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EAN : 9782846821247
176 pages
P.O.L. (05/01/2006)
3.94/5   8 notes
Résumé :

On est ce qu'on fait. On le fait. Puis on le devient. Vous allez chercher ce travail (vous détestez ce travail). Quand il s'agit d'être raisonnable, jamais vous n'hésitez. (N'hésitez vous pas ?). Non. Tenir. L'argent, l'urgence. Vous tiendrez, croyez-vous (croire, vous aimez). Tiendrez-vous ? Vraiment : tiendrez-vous. Tenir. Ne pas tenir. N'existe-t-il pas autre(s) chose(s). Pensez-y. (Y pensez-vous ?) Vos rêves, égoïste... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Voici un livre intéressant à plus d'un titre.

Sur le fond, tout d'abord. de quoi parle-t-on ? D'une femme, dont on comprend au départ qu'elle vit sans emploi stable, qu'elle possède un atelier (une artiste ?) mais qui a un homme à sa charge, un « Homme-à-élever ». Trois adjectifs la qualifiaient autrefois, trois adjectifs qui reviendront comme un leitmotiv tout au long du récit : « irréaliste, fantaisiste, égoïste ». Mais la tentation est grande de prendre le contrat qu'on lui propose en échange d'une régularité d'argent sur son compte. Tout le monde y trouvera son compte, ses amis sont ravis, ça ne se refuse pas, et l'Homme-à-élever est aux anges.

Sur la forme, ensuite. Ce vous qui est utilisé incessamment par l'auteur, comme si elle se parlait à elle-même et en même temps comme si elle s'adressait directement à nous, lecteurs. Mais qui d'entrée de jeu crée la distance et refuse la connivence. Des phrases courtes qui peuvent agacer, irriter, mais qui reflètent bien les aléas de la pensée.

Bien sûr l'héroïne va devoir apprendre à gérer son temps. Il y aura toujours un moment de la journée pour passer à l'atelier : tôt le matin avant de prendre les transports en commun, ou tard le soir. Sauf quand l'homme-à-élever se précipitera pour parler, ou pour servir à manger à sa chère et tendre. Lui – le pauvre – n'arrive pas à décrocher un emploi : un problème d'entretien sans doute. Alors il ne voit pas de mal à utiliser l'atelier pendant que sa dulcinée est au travail : quel mal y aurait-il ?…

Pendant ce temps notre héroïne va travailler. Au départ son contrat est à la journée. Comme ça on peut quitter son job à tout moment. Mais c'est tentant d'avoir de l'argent : on paie ses dettes, le loyer est réglé, on peut voir venir. Alors il faut se faire aux codes de l'entreprise qui l'emploie. Description de « Plume » (sa chef), « Chemise bleue » et « les correctrices » qui peuplent son univers. Avec à la clef : la proposition d'un contrat de plusieurs mois. Mais bientôt la vie sociale révèle le revers de sa médaille :

Vous commencez à vous tromper dans les transports : prendre une autre ligne, partir en sens inverse, descendre à la mauvaise station. Tous les jours faire (refaire) ces gestes, travailler cette matière qui vous empoisonne. Et le reste. Tout ici vous empoisonne. Passer le tourniquet. Poison. Faire ce qu'il y a à faire. Poison. Entendre ces conversations. Poison. Manger sans faim, dormir sans rêves. Poison, poison.

Louise Desbrusses décortique des questions d'actualité : quel est notre rapport au contrat de travail, à l'argent et à ses attraits, mais aussi à l'espace (celui de son atelier, envahi peu à peu par l'homme-à élever), à l'espace-temps (il parle tout le temps) et à la culpabilité (je ne suis pas mesquine, je ne peux lui dire de se taire ou de s'en aller comme ça). Elle débusque les contradictions du discours, ses faiblesses, ses hésitations, ses inhibitions, ses silences et ses non-dits. Elle use aussi – et abuse ? – des parenthèses, comme on s'enlise dans le non-dit, comme on se noie, mais peut-être aussi pour décrire cette vie qui peu à peu se referme sur elle et devient vide de toute substance.

Petit à petit, l'héroïne va s'enfoncer dans un quotidien de plus en plus pesant, dont elle ne voit pas comment elle pourrait en sortir. Elle a troqué sa liberté contre les contraintes de la vie sociale, avec son lot de futilité, hypocrisie, vanité, mesquinerie et faux-semblants de la vie en entreprise. Mais plus grave que tout, son nouvel emploi du temps l'empêche de s'adonner à son passe-temps favori : le temps pour penser…

Comment tenir alors dans ces conditions ?

Tenir. Tenir n'est pas une perspective réjouissante. Vous finissez par ne plus bien savoir ce que vous tenez et pourquoi. Vous vous demandez (encore une habitude, les questions) combien de personnes se contentent de tenir ? Toute leur vie c'est ce qu'elles font. Elles tiennent. Puis elles meurent.

La solution ne sera pas critique, mais apolitique, amoureuse.

Voici donc un premier roman à lire à voix haute car il est à la fois intime – à l'exact opposé d'une « télé-réalité » - et théâtral, déprimant et vivifiant, tragique et drôle en même temps. Un livre qu'on a envie d'offrir aux gens qu'on aime bien, ou tout simplement à ses collègues de travail.
Lien : https://www.biblioblog.fr/po..
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Ce livre de 2006 est une petite pépite. La narration est très particulière, c'est haché et direct, mais pas que ; la narratrice a ses façons de qualifier les choses et les gens, l'Homme-à-élever, l'argent l'urgence, tout le reste. C'est une petite claque littéraire par sa forme, mais le fond n'est pas en reste.
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Ce roman c'est l'histoire d'une femme qui met un doigt dans un engrenage et se retrouve victime d'une spirale infernale dorlotée par la société, savant mélange de capitalisme et de patriarcat, mention artiste maudit qui pompe, pompe, pompe tout chez sa compagne de vie, de la thune à l'énergie. Une fois au fond du gouffre, elle finit par dire non.
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Il y a quelques temps j'ai conseillé ce livre à une booksta qui cherchait des livres parlant d'amour. Pour moi ce livre est une histoire d'amour. La narratrice se choisit, elle se sauve, elle finit par comprendre que si elle s'aime, les choses doivent changer. Je nous souhaite ça à toustes 💖 la chute du capitalisme et la fin de l'hétérogâchis.
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La narratrice est une femme designer qui doit travailler pour subvenir aux besoins de son couple qu'elle forme avec un homme qui ne souhaite( ne peut pas) travailler. Elle découvre alors un monde méconnu, vaste, appeurant, et se découvre par la même. Forte remise en question, introspection sans pareille pour une fin étonnante et poignante. Style parfois un peu lourd (parenthèses très fréquentes pour décrire des émotions) mais très bien amené.

A découvrir !
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Un livre époustouflant. A lire à voix haute , presque. Un rythme bien personnel, scandé et âpre.Une vie subie. Celle d'un repli concentrique et oppressant, dans l'ordinaire étau d'un quotidien très contemporain...
Pour une lente prise de conscience et ..un doux renouveau.
Un livre qui résonnera pour certain(e)s .. d' un assourdissant écho...
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J'ai souhaité lire ce roman suite aux billets élogieux de blogueuses dont je partage souvent les coups de coeur. Mais je n'ai pas pu aller au bout tant le style m'a déplu. Sur quelques lignes, je fais un effort, je me concentre. Au bout d'une dizaine de pages je n'en peux plus, j'ai besoin de respirer et voilà... je décroche. Je crois que je suis définitivement hermétique à ce style haché qui use et abuse (selon moi) de la ponctuation.
Lien : http://sylire.over-blog.com/..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Plus vous vous endormez tard, moins vous vous réveillez avant l’Homme-à-élever, moins vous vous réveillez avant, plus vous étouffez, moins vous pensez, moins vous vous endormez, etc. Le week-end suffit à peine que lundi (déjà) arrive. Tout recommence (encore). Vous réveiller avant l’Homme-à-élever pour bien commencer la semaine (ne pas la saccager). Couper le réveil en étouffant le clic. Vous faufiler hors du lit. Vous habiller sans bruit. Filer dans l’atelier avant que sa voix ne s’élève dans votre dos. Quand elle s’élève, il vous arrive (c’est rare) de réussir à échapper au flot des mots pour vous barricader dans l’atelier. Mais le plaisir est un peu gâché par la lutte (contre vous. Il est si gentil). Dans l’atelier l’Homme-à-élever n’ose pas vous déranger. Sauf exception. Matière en laquelle (entre nous) il est plus doué que pour les entretiens (ça ne passe jamais, etc.). En cas d’exception, vous devez avoir l’air occupée. Au cas où. Penser, avoir l’air de penser, de réfléchir, vous l’avez compris depuis longtemps, ça ne marche pas. A la maison et hors de la maison. Penser ça ne compte pas. Essayez de dire à un homme (connu ou inconnu) pris d’un besoin (impérieux, bien sûr) de vous parler, là tout de suite : excusez-moi, je suis occupée, je pense. Et bien ça ne marche pas. Pour ne pas être dérangée, tout vaut mieux que penser.
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Videos de Louise Desbrusses (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Louise Desbrusses
Louise Desbrusses État de siège, V.R.A.C - Millau - Aveyron 26 novembre 2021

« depuis quelques années j'explore à petites touches un objet invisible à force d'être présent : la chaise. cet objet commençait à détruire mon dos d'écrivaine quand je me suis levée pour me mettre à danser il y a une douzaine d'années. depuis souvent je danse avec cet objet à quatre pattes qui se greffe au corps humain sous nos latitudes à partir du cours préparatoire. de cette confrontation est né un projet, qui, comme d'autres de mes projets souvent, a mis du temps à se déployer dans le temps, depuis la première ébauche en 2014,
jusqu'à aujourd'hui. un de ces projets de performance/installation à géométrie variable qui couvait et qui, soudain, avec les confinements successifs, a rencontré le désir de celles et ceux qui se sont retrouvé en… état de siège. après l'avoir décliné sous forme de gestes artistiques éphémères à l'École supérieure d'art et de design de Valenciennes et au collège de Petite-Forêt, à l'occasion d'une résidence-mission sur le territoire de Valenciennes métropole, j'ai eu envie, en réponse à l'invitation de la V.R.A.C., d'en concevoir une version publique et sonore. »
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