Avec « Les Innamorati », M. Snyder nous transporte dans une Italie du XVe siècle revisitée avec talent et originalité. On y découvre le destin de tout un groupe de pèlerins affligés d'une terrible malédiction (du bégaiement à l'exil en passant par l'incapacité d'exercer son art, l'impossibilité de se détourner de la luxure ou de la guerre...), tous en route pour la ville de Labirinto et le labyrinthe qu'il abrite et qui possède, dit-on, le pouvoir de les débarrasser de leurs malheurs. L'intrigue ne manque pas d'originalité et on est tout d'abord séduit par cette aura mystérieuse qui entoure le labyrinthe ainsi que par les secrets des différents protagonistes. L'auteur parvient ainsi à nous tenir en haleine pendant toute la première partie du roman, mais il faut reconnaître que la suite est un peu plus décevante. La succession d'épreuves auquel se retrouvent confrontés les personnages peut notamment paraître parfois dérisoire tandis que certains mystères se devinent longtemps à l'avance ou se résolvent trop précipitamment. Au delà de ces quelques déceptions en ce qui concerne l'intrigue, le roman dispose heureusement d'autres atouts.
M. Snyder nous offre ainsi une galerie de personnages hauts en couleurs et attachants, de la prostituée Simonetta à son soupirant, le mercenaire Rinaldo, en passant par Erminia, la sirène en exil, la flamboyante Anna, le poète Lorenzo... le décor est lui aussi remarquablement réussi et parvient facilement à enflammer l'imagination du lecteur, l'auteur n'hésitant pas pour se faire à puiser abondamment dans la mythologie grecque. Les pèlerins seront ainsi amenés à croiser sur leur chemin la route de nymphes insatiables, de satyres lubriques, des farouches Amazones et des redoutables centaures, du poète Orphée, du minotaure... L'étrangeté des habitants du labyrinthe conjuguée à la nature même du lieu participent à créer une ambiance très particulière, où l'on oscille constamment entre rêve et réalité, grotesque et sérieux, humour et drame. L'auteur accorde également une grande importance à l'aspect théâtrale ce qui donne un charme supplémentaire au roman (l'idée des masques animés par la vie des archétypes théâtraux qu'ils représentent tels Arlequin, le Matamore ou Pantalon est par exemple très bien utilisée)
Un roman original et inventif, donc, même s'il manque un petit quelque chose sur lequel je ne parviens pas vraiment à mettre le doigt pour en faire davantage qu'un sympathique divertissement.
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Erminia leva les mains et entre elles apparurent alors la silhouette tournoyante d'une femme prise dans un tourbillon. Fabrizio resta le souffle coupé car la vision tournait gracieusement dans l'eau. La tête de la femme était rejetée en arrière et sa bouche ouverte. Soudain, un homme vêtu comme un marin tomba à la mer. La femme l'étreignit et l'entraîna plus profondément dans l'étroit entonnoir. Erminia essuya l'air du bout de ses doigts et la vision disparut.
-Madona di Cristo, bredouilla Fabrizio en se signant. Une sirène? Vous êtes une sirène?
Elle hocha lentement la tête et lui prit la main d'une poigne solide tout en formant une nouvelle vision, un labyrinthe qui s'élevait au centre d'une grande ville. Un nom était gravé sur les immenses portes en bois.
-Labirinto, lut Fabrizio à voix basse. Le labyrinthe des maudits.
Elle savait d’expérience qu'en regardant directement le labyrinthe on ne voyait que de grandes haies vertes. Mais si elle détournait les yeux, il frissonnait d'une seconde vie, à la périphérie de sa vision. Une fois, un visage la regarda par une ouverture et lui tira la langue. Un autre jour, Zizola eut le souffle coupé lorsque la tête couronnée de feu d'une manticore traversa le fourré, puis fut ramenée à l'intérieur. Elle avait vu les flèches d'une tour de marbre dépasser les murs verts durant le temps d'un soupir, puis tout aussi rapidement s'évanouir dans la brume. Et des anges ailés, armés d'arcs en argent, combattre des serpents qui soufflaient le feu et la fumée.
Il y a des merveilles cachées dans le labyrinthe. Des cités s'élèvent de la brume en une seule nuit et s'évanouissent au matin. Des forêts y poussent et les vagues d'un océan se brisent sur une plage de sable diamantin. Il est peuplé d'anciens dieux, de diables et de démons. Et même de dragons plus dignes de ton épée que ces maris outragés. On dit qu'il y coule un ruisseau si pur que ceux qui y boivent redeviennent jeunes...