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EAN : 9782872672103
176 pages
éditions du Cerisier (01/03/2018)
4.17/5   6 notes
Résumé :
La plupart des termes repris dans ce recueil ont fait l’objet d’une chronique intitulée « le mot qui pue » dans Tribune, organe syndical de la Centrale générale des services publics, entre juillet 2013 et mai 2016.
Les mots importent. Dans la vie politique et syndicale, le choix des mots n’est jamais anodin. En effet, le langage n’est pas un simple outil qui reflète le réel, mais il crée également du réel en orientant les comportements et la pensée. Et vivre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Les vampires ne supportent pas la lumière du soleil !

Alain Deneault souligne, entre autres dans sa préface que « le régime de la gouvernance, qui s'est progressivement substitué à celui de la politique et de la citoyenneté dans le monde, pour soumettre ces concepts traditionnels de la politique et toute considération sur l'organisation sociale au vocabulaire et à la théorie de management, compte parmi les enjeux centraux qu'attaque le livre ». En effet il s'agit pour les (néo)libéraux de mettre la politique hors de sujet, de soustraire à la dispute démocratique les choix, d'invisibiliser les rapports sociaux et leur imbrication, de nier l'exploitation et les dominations, d'évacuer les intérêts divergents pour ne pas dire opposés, de décrire le fonctionnement du monde comme celui d'une « entreprise ». Il faut ici rappeler que ce qui est nommé entreprise, cache, par ailleurs, la réalité de sociétés privées et de leurs actionnaires…

Dans son avant–propos « de la gouvernance au peuple »,Olivier Starquit indique que la plupart des textes ont fait l'objet d'une chronique intitulée « le mot qui pue » dans la Tribune, organe syndical de la Centrale générale des services publics, que les « mots importent ». C'est, me semble à très juste titre, que l'auteur choisit de citer Victor Klemperer : « Les mots peuvent être comme de minuscules doses d'arsenic : on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet et voilà qu'après quelques temps, l'effet toxique se fait sentir ».Une invitation à (re)lire LTI. La langue du IIIe Reich.

Le langage participe à la création du réel. « Les mots portent, emportent avec eux une vision du monde, une logique politique, des marques de démarcation. Les mots classent, trient, délimitent. Les éléments de langage situent et en disent long sur ceux qui les utilisent ». le néolibéralisme use d'un « écran de fumée lexical », brouille les réalités, expulse du champ du quotidien les intérêts divergents et les conflits qu'ils génèrent, impose une certaine ritournelle, « cette petite musique lancinante et constante », naturalise les rapports sociaux et « colonise notre trésor de mots pour les remplacer par les mots issus de la gestion et de l'économie ».

Hors comme le rappelle l'auteur, nommer fait exister(confère les apports du féminisme pour nommer et rendre à la visibilité les femmes derrière l'invention sexiste du soi-disant masculin neutre), euphémiserrend lisse la société à elle-même. Il faut donc « éclairer le vampire, dévoiler les impostures sémantiques et pratiquer la désobéissance sémantique pour opérer des renversements de perspective », expulser les mots-valises, réhabiliter la/le patient·e, l'usager·e, le/la spectateur/trice remplacé·es par la novlangue par clients.Et le faire avec ironie ou malice comme le propose Olivier Starquit.

Quelques mots ou analyses choisies subjectivement.

Gouvernance, la mise en oeuvre de critères du privé dans les affaires publiques, le remplacement de la politique par la gestion, la dissimulation du conflit, la réduction de la société à un rassemblement d'acteurs/trices privé·es…

TINA,There is no alternative, il n'y aurait pas d'autres choix, l'expropriation des possibles alternatifs, la « nécrose de l'espérance »… A nous de faire appel à l'imagination et à l'insolence, il y a toujours plein d'alternatives…

Consensus, suppression du conflit comme élément essentiel et constitutif de la démocratie, réduction des discours radicaux à une pathologie sociale, délimitation a priori du champ des débats politiques, invention des partenaires, « La société devient amorphe et est composé de consommateurs qui ne doivent surtout pas (re)devenir des citoyens »…

Société civile, l'effacement des frontières entre les intérêts publics et ceux du privé, la confiscation du pouvoir citoyen par les expert·es et technicien·nes…

Culture d'entreprise, la mise en concurrence généralisée, la prolifération des tableaux de bord, les fixations d'objectifs, les classements et les surveillances, les procédures et les injonctions paradoxales…

Classe moyenne, le déni de l'exploitation et des rapports sociaux, l'évacuation des travailleurs et des travailleuses au profit « du doux nom de… collaborateurs », l'oubli du rapport de subordination inhérent au contrat de travail, « Les chaînes rendues invisibles par la prétendue tyrannie du choix se muent en un choix de la tyrannie », lutte de classe et guerre des mots…

Modernité,Modernisation, le détournement de langage opposant la modernité (réduite souvent au libre marché, à la concurrence et au libertarisme) aux archaïsmes, mais rien sur l'histoire de la propriété privé et de l'exploitation capitaliste…

Réforme et changement, l'inversion de sens, « inverser le sens ordinaire des termes utilisés en donnant ainsi à un mot le sens de son antonyme », les qualificatifs en ribambelle (nécessaire, inéluctable, indispensable, urgente, fatales ou vitales, etc.), la réforme comme injection en soi, le changement comme forme incantatoire de la régression, la contre-révolution…

Benchmarking, la quantification et la mise en concurrence, la culture du résultat (à l'aune de la baisse des coûts et/ou de l'augmentation des profits), la complexité réduite à des chiffres, les fantasmes mathématiques…

Client, « l'usager ou le citoyen a été détrôné par le client », la coopération transformée en relation clientèle interne, « comme les métastases d'un cancer, la logique client a envahi toutes les strates de la fonction publique », l'extension perpétuelle du règne de la marchandise et de la logique de marché…

Crise, l'auteur interroge « Mais de quoi la crise est-elle le nom ? », les confusions entre conséquences et causes, le report de culpabilisation sur autrui, le sans alternativeface à la description « naturelle » des événements, l'oubli des conséquences de décisions politiques… Il nous faut renverser les perspectives sémantiques pour libérer les imaginaires.

Austérité, le recours non innocent au verbe « assainir », les stratégies austéritaires, « L'austérité se mue ainsi en outil de réalignement ». L'austérité pour les un·es au grand profit des autres…

Politique, la disqualification des disputes démocratiques et les expertises gestionnaire.s Comme le souligne Olivier Starquit, « Les grèves apolitiques n'existent pas » et « le peuple ne se confond pas avec sa représentation »… Il ne faut pas confondre la gestion de la politique et la politique de gestion...

Charges, la comptabilité d'entreprise et la dépolitisation des cotisations sociales. Doit-on une fois de plus souligner que les cotisations sociales sont partie intégrante du salaire dû par les employeurs aux salarié·es, que toute baisse des cotisations sociales signifie une baisse des salaires, que les cotisations sociales sont des droits sociaux, ou comme le souligne justement l'auteur que les assistées sont les entreprises (et leurs actionnaires) par les règles comptables, les subsides et les subventions versées…

Dette, in-questionnable et inqualifiable, sans origine dans les choix politiques, mais bien outil coercitif de domestication des citoyen·nes enrobé dans « tout un storytellingmoralisateur », la baisse des recettes fiscales déguisée en hausse fantasmée des dépenses publiques…

Service minimum, les restrictions au droit de grève pour les salarié·es, mais non « revendiqué » pour les entreprises et les actionnaires de la propriété lucrative. La grève et la prise d'otage, (les extraordinaires pouvoirs arbitraires, hiérarchiques et disciplinairespatronaux ne sont jamais qualifiés de cette manière), la contestation médiatique d'un droit légitime dans le silence déployé des causes réelles des mouvements grévistes…

Le populismecomme concept-écran et injurieux, « une boule puante idéologique et collante »… le peuple dissous dans une multiplicité d'individu·es consomateurs/trices sans classe, ni genre, ni « race »…

Leterrorisme, une notion sans définition juridique, le silence assourdissant sur les terrorismes d'Etat, la « prérogative souveraine que de désigner l'ennemi », les mesures liberticides, le renouvellement de l'ennemi intérieur…

L'amplification,sauvage, l'exagération permanente, la volonté d'enlever toute légitimité aux luttes, l'essentialisation voire l'anaimalisation des autres et la naturalisation des rapports sociaux…

Radical, les amalgames et la déqualification, « la propension à penser mou sous la férule de la gouvernance », le couple répression-surveillance, déradicaliser, les penseurs ouvertement islamophobes, créer « une fatigue de soi et un souhait de se replier sur un système de sens prédéfini ». Nous devons y opposer le : prendre les problèmes… à la racine.

Exclusion, « Et c'est ainsi que les dominés, les opprimés, voire les exploitésont dû céder la place aux exclus »…

Acquis sociaux,l'occultation de l'histoire sociale et des luttes pour arracher des droits, des conquêtes qui n'ont cependant « constitué et ne constituent que les miettes du festin », le retournement de sens du mot « privilège ». « Dépeindre des droits conquis à titre de compensation de prestations réelles pénibles en recourant à cette hyperbole, cette exagération est tout sauf neutre ». A quand une nouvelle nuit du 4 aout ?

Pouvoir d'achat, pouvoir de vivre, job, le déni du travail derrière l'emploi, les jobs ces « boulots foireux ou de merde »… Tax Shift ou justice fiscale,. La réduction collective du temps de travail contre le travail non-soutenable et le chômage…

Migrants, les mots de l'émotion et de la mise à distance, le rejet et la peur, « Nul ne choisit où il nait ! »…

En poursuivant la démarche de l'auteur, je propose une extension du domaine de la critique. Et en premier lieu en questionnant, comme je le fais pour toustes les auteurs et autrices, pourquoi ne pas utiliser une écriture plus inclusive ? – le point médian, l'accord de proximité, les travailleurs et les travailleuses, pour rendre visibles les unes et les autres, les iels et toustes.

Il convient aussi de critiquer les mots utilisés par les forces d'émancipation, ceux qui masquent le système de genre et les procès de racisation, les mots-valises, la naturalisation de groupes sociaux et de l'Etat, l'usage immodérée de la classe moyenne et des catégories liées au revenu et non aux places dans les rapports de production et de reproduction, etc…

Un petit livre indispensable, un travail à poursuivre et à amplifier. Nous ne sommes pas réductibles à des consommateurs/trices ou des client·es, ni à des éléments de fantasmatiques entreprises. Nous sommes des citoyen·nes aptes à choisir et à décider politiquement de notre présent et de notre avenir. Reprenons donc ou forgeons nosmots pour être acteurs et actrices de nos choix… Nous ne pouvons utiliser leurs mots pour penser notre émancipation. « Ensemble ! »

Lien : https://entreleslignesentrel..
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Merci à masse critique et aux éditions du cerisier pour cet envoi à la fois précis,documenté et facile à comprendre.
Dans la vie politique le choix des mots est tout sauf hasardeux. le matraquage que nous subissons,de ce vocabulaire dévoyé,hyperbolique,décon-textualisé,est tel que nous finissons par l'ingurgiter aussi et,plus grave,par nous laisser persuader par l'idéologie qu'il véhicule,aussi cet essai nous demande d'être vigilant et de nous questionner sur le fond induit par la forme.
Un certain nombre d'exemples de cette novlangue d'en haut est analysée,et j'avoue que je ressors de cette lecture bien plus écoeurée que je ne l'étais,et pourtant,la manipulation étatique par la désinformation et le storytelling n'est pas une nouveauté pour moi.
Même si les exemples sont souvent pris dans la sphère politique belge,( auteur et maison d'édition belges) hélas l'analyse dépasse les frontières.
Pour moi c'est un livre de santé mentale publique puisqu'il nous secoue et nous force à comprendre comment les mots sont indissociables des idéologies qu'on met en place,celle d'une démocratie anesthésiée et anesthésiante, honnissant toute parole participative du peuple au profit de décisions unilatérales cachées par des mots dévoyés.
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Reçu par la magie de l'opération Masse Critique (merci), et par la générosité des éditions du Cerisier (merci encore) un livre qui mériterait de figurer dans toutes les bibliothèques .
Parce qu'il parle de la façon dont on nous parle.
Il parle de tous ces mots dont on nous rebat les oreilles, dont les média usent à l'envi, et qui ne sont pas aussi anodins qu'on voudrait le croire: le consensus, l'austérité, la société civile ou le populisme, les collaborateurs et les partenaires sociaux, le service minimum et la gouvernance....
L'essentiel de la novlangue est là, sous la plume d'Olivier Starquit. Qui met en situation, dissèque, analyse, et pour finir nous suggère des mécanismes de réponse face à cette pression lexicale qui déforme notre jugement autant qu'elle tord la réalité.
Bref, c'est un manuel d'autodéfense qui, pour nous venir De Belgique, n'en est pas moins adapté à la triste réalité où nous sommes plongés.
Merci à l'auteur, et merci à la maison d'éditions qui propose un catalogue fort riche, varié, et qui je l'espère publiera longtemps encore.
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Je ne pensais pas que les belges pouvaient râller autant que nouss! Et pourtant une culture de la contestation existes bel et bien en dan ce royaume. Aussi résiduelle soit-elle.
Le livres entend démontreer la manipulation du peuple, par le langage et à son insu,
en introduisant lentement mais surmenent du manageant dans la politique. Mais aussi en utilisant un vocabulaire condescendant à l'égard du citoyen lambda. Je suis rentrer dans cette lecture à reculons.
Au départ, parce que les mots contestation, opposition, conflit me faisaient peur. Pourtant, on arrive bien au fil des mot à rentrer dans le resonnemant de l'auteur:
Ça ne se présente pas comme un abécédaire mais un propos en suit un autre logiquement. Je remercie les éditions du cerisier et Babelio de m'avoir fait parvenir cet ouvrage dans le cadre d'une masse critique;. Même s'il est un peu vieux (il date de 2015), il initie chez moi une recherche pour s'opposer de manière constructive, développer mon esprit critique, dans la vie de tout les jours.

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Le régime de la gouvernance, qui s’est progressivement substitué à celui de la politique et de la citoyenneté dans le monde, pour soumettre ces concepts traditionnels de la politique et toute considération sur l’organisation sociale au vocabulaire et à la théorie de management, compte parmi les enjeux centraux qu’attaque le livre
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Les mots portent, emportent avec eux une vision du monde, une logique politique, des marques de démarcation. Les mots classent, trient, délimitent. Les éléments de langage situent et en disent long sur ceux qui les utilisent
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La société devient amorphe et est composé de consommateurs qui ne doivent surtout pas (re)devenir des citoyens
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Les chaînes rendues invisibles par la prétendue tyrannie du choix se muent en un choix de la tyrannie
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Dépeindre des droits conquis à titre de compensation de prestations réelles pénibles en recourant à cette hyperbole, cette exagération est tout sauf neutre
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