Lire, c'est rêver, voyager, voir le monde, parcourir des distances infinies, aller à la rencontre des autres, de mondes qui ont existé ou qui n'existent pas encore.
Le roman de Sigbjorn Skaden un peu tout cela à la fois.
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Avec «
Oiseau », j'ai voyagé à la vitesse de la lumière pour trouver une nouvelle terre d'accueil.
Notre planète Terre, notre maison, est à l'agonie, à bout de souffle, épuisée par notre mode de vie insouciant, irrespectueux et nuisible.
C'est donc avec un serrement au coeur, les larmes aux yeux que j'ai choisi de la quitter, avec une trentaine d'hommes et de femmes, pour trouver une nouvelle terre d'asile.
Notre choix s'est porté sur la planète Sedes, que nous avons surnommée affectueusement « Home ». Notre nouvelle maison, vierge de toute présence humaine.
Remplissant toutes les conditions requises pour un nouveau départ, nous avons décidé de nous y installer.
La vie sur Home n'est pas facile, la terre infertile. Nous devons nous acclimater à la rigueur du climat et faire des concessions pour survivre.
« Dans la lumière matinale, tout ce qui nous entoure est d'une blancheur aveuglante. Pas une plante, pas âme qui vive, rien que les reliefs sableux, comme une mer en pleine tempête. »
Tout est à construire. Mais l'espoir est permis avec la naissance de la petite Su, la première petite humaine qui ne verra jamais la Terre. C'est notre rayon de soleil.
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Le scénario est captivant, parfaitement maîtrisé, alternant deux moments très forts :
l'année 2048 marquée par l'arrivée des premiers pionniers sur Home et le début de la colonisation ; l'année 2148 avec l'arrivée de nouveaux colons, source d'espoir et d'inquiétude.
« Je pense juste qu'il faut être prudent, on ne sait pas comment ils réagiront quand ils découvriront notre façon de vivre et à quoi le quotidien sur Home ressemble réellement. »
Ce tempo crée un rythme assez lent, contemplatif et le lecteur découvre progressivement les mystères que cachent Home et ses habitants.
Et à mesure que la fin du récit se rapproche, l'espace se compresse en un huis clos captivant dont l'issue est incertaine.
Le dénouement m'a cueillie au vol, je ne l'ai pas vu venir, j'ai été balayée, emportée, catapultée, surprise par cette tempête que je n'avais pas vue déferler. Et lorsque j'ai refermé le livre, je me suis demandée si je n'avais pas rêvé.
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J'ai été saisie par la beauté de cette planète.
Mais l'écriture douce et poétique ne peut dissimuler très longtemps la rudesse et la violence de cette planète traversée de tempêtes si puissantes qu'elles influent sur sa vitesse de rotation, modifiant le rythme des jours et des nuits.
La caresse des mots ne peut adoucir le contraste des couleurs qui immiscibles, s'entrechoquent, se percutent sans fusionner, entre les vagues de sable rouge et le noir des montagnes.
L'éclat des mots enveloppe Home d'un voile de silence, uniquement brisé par le crépitement de la lumière. Les hommes sont sourds à tout autre son. Les émotions, les sentiments passent alors par les non-dits, le regard, le toucher. Et j'ai été touchée par cette forme de dialogue, belle assurément.
Le choix des mots écrits sur des petites tablettes devient alors presque superflu, dérisoire, vide.
« Je me concentre sur Su. Ma petite Su. Sa poitrine se gonfle lentement dans son sommeil. Je me glisse tout contre elle, lui murmure combien je l'aime. Je pourrais le lui crier, mes paroles ne résonnent que dans ma tête, de toute façon. Mais je préfère murmurer. Et le silence ne tarde pas à s'imposer au fond de moi. L'obscurité me libère de la lumière. Couchée auprès d'elle, je la regarde jusqu'à trouver le sommeil. »
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La construction de récit, particulièrement bien réussie, joue sur les contrastes de lumière et d'ombre, de silence et de bruit, de calme et de violence.
J'ai été envoûtée par la beauté rude de Home, la férocité des tempêtes qui se heurtent au dôme protègeant la petite communauté. J'ai été bercée par le souffle du vent, enrobée par ces aplats de couleurs sans dégradé. Je me suis adaptée à ce monde fait de silence.
Je vous recommande ce magnifique roman, beau et violent, poétique et âpre, émouvant et impitoyable, sombre et lumineux.
Pour finir, je remercie HordeduContrevent et Patlancien qui m'ont guidée vers cette magnifique lecture grâce à leurs superbes critiques.