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3,76

sur 193 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Bon, je sens que je vais me faire des ennemis...
J'aime bien me faire un petit polar de temps en temps. Mais j'ai du mal à considérer les enquêtes policières comme autre chose qu'un pur divertissement. Je sais bien qu'il est d'usage de défendre la littérature noire comme un genre chirurgical, qui sonde les âmes et fouaille les corps pour diagnostiquer les maux de notre époque, voire comme un genre métaphysique qui révèle le Mal et les Péchés des hommes (avec plein de majuscules).
Alors sans doute ai-je parfois frissonné, touchée par l'aile du désespoir et de sa copine la déréliction, mais la plupart du temps je m'excite surtout sur le suspens somnivore et le coupable improbable, qui rendent la lecture ô combien plaisante et dispensable.
Tout ça pour dire que cela faisait un moment que ce roman de Somoza me faisait de l'oeil: dans un monde pas si lointain, la science a vaincu la technologie en découvrant le psynome, équivalent psychique du génome ; et notre ADN mental a été déchiffré, chacun de nous réduit à sa philia, soit la structure de son désir qui, une fois décodée, met son porteur sous l'emprise totale de qui l'aura activé. Les méchants ne sont donc plus arrêtés par un flic, l'arme au poing, mais par un appât, qui, expert en séduction, contraint le vilain pas beau à l'orgasme et à l'auto-élimination.
Mais comment apprend-on à évaluer la philia de l'ennemi? En jouant Shakespeare, pardi. Qui révèle dans chacune de ses pièces les principes de nos désirs avoués et inavoués sous l'égide de John Dee, grand maître des Illuminatis de l'époque (en gros).
Et comme ma philia, c'est plus ou moins tout-ce-que-vous-avez-voulu-savoir-sur-les-grands-textes-sans-avoir-jamais-osé-demander, c'est vous dire si j'étais partante pour être appâtée et happée. Shakespeare, psychanalyse et philosophie (La philia interdit-elle la liberté ? Vous avez 2 heures), l'extase, quoi.
Ben non (voir plus haut). « L'Appât » n'est jamais qu'un honnête divertissement avec psychopathes, courses-poursuites et twists multiples. C'est sympa mais pour sonder l'âme humaine faudra relire le grand Will et ne pas trop compter sur José Carlos. le monde est peut-être un théâtre mais avec Somoza le masque est moins vénitien que jetable.
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"Mais... Qu'est-ce que c'est que ces c*nneries????" Telle est la phrase que je n'ai cessé de proférer, au moins cinquante fois, à la lecture difficile, perturbée et pour le moins désagréable de ce roman de psy qui a sombré dans l'abîme. Et pourtant, j'adore cet auteur, et j'en ai lu des trucs zarb, des styles et contenus radicaux (Dantec, Peace, Sade, Proust...), que j'ai fini par estimer et respecter en tant qu'auteurs et esprits. Somoza, qui est psy en parallèle de sa carrière d'écrivain, et qui a pour marque de fabrique le thriller SF avec un concept déjanté mais après tout concevable et intelligent (l'art humain dans Clara et la Pénombre, la poésie magique dans La Dame n°13, etc.) franchit ici la limite du ridicule absolu, et du délirant. Je suis du même avis que Zorazur, mais je vais bien sûr détailler et expliquer :

Vous n'imaginez pas ma déception, moi qui étais, pendant des années, un boulimique de théâtre, qui voue un culte à Shakespeare, et qui voulais donc absolument lire ce fameux polar sur Shakespeare enfin écrit par Somoza qui l'admire aussi. La quatrième de couverture est très vendeuse : Dans un Madrid futuriste, on dresse des profils psychologiques de criminels à partir des pièces de Shakespeare. Surgit un tueur en série insaisissable surnommé le Spectateur, qui échappe à toute catégorisation. "Mais ça a l'air GÉNIAL!!!" Me suis-je écrié pendant des années tandis que l'objet m'attendait dans ma bibliothèque! Et vous aussi, sans doute.

Et bien en fait non!!! Lisez bien, je vous jure que c'est vrai : En guise de théâtre, Somoza nous offre de la... danse. Il introduit le concept imaginaire du Psynome, centre cérébral de tous nos désirs, pulsions et de notre plaisir. Il explique que chaque être a sa Philia (en gros, son fantasme), et il relie toutes les Philia (qui ont des noms complètement idiots et obscurs) à des pièces de Shakespeare! Soit, me direz-vous, sauf que les fameux Appâts du titre sont en fait des "actrices" professionnelles employées par la police pour réveiller les Philia des suspects à appréhender en les faisant donc mourir d'un orgasme absolu (oui, oui...) au moyen... d'une espèce de chorégraphie à la noix, genre elles bougent trois fois un bras en triangle en croisant une jambe, dans une certaine tenue, et hop, non seulement le type est paralysé, hypnotisé, en pleine extase sexuelle, mais en plus, ladite mini-danse a un lien farfelu et nébuleux avec telle ou telle pièce de Shakespeare!!! Mais qu'est-ce que...?? Achevez-moi...

Alors, je veux bien qu'il y ait une réflexion sur l'esthétique du corps, sur son pouvoir, mais c'est tellement.... bébête, et ça va tellement loin dans la disproportion. Trois gestes et le gars jouit et il est complètement possédé? Sérieusement??? J'ai arrêté à la moitié tellement ce genre de scènes et de passages m'insupportait, et j'ai repris seulement il y a quelques jours, car je déteste ne pas terminer un livre, voulais connaître le fin mot de l'histoire, et après tout, on ne peut juger d'une oeuvre sans la lire intégralement. Il y a bel et bien du théâtre, dans le sens où les appâts contrôlent tout dans leur être, du moindre geste à la façon de parler (au point qu'elles sur-réfléchissent tout leur comportement pensé de façon millimétrique, et que la conséquence logique de tout cela soit la remise en question de toute sincérité ou spontanéïté de leur part, problématique que l'on retrouve dans la vraie vie avec les acteurs en général), toujours à cette fin de manipuler leur adversaire et sa libido. Bon, je veux bien reconnaître qu'on fantasme aussi sur des voix et des dictions, mais franchement... J'en perds mon ton habituel d'universitaire précieux pour des interjections, des jurons réprimés et des points de suspension... Quand je dis que c'est un délire de psy, c'est que Somoza nous livre avec ça un discours foireux où nous serions tous esclaves de notre plaisir, de notre désir... Euuuuh, oui, mais j'ai envie de dire "Et alors?". Ça fait quand même un peu moralisateur freudien. Personnellement, je suis un jouisseur, et j'ai envie de lui dire "Tant mieux!"

Il y a du positif parmi tout cela, mais ça ne vaut pas le coup de se faire souffrir si l'on aime Shakespeare : L'intrigue policière est sympa, avec pas mal de twists, le rythme de thriller effréné et le suspense propres à Somoza. J'ai senti venir la surprise des derniers chapitres, car puisque Somoza évoquait toutes les pièces de Shakespeare dans l'ordre chronologique, et sachant bien que son oeuvre se clôture entre autres par le Conte d'Hiver et La Tempête... Cela donne quelques hypothèses! Mais le retournement de situation de l'épilogue s'avère par contre totalement imprévisible... La toute fin de l'héroïne Diana est très logique, et rappellera un peu Clara et la Pénombre. Il y a des passages assez agréables au milieu de tout ce maelström : La représentation d'un Madrid post-attentat atomique avec une Zone Zéro, des inventions technologiques rigolotes, des conversations métaphysiques et éthiques intéressantes (Somoza adore ça dans ses romans, et même si ça fait un peu "explicitation du sujet de mon bouquin au cas où on aurait pas compris", ce sont toujours de bons moments), notamment entre Diana et le psychiatre Mario Valle. Les chapitres narrés du point de vue du Spectateur tranchent avec le reste de l'oeuvre, et l'écriture de l'auteur reste très agréable et soutenue, comme on en voit peu dans le polar (et servie par la traduction de Marianne Millon qui a dû quand même bien galérer avec ces histoires de Psynomes et de Philias).

Je crois que j'ai tout dit... J'espère que mon prochain Somoza suscitera moins mon ire et mon irritation. Apparemment, le Mystère Croatoan, qui vient tout juste de sortir, renoue avec ce qui a fait son succès... En attendant, je vais passer à autre chose, je pense...
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Ca se passe à Madrid dans un futur relativement proche. La capitale espagnole est encore traumatisée par un attentat terroriste à l'arme nucléaire qui a fait des dizaines de milliers de morts. La police espagnole a mis au point une nouvelle technique pour traquer les criminels : celle des appâts. Ce sont des agents chargés d'attirer à eux les criminels. Ils sont formés à la technique dite des "masques", qui consiste à identifier en quelques secondes la nature du désir le plus profond du suspect pour provoquer en lui une overdose du seul plaisir auquel il ne peut résister, tout ça sur la base de codes que l'on retrouve dans l'ensemble de l'oeuvre de William Shakespeare. Partant de là, ils ont les capacités de dominer mentalement, voire de posséder, n'importe quel être humain. Mais quand ces pouvoirs sont utilisés à d'autres fins, ça fait des dégâts... Diana Blanco est la plus douée de tous les appâts. Mais elle est fatiguée de ce job et pense à arrêter une fois qu'elle aura retrouvé le Spectateur, un serial killer qui terrorise Madrid, allant jusqu'à s'en prendre à des collègues dont sa propre soeur...
Il faut s'accrocher pour lire ça ! Je me suis même retenu de laisser tomber le bouquin et de passer à autre chose tellement j'avais parfois du mal à suivre. Je suis loin d'être un spécialiste de Shakespeare et il y a sans arrêt des références à son oeuvre qui ne me parlent absolument pas. Et il faut aussi se familiariser avec les concepts de philia, de psynome, de disruption... Sur les 500 pages, il a un peu plus de la moitié qui fait office de mise en place et ce n'est vraiment pas évident de rentrer dedans. Heureusement, le personnage de Diana Blanco est intéressant. Et puis même si c'est obscur voire hermétique, il y a quand même de l'idée et on a envie d'en savoir plus sur cette Espagne du futur et sur ces concepts étranges. Et à partir du moment où l'action s'accélère, ça devient vraiment bon. Donc même si j'ai eu du mal au début, j'ai fini par aimer ce bouquin, qui est au final un thriller d'anticipation très original.
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L'auteur s'est-il cru tenu de sacrifier à la loi du genre (RP) ou à celles du lectomat pour avoir su d'abord créer et faire vivre un contexte si intellectuellement stimulant élevant le lecteur dans une sphère de délicieux éther puis reconduire et déposer enfin celui-ci sur le boulevard d'un dénouement hyperactivement outrancier ?
Un peu à l'mage du masque de la Beauté joué par Diana qui fit tant espérer à Gens et les laissa, l'un et l'autre, si frustrés. En déduirais-je que José Carlos éprouva la même déception que Diana de n'avoir pas su franchir l'ultime difficulté? le rêve n'a qu'un temps!
Malgré cette (grosse) réserve, le roman vaut d'être lu pour ce qu'il fait espérer de mieux durant trois bons quarts, de la créativité, une ambiance, mieux! un microcosme original, une bonne plume et, nonobstant la part d'artifice, le côtoiement du maître tutélaire.

J'invitais l'auteur pour la première fois, je remettrai le couvert.
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Les histoires de José Carlos Somoza sont toujours un peu étranges, originales et intéressantes. Ce récit en fait partie.
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