Langue
La langue touche le palais, touche
[…]
C'est qu'elle manipule trop de vocables
noirs. Et trop de doigts la serrent. Elle a
besoin d'un petit costume. D'un pourpoint.
D'une brassière. Langue-enfant qui ne dit
que la moitié des mots, désormais. D'autres
membres existent. Langues-cigognes
des hermaphrodites. Langue aiguë
de la vanille ou du sel qui pique.
Dans la chambre rose se trament les pires
conversations : celles qui tirent du corps
les nerfs et la suie. La langue avalée, voici
qu'est vomi l'ancien langage : abbesses
et oraisons croisent le fer.
La famine croît. Cent enfants naissent
d'une seule envolée, comme oiseaux
migrateurs….
Langue
Langue de dame exposée aux œillets.
Langue d'ivraie. Langue de dague ou
de dard. Langue-étouffoir pour le recensement
des soupirs. Langue coupée prise dans
un bloc de glace. La langue et la langue sont
deux sœurs qui s'aiment, se caressent et
se fondent en salive heureuse. Pervers est
le bleu qui m'assaille. Fouaille l'enclos,
le fruit, la bogue. Gave-toi de ton propre suc.
Musée nain des miroirs. Et si la pluie
donne sa langue au chat, c'est qu'elle veut
noyer les roses.
Langue blanche qu'immobilise la salive
gelée. Qui ne profère que quelques mots
vides, nus. Parler. Va. Bleu
Syllabes mortes-nées. Sillage de salive
au dos de la main, le long des joues, en traces
éperdues, en sentiers imperceptibles.
Et nul n'ose. Et personne ne . . .
Langue inanimé du papier le plus mince.
Hommage d'E. Savitzkaya à Jacques Izoard