Elles sont là toutes les deux, la mère qui repasse son linge debout, si grande et la petite assise dans son fauteuil d'enfant, près d'elle. Elles se taisent maintenant. La petite réfléchit à ce que la mère vient de dire. A la radio tout à l'heure il y avait des informations, des informations sur la guerre, comme toujours. A la fin, la mère avait éteint et, tout en continuant à repasser, elle avait dit quelque chose comme : « ton pauvre petit papa »… ou bien même : « Quand ton pauvre petit papa reviendra »… Négligemment. Comme ça.
On pénètre ainsi, avec ce livre sobre et bien construit, dans l'esprit de l'enfant, depuis ses premières émotions, et même ses calculs, jusqu'à un âge plus avancé où il juge ses relations avec le père.
Commenter  J’apprécie         60
Le monde des adultes, leurs souffrances et leurs déchirements vus à travers les yeux d'une enfant.
Court récit cruel sur des figures de père et de mère ballotés par la vie.
Commenter  J’apprécie         10
Un court roman servi par un style très épuré mais très maîtrisé à la grande puissance d'évocation : les sentiments, les émotions sont palpables. Les liens familiaux, l'absence et le retour du père, les non-dits, la jalousie, le monde des adultes si difficile à comprendre pour "la petite", ces thèmes sont abordés avec délicatesse, le contexte historique donnant sa profondeur au sujet.
Un texte simple mais fort.
Commenter  J’apprécie         50
L'auteur, née en 1940, et dont c'est le premier roman, évoque l'enfance singulière de cette génération de la guerre, née après le départ au front des pères, qui restèrent prisonniers plusieurs années. Ces enfants ont grandi dans des familles sans hommes, sous l'oeil inquiet ou indulgent de mères et de grand-mères. Ici la narratrice évoque la permissivité de sa mère, isolée avec elle, malgré la présence sévère et aigre de la grand-mère. Tout changera avec le retour du père, inconnu de la fillette, et qui passera d'une sévérité brutale à une idylle avec "sa petite" de cinq ans, amour fou générateur de drame, et qui reste une nostalgie inguérissable pour la narratrice.
Beaucoup de sensibilité et de justesse poignante dans l'évocation de ces familles détruites subtilement par l'éloignement et la guerre, une grande intensité dans l'évocation des sentiments, malgré une écriture blanche et très économe de moyens.
Commenter  J’apprécie         110
C'est beau ce monde vu au travers des yeux d'une petite fille et on y croit.
J'ai aimé voir le monde des adultes à travers ses yeux, comment elle évolue entre sa mère et son père alors que l'on devine très vite qu'ils vont se déchirer. La description de ses sentiments sonne très juste. C'est un roman tendre et cruel et aussi touchant.
Commenter  J’apprécie         20
"La petite", 4 ans, vit seule avec sa mère qu'elle adore. Son papa va rentrer de la guerre. Elle ne le connait qu'en photo. Cet inconnu lui fait peur, il est sévère, nerveux. Mais ils s'apprivoisent et elle l'adore à son tour, plus que sa mère. Puis, bientôt, le couple se déchire..........
Un style concis, dépouillé. Pas un mot de trop, des phrases courtes où tout est dit, tout est ressenti.... comment un enfant perçoit et vit les tourments de ses parents.
C'est fort, c'est poignant
Commenter  J’apprécie         50
Comment ne pas être touché par cette petite,ballotant dans un monde d'adultes qui la dépasse ?
Je découvre l'auteure avec ce court roman et c'est une bonne surprise.
Voilà un texte tout en tendresse et en émotions bien que le style soit vif, voire nerveux.
On entre dans l'univers de cette relation entre la petite et son père pendant et aussitôt après la seconde guerre mondiale à Paris.
Et l'on partage tous les moments : l'attente, l'espoir, la sublimation de l'image, l'enthousiasme, le conflit, l'adoration, les espoirs ... et les mensonges des adultes,les disputes, les déchirements, les souvenirs glanés.
Un excellent roman qui donne envie de découvrir l'auteure
Commenter  J’apprécie         40