Il faut avoir le coeur bien accroche pour franchir les quelques dizaines de pages de ce petit livre sans sentir l'imperieux besoin de courir au lavabo le plus proche rendre tripes et boyaux.
Dans un petit bled perdu d'Argentine un delegue du parti veut destituer le maire. Un delegue du parti peroniste veut destituer le maire peroniste. Qui ne l'entend pas de cette oreille. Et c'est l'affrontement entre amis de l'un et complices de l'autre. C'est burlesque. Enfin, ca le serait si ca ne tournait pas tres vite en boucherie, en hecatombe. On blesse, on torture, on tue. On tue par coups, par balles, par empoisonnemt au DDT, avec des charges de dynamite, en incendiant des maisons entieres. Et l'auteur ne lesine pas sur les descriptions de blessures, de lesions, de plaies, ni sur les souffrances, les supplices qu'elles provoquent.
Pourquoi cette exasperation dans le carnage? Pour des idees? Bah! Par fidelite dans l'amitie? Pour l'honneur? J'ai eu l'impression qu'une fois le conflit entame, les deux factions s'enfoncent dans une perseverance instinctive, un acharnement obscur, irreflechi. Et c'est l'horreur. Au cri, des deux cotes, de: Viva Peron! Ou plutot, comme concluent les missives que les deux cotes s'envoient au debut: Peron o muerte! (Peron ou la mort!).
Ecrit en 1974 en Argentine, et publie seulement apres quelques annees en Europe, le livre traduit et pousse jusqu'a l'absurde les dissensions de l'epoque au sein du parti peroniste, qui nettoieront la voie a la dictature de la junte militaire en 1976. Attaque du point de vue litteraire a sa sortie (un critique oublie depuis allant jusqu'a ecrire: "Mezcla de monja y de culo, porque es sor y ano" "Melange de nonne et de cul", maltraitant le propre nom de l'auteur) il est de nos jours beaucoup mieux juge. On a fini par comprendre, et accepter, que son exageration, son sarcasme, son manque de fioritures, son langage resolument populaire, servent au mieux son projet: un rapport, presque une denonciation, d'un climat politique pourri, dangereux. Et de ses consequences chez le petit peuple, les braves gens qui se laissent mener.
Puis-je conseiller ce livre? Oui, malgre sa durete. Je finis ce billet comme je l'avais commence: pour ceux qui ont le coeur bien accroche.
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Voilà un récit tragi-comique qui nous éclaire plus sur la marche du monde que n'importe quel essai politique. A partir d'un fait divers, la mécanique guerrière se met en place, tuant, blessant et sacrifiant ses héros au gré des intérêts de chacun. le fil rouge ? Un homme décidé à défendre ses idées coûte que coûte, allant au bout de ce que les autres estiment être une folie. le contexte sud-américain renforce la dimension absurde et la référence au modèle de l'homme politique (Peron) crée la référence. A lire
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"Je ne me suis jamais melé de politique, mais j'ai toujours été péroniste" phrase célèbre d'Osvaldo Soriano qu'on peut lire dans ce livre.