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4,1

sur 6055 notes
Tout le monde connaît le pitch ! Jonathan Harker, un jeune Anglais, invité par le comte Dracula en Transylvanie, est témoin de choses étranges et effrayantes. le terrible seigneur se rend ensuite à Londres et fait de Lucy, une adorable jeune fille, sa proie et son esclave. Après la mort de la douce créature, une troupe d'hommes valeureux, mené par le professeur van Helsing, part à la chasse au monstre jusqu'en Transylvanie, essayant ainsi de sauver Mina, l'épouse de Jonathan Harker. Ce roman est le creuset et la source de toutes les représentations fantasmées des vampires et de leur univers : le mythe du sang comme liquide vital par excellence, l'aspect sensuel et écoeurant de la succion, le pouvoir protecteur de l'ail et des objets bénis, etc. etc.
Voilà pour le fond, je m'intéresse surtout à la forme. le roman est constitué des différents journaux des protagonistes : ceux de Jonathan et Mina Harker, celui du Docteur Seward, celui de Lucy Westenra et celui de son fiancé, Arthur Holmwood. Il y a également des lettres et télégrammes échangés entre les personnages. D'un écrit à l'autre, le lecteur découvre d'abord les différents personnages et les liens qui les unissent. Au-delà des portraits des personnages se dessine en creux celui du héros, celui que tous traquent, le fameux Dracula. Alors qu'il est le personnage éponyme du roman, aucune de ses pensées intimes n'est dévoilée. Dracula est hermétique, mais il s'insinue partout. L'artifice littéraire que constitue la rédaction de journaux est prétexte au dévoilement de toutes les intimités. le lecteur, comme Dracula, devient un profanateur et un violeur absolu qui ne connaît pas les limites de la pudeur.
À mesure que la quête avance et que la chasse au monstre est lancée, les protagonistes lisent les écrits des uns et des autres afin de constituer une somme de connaissances sur Dracula. Mais l'effet secondaire est une nouvelle destruction des barrières de l'intimité. Que le lecteur sache tout des personnages, c'est le principe même de la lecture, mais que les personnages deviennent transparents les uns aux autres, c'est pousser la volonté de savoir et la perversité de la curiosité à un paroxysme certain. « Chacun connaît à présent les secrets des autres et nul ne s'en porte plus mal. » (p. 313) Finalement, le roman de Bram Stoker crée une seule intimité et une seule conscience. le groupe qui s'oppose à Dracula est une entité multiple, mais dont la pensée est unique et n'a qu'un seul but, détruire le vilain pas beau.
Le roman s'agrémente de quelques articles de journaux (l'anglais traduit mieux la différence entre newspapers et diary) qui décrivent d'étranges phénomènes, comme une tempête sur Londres ou l'apparition d'une très belle dame aux abords d'un cimetière. L'intrusion d'une réalité supposément objective ne sert en réalité qu'à nourrir les écritures subjectives des personnages qui, même s'ils prétendent faire acte de réflexion, se laissent constamment déborder par leurs émotions et leurs craintes.
Le plus moins prolixe d'entre eux est van Helsing, mais ses propos sont toujours fidèlement rapportés par les autres protagonistes. À l'instar de Dracula, c'est parce qu'il produit peu de contenu écrit qu'il semble vraiment puissant. van Helsing et Dracula ne s'incarnent pas dans l'écriture, mais dans l'action. le professeur flamand est le seul réel adversaire du comte : les autres ne sont que des sous-fifres, certes dévoués et courageux, mais constamment sceptiques et sujets à des accès d'émotion. van Helsing est « un philosophe, métaphysicien, un des hommes de science les plus avancés de cette époque, un de ces rares hommes qui, en dépit de son monstrueux savoir, ait gardé un esprit ouvert. Ajoutez à cela des nerfs d'acier, un tempérament que rien ne vient briser, une résolution indomptable, une maîtrise de soi, une tolérance sans pareille et, enfin, un coeur d'or. » (p. 155) Bref, il a tous les traits du héros sotériologique.
Reste Mina Harker, la deuxième victime féminine de Dracula. Dotée de toutes les qualités qu'une femme peut espérer, elle surpasse la valeur de son sexe : « Cette merveilleuse madame Mina ! Elle a le cerveau d'un homme, d'un homme supérieurement intelligent, […] mais le coeur d'une femme. » (p. 312) Bram Stoker ne cesse d'accumuler les poncifs au sujet de Mina et des talents des femmes. Passé cette écoeurante misogynie, il faut reconnaître que Mina se pose en négatif du comte : bien que contaminée et attirée par le chant macabre du vampire, elle reste animée d'une âme pure. Mais en se livrant comme elle le fait au travers de son journal, elle ne peut prétendre au statut fascinant qu'occupe Dracula. Elle reste désespérément humaine et, à mon sens, désespérément insipide.
Un dernier point sur l'opposition entre l'Occident industriel et rationnel et l'Orient mystérieux et effrayant. Quand Jonathan Harker arrive en Transylvanie, il incarne l'homme moderne issu d'un monde de sciences et s'oppose immédiatement au comte Dracula qui ne vit que par les traditions et le folklore des siècles passés. C'est bien un choc des cultures et des époques qui s'opère. Quand Dracula rejoint l'Angleterre, ce choc se matérialise par la terrible tempête qui s'abat sur le port anglais. le rationnel recule un peu et perd pied devant tant de puissance occulte. « Vous savez déjà combien l'étrange, ici, peut s'imposer à vous. » (p. 39) Mais les manifestations étranges ne suffisent pas à convaincre. Dracula, c'est aussi un roman de la croyance et du doute. Seul van Helsing est pétri de certitudes, il est le prophète qui ouvre la voie et les esprits de ses compagnons. « Pensez ce que vous voulez. Ne craignez même pas de considérer l'impossible. » (p. 177), leur dit-il, ou encore « Vous ne croyez pas qu'il existe des forces que vous ne pouvez comprendre – ce qui n'exclut pas leur existence ? » (p. 255) En cela, c'est aussi au lecteur qu'il s'adresse. van Helsing est l'avatar de l'auteur : dès le début, il détient le sens et le savoir et, même s'il use de précautions pour le diffuser, il n'a de cesse de vouloir convaincre son auditoire. Une fois que cela est fait, la chasse au monstre n'est plus qu'une formalité. Plus que détruire l'ignominie, il s'agit avant tout d'y croire.
Bon, et après tout ça, est-ce que ce roman m'a plu ? Je dirais que j'ai surtout pris plaisir à lire l'histoire d'un vampire qui soit un vrai méchant et non un adolescent blafard au régime sans protéine. La bit-lit, très peu pour moi, sauf celle où le vampire met du coeur à l'ouvrage !
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La structure du roman est originale. On suit l'histoire à travers différents journaux, celui de Jonathan Harker, du docteur Seward ou de Mina Murray, journal de bord du Déméter... ou encore à travers des échanges épistolaires. Il y a donc plusieurs narrateurs et le lecteur, de ce fait, partage les sentiments de chaque personnage.

Le style, ensuite est intéressant: Stoker laisse sans cesse planer le mystère. Ainsi, au début du journal de Jonathan, on apprend que ce dernier connaît le Comte Dracula mais ne sait pas et surtout ne trouve pas son château. Il reçoit une lettre de son futur hôte et lorsqu'il demande des détails à l'aubergiste, ce dernier est très embarrassé et fait mine de ne pas comprendre l'allemand. D'entrée de jeu, le champ lexical négatif peut nous mettre sur la voie: « régions des plus sauvages ; cauchemars ; terribles crues; violents ; barbares etc... » Pourquoi le personnage n'arrive t-il pas à dormir ? Pourquoi l'aubergiste fait-il le signe de croix et affirme t-il ne rien savoir ? Qu'est-ce que cette fameuse nuit de la Saint-Georges ?
Harker ne tient pas compte de tout ceci. Il trouve même l'épouvante de la femme de l'aubergiste ridicule. Cependant, il accepte quand même le crucifix et le chapelet qu'elle lui offre. le fait-il par simple politesse ou commence t-il à craindre quelque chose ?

A partir de ce moment là, le vocabulaire s'amplifie. On trouve ainsi des termes tels que : « adieu ; Satan ; Enfer ; Sorcière ; Loup-Garou ; Vampire ». Des motifs deviennent récurrents: le signe de croix ; les chapelles ; la couleur rouge ; la couleur noire. le paysage lui-même devient mystérieux avec les collines escarpées, les crevasses dans les rochers, le brouillard... Tout commence à s'agiter: les chiens hurlent, les chevaux se cabrent, Harker a l'impression de refaire le même chemin. On sent le passage de la peur à la terreur, sans compter les phénomènes étranges, comme le conducteur de la calèche disparaissant et réapparaissant soudain.

Le lecteur ressent le malaise de Jonathan, et bien que l'on connaisse l'histoire, on serait presque tenté de croire que le personnage va s'en sortir ou rebrousser chemin. Les différents motifs, les différents champs lexicaux reviennent tout au long du texte.

Ce qui m'a également intéressée, c'est le personnage de Dracula. Je l'ai trouvé « humain » , du moins, au début: il met la table, range la chambre de son invité, lui propose de voir sa bibliothèque... On a même l'impression qu'il défend Jonathan, qu'il ne lui veut aucun mal. Ainsi, le comte prend sur lui pour ne pas lui sauter à la gorge lorsque Jonathan se coupe en se rasant. de même, il intervient violemment lorsque ce dernier est attaqué par les femmes vampires. Cependant, ce n'est vraiment qu'une impression car on comprend très vite que c'est pour en faire sa proie. Dracula se révèle être un esprit machiavélique. J'en veux pour preuve les lettres qu'il fait écrire à Jonathan, celles qu'il va envoyer pour que personne ne s'inquiète du silence de Jonathan. Là encore, ce dernier sait qu'il signe « son arrêt de mort ».


Toute cette tension, ces différents caractères, le style au service de l'histoire fait que j'ai vraiment apprécié ce livre. La seule chose que je pourrais reprocher à ce texte, c'est, de temps en temps, le style précieux qui alourdit l'oeuvre. Mais bon, c'est vraiment pour trouver un point négatif !!!

Lien : http://promenades-culture.fo..
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Dracula ! Un livre qu'on ne présente plus. C'est LA référence en matière de vampire. Exit les vampires modernes qui brillent au soleil (non mais sérieusement…?) et qui se nourrissent d'animaux. Dracula c'est le livre qui a fait naître une légende, un univers, des peurs. C'est le livre qui en a inspiré tant d'autres.

Dracula c'est LE personnage diabolique par excellence. L'allégorie du mal, celui qui a vendu son âme au diable et qui n'a plus rien d'humain. C'est celui qui tue pour vivre, sans états d'âmes. C'est aussi celui qui exerce une attirance, à la fois séduisant et repoussant : une attraction coupable. Celui qui se mue en chauve-souris, en loup, en rat. Celui qui vous hypnotise et vous soumet à ses désirs. Celui qui se nourrit de vous et vous possède.

Bram STOCKER loin de choisir la facilité a opté pour un roman épistolaire composé de lettres mais surtout d'extraits de journaux intimes des différents personnages, ce qui a pour effet de plonger le lecteur dans leurs pensées les plus intimes, qu'elles soient nobles ou coupables. Une véritable mise à nue. Ce choix est très risqué car pour que ça fonctionne il est nécessaire qu'il y ait autant de plumes et de style d'écriture que de personnages. Grande réussite de ce côté là. On sait toujours en compagnie de qui nous sommes. Tout particulièrement pour van Helsing et son accent au charme fou. Je l'entendais tellement les lettres étaient vivantes.

L'autre point fort de ce roman c'est l'ambiance. C'est pratiquement un personnage à part entière tant elle est essentielle pour la réussite de l'histoire. Une ambiance gothique délicieusement brumeuse qui créée une tension constante. le début est particulièrement pesant et a quelque chose d'hypnotique. Cette ambiance a été renforcée par les dessins sublimes de la version illustrée avec texte intégrale des éditions Tibert. Un vrai plaisir ! Des pages ornées de dessins dans le style gothique tout en arabesques et en symboles, sans oublier les dessins des personnages et des scènes clefs. J'ai été complètement sous le charme de ces illustrations.

Et puis évidemment il y a la plume qui est indéniablement d'une grande qualité. J'ai été séduite par le charme désuet de l'écriture en complète osmose avec l'ambiance. C'était comme lire au coin du feu en écoutant le bois craquer et en regardant les ombres danser. Mon passage préféré est la description de la tempête qui est tout simplement sublime.

Quelle richesse dans le langage. J'ai croisé des mots d'un autre temps « cauteleuse », « faire assavoir », « alacrité », et j'ai découvert l'expression dès potron jaccquet qui signifie littéralement « dès que l'on voit poindre le derrière de l'écureuil ».

Et il ne faut pas oublier le scénario très travaillé et subtil et plein de rebondissements.

Alors oui c'est certain j'ai parfois levé les yeux au ciel en lisant certains passages qui en disaient long sur la façon dont étaient perçues les femmes à l'époque, mais malgré tout le personnage de Mina en impose. Et puis 1897, ce n'est pas mai 68 on n'a pas encore fait de feu de joie avec les soutifs on en est encore aux corsets !
Pour les mêmes raisons j'ai souri sans m'énerver devant certains passages qui aujourd'hui peuvent paraître mièvres mais qui collent avec la société de l'époque. C'est aussi ça Dracula : le témoin d'une époque.

Est ce que j'ai eu peur ? Vous pensez sérieusement que j'y serais allée seule ? Vous ne regardez jamais les films d'horreur ou quoi ? C'est toujours la fille seule qui se fait trucider !!! Vous pensez bien j'ai embarqué les copains. Merci à Nico, Patounet et djdri25 d'avoir arpenté le château de Dracula en ma compagnie.
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Il m'arrive encore, il m'arrivera toujours je le crains, de me lancer dans des lectures qui me bassinent très vite mais que je mène quand même au bout, ne serait-ce que pour avoir l'assurance de n'avoir rien raté…

Ce travers m'a fait lire plus de six-cents pages (non, je mens honteusement, à la fin j'ai donné dans la diagonale pour les explications vaseuses de Mina et de Van Helsing, c'était trop pour moi !) de ce que d'aucuns considèrent comme un chef d'oeuvre mais qui, moi, m'ont ennuyée, mais ennuyée… quand elles ne m'ont pas profondément agacée !

Hormis le début, soit les mésaventures de Jonathan Harker innocemment pris dans les filets du comte dentu au fin fond de la Transylvanie, qui diffuse un parfum gothique pas désagréable mais dont on attendrait bien davantage, rien dans cet ouvrage n'a trouvé grâce à mes yeux.
Ni le style, d'une redoutable lourdeur ampoulée et maladroite (problème de traduction ?), ni l'alternance des points de vues qui racontent, non, ressassent en fait tous la même chose, ni la, euh, naïveté des personnages, ni la pesante misogynie du texte qui fleure bon son XIXe siècle le plus attardé, rien, rien, je n'ai rien trouvé à y sauver.

Je ne tire pas davantage sur le vampire (à balles d'argent, droit au coeur ?), et suis ravie d'être parvenue à mettre un point final à cette désagréable expérience.

Je ne pourrai même pas revendre le livre, tellement je l'ai malmené à force de le faire voler à travers la pièce tel la chauve-souris géante qu'il n'était pas !

Bref, voilà un livre qui ne m'aura décidément rien rapporté…
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[ Journal inachevé de Berni_29, Bistritz, 2 mai ]

Pendant longtemps, j'étais parvenu à me tenir à distance de l'histoire de Dracula, je ne sais pas pourquoi, je m'en faisais sans doute une représentation erronée, je le reconnais bien volontiers aujourd'hui. Sans doute m'en faisais-je l'image d'une histoire fantastique totalement abracadabrantesque, cousue de fils blancs, si invraisemblable qu'elle pourrait en paraître risible et grotesque aux yeux de quelqu'un censé être empli de bon sens. Une histoire de vampire incarné par un homme au visage de craie, à la silhouette mortifère, qui se passe en Transylvanie, pensez donc !
Je m'aperçois aujourd'hui de ma stupide erreur et je ne sais d'où vient ce malaise ce soir à l'approche d'écrire quelques mots sur cette lecture. Je ne sais si mon erreur ne va pas me jouer un tour pendable, comme l'idée d'une malédiction qui me poursuivrait désormais.
Allons, je n'ai jamais été superstitieux...
Il me faut à présent poser un ressenti sur cette lecture que je viens de terminer. Ne croyez pas que l'exercice soit simple.
L'histoire à peine terminée, je me pose seulement cette question lancinante : et si tout ceci était bien réel ? Et si tout cette histoire n'était pas totalement achevée, comme le laissait croire la fin du récit ?
Je viens de m'enfermer dans mon bureau afin de trouver la quiétude nécessaire pour commencer à rédiger mon billet. Dehors, le vent s'est levé, ils annoncent une tempête terrible pour la nuit, j'ai pris soin de fermer tous les volets de la maison.
Une de mes chères amies dont j'apprécie tout particulièrement la compagnie, une certaine Mina Murray, est passée me rendre visite ce soir. Elle a cru bon vouloir me déposer quelques gousses d'ail, un crucifix, un pieu et une brouette. « On n'est jamais trop prudent », m'a-t-elle dit d'un sourire craquant qui laissait entrevoir deux magnifiques canines bien acérées. « Je comprends l'ail, le crucifix et le pieu, lui ai-je dit, mais pourquoi la brouette ? » « Il faudra bien un moyen pour transporter le cadavre », me dit-elle sur un ton d'une évidence désarmante.
Je dois reconnaître que ce Bram Stoker m'a totalement bluffé, le bougre. Quelle puissance d'évocation dans le récit ! Quelle ingéniosité dans la construction du schéma narratif ! Quel sens du suspense ! J'y repense encore en commençant ce journal.
Ce récit est construit comme un puzzle, reliant les différentes pièces qui égrènent le rythme des pages et viennent peu à peu couturer le récit : des missives, des journaux intimes, des articles extraits de journaux... Elles émanent des protagonistes du récit et leurs voix nous invitent à plonger dans leurs ressentis et émotions intimes, à vivre sous nos yeux les événements sidérants qu'ils ont vécus...
Dans cette art de raconter une histoire qui tient en haleine, l'écriture de Bram Stoker certes classique, ciselée à merveille, joue pleinement son rôle : elle est désuète à souhait, ce qui lui donne une manière de mieux coller à l'esprit envoûtant de l'histoire en l'enrobant du halo de son époque.
Mais surtout, ce qui est la force du roman, c'est que son protagoniste principal, le fameux compte Dracula, est quasiment invisible presque tout au long du récit.
Invisible, j'entends par ce mot qu'il est invisible sous nos yeux, mais pas dans l'imaginaire de celles et ceux qui racontent l'histoire, qui lui donnent ainsi peu à peu une réalité folle, vertigineuse, une forme qu'il va peu à peu incarner et se révéler dans cette longue attente insoutenable, de sorte qu'il occupe tout l'espace dans cet abîme d'un temps abyssal qui nous mène à lui ou plutôt qui le mène à nous .
Alors, bien sûr, c'est un roman du XIXème siècle écrit par un homme du XIXème siècle, mon amie Mina Murray n'a cessé de me le dire et répéter ce soir : « Tu écriras quelque chose là-dessus, n'est-ce pas ? » Je le lui ai promis. Elle a raison, ce récit a un charme gothique qui lui donne une résonance furieusement romantique, mais force est de constater que l'ami Bram Stoker ne donne pas forcément la part belle aux héroïnes de son histoire. D'aucuns diront qu'il faut remettre tout ceci dans le contexte de l'époque...
J'espère que Mina Murray me sera reconnaissante lorsqu'elle lira ce détail dans mon journal.
En me quittant ce soir pour rejoindre son fiancé Jonathan Harker qu'elle s'apprête à épouser et qui fut tout d'abord notre ami commun, elle m'a glissé un baiser mordant dans le cou, je n'y ai pas prêté attention sur le moment, Mina Murray a toujours des gestes très affectueux... C'est machinalement en allant vérifier tout-à-l'heure un des volets qui faisait du bruit que je suis passé devant le grand miroir du couloir. J'ai examiné le côté gauche de mon cou d'où émanait une douleur encore insignifiante, il y a avait deux petites traces rouges, presque invisibles...
C'est alors que l'électricité s'est interrompue, plongeant la maison dans les ténèbres. À chaque tempête, c'est ainsi, j'ai l'habitude. Il y a des chandeliers et des boîtes d'allumettes répartis aux quatre coins des pièces de la maison. J'ai pu regagner sans peine mon bureau afin de poursuivre la rédaction de mon billet.
C'est alors qu'on frappa à la porte. Qui donc pouvait venir ce soir à pareille heure et sous un pareil déluge ? J'ai pensé que quelqu'un était en perdition, égaré, en difficulté sur son chemin tout près. Je suis allé ouvrir mais il n'y avait personne. En revenant à mon bureau, les feuilles sur lesquelles j'avais commencé à poser ces premiers mots étaient dispersées, tombée au sol, sans doute à cause du vent qui s'était engouffré dans la maison.
Il me faut reprendre le cours de mon billet, l'écrire à la lueur du chandelier.
Je disais donc que l'esprit du texte est ancré dans la tête d'un écrivain du XIXème siècle, cependant voyez-vous, j'aurais bien aimé lire une version enrichie de Dracula écrite par Jane Austen, cela aurait ajouté une saveur supplémentaire à l'histoire et peut-être en définitive une fin bien moins conventionnelle que celle qui vint sceller le récit à mon grand regret.
Mes pensées se mêlent au bruit du vent, tandis que des papillons de nuit viennent s'enivrer dans le faisceau des chandelles. J'étais en train d'imaginer justement une autre fin lorsqu'on vint de nouveau frapper à la porte. J'hésitai cette fois à me lever pour répondre à cet appel. Mais les coups redoublèrent d'intensité.
Allons, je dois aller voir qui s'acharne sur cette pauvre porte, cela ne prendra que quelques minutes et je pourrai enfin revenir clore ce billet où j'ai encore tant de choses à dire. À tout de suite...
...
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Il n'aura pas échappé aux habitué.e.s de L'île aux trésors que pour nous, cette année est celle du frisson ! Nous avons frémi en découvrant L'étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, retenu notre souffle à la lecture de Thornhill, claqué des dents en relisant Sacrées Sorcières et Peggy Sue nous a donné des sueurs froides… Pour couronner cette série, il ne fallait rien moins que Dracula, roman fondateur de la littérature fantastique, qui a fait de Bram Stoker un maître du genre ! Nous étions très curieux de nous plonger dans ce classique et avons donc été ravis de voir que L'école des loisirs publiait une version abrégée et illustrée par le génial François Roca. Impatient, mon fils aîné a dévoré ce texte seul, presque d'un trait. Son petit frère et moi l'avons parcouru à voix haute.

L'histoire est connue : Jonathan Harker se rend en Transylvanie, chez le compte Dracula, pour finaliser la vente d'une propriété londonienne. Il réalise très vite qu'il est prisonnier. En Angleterre, sa fiancée s'inquiète de son sort, mais aussi de celui de son amie Lucy qui souffre d'un mal étrange. Et voilà que les mystères se multiplient – un fou aux obsessions morbides, un bateau qui accoste sans personne au gouvernail, des disparitions d'enfants. Plusieurs gentlemen anglais s'associent à un médecin néerlandais pour faire la lumière sur cette affaire. Une traque haletante s'amorce…

Tout cela est restitué sous la forme de fragments de journaux intimes, de courriers, de télégrammes et coupures de presse, organisés de façon chronologique. Cela permet à Bram Stoker d'entretenir le suspense en brossant le portrait de Dracula par petites touches qui se superposent au fur et à mesure que les différents narrateurs le rencontrent. Progressivement s'esquisse un personnage inquiétant, élégant et raffiné, mais aussi sournois, cruel et même bestial. La mise en place de l'intrigue est magistrale, à la fois effrayante et très intrigante. La suite souffre de quelques longueurs et d'une imbrication un peu confuse des différents fils narratifs, mais le dernier tiers nous a tenus en haleine. Les illustrations de François Roca sont à la hauteur de nos attentes (élevées) : la peinture scénique et les jeux de clair-obscur dont il a le secret sont parfaits pour restituer l'atmosphère ténébreuse et les tensions entre vie et mort, éros et thanatos, vertu et pulsions, naturel et surnaturel (extraits disponibles via le lien ci-dessous).

Alors certes, Dracula est un roman bien de son temps qui témoigne de la fascination pour les crimes après que Jack l'Éventreur eut défrayé la chronique, du goût pour l'étrange et le surnaturel qui prévaut en cette fin de 19ème siècle, mais aussi du peu de cas qui était fait des personnages féminins. L'association de la volupté et de la vampirisation porte un propos que j'ai perçu comme moralisateur – d'ailleurs, les jeunes filles qui semblent être les proies de prédilection du comte ne peuvent espérer s'en tirer qu'à grand renfort de chapelets, crucifix et autres poudres d'hostie… Mais justement, tout cela a fait réagir les enfants si bien que cette lecture s'est révélée intéressante aussi comme témoin d'une époque. Et si Stoker n'a pas inventé les vampires, c'est quand même dans son roman que se cristallisent les grands motifs autour de cette figure – ses pouvoirs effarants, sa pâleur cadavérique et ses yeux rougeoyants, son absence de reflet, les caisses en bois qui lui servent de refuge, le pouvoir de l'ail, etc. À cet égard, je suis contente d'avoir eu l'occasion de découvrir en famille ce roman culte, dans cette très belle édition illustrée.

Délicieusement glaçant !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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Pas mon genre de livre et pourtant j'ai été complètement captivé par ce personnage extraordinaire créé par Bram Stoker et l'habile construction du livre à partir de témoignages.

Journal de Jonathan captif en Transylvanie du comte Dracula à qui il venait vendre un vieux manoir londonien,
Absence de Jonathan qui tracasse sa tendre fiancée Mina qui en parle dans son journal et dans ses lettres à son amie, la douce Lucy anémique et harcelée par une étrange chauve souris.
Journal du capitaine retrouvé mort et ligoté à son bateau fantôme transportant des caisse suspectes en provenance de Transylvanie,
Journal de John Seward, docteur de l'asile d'aliénés juxtant le manoir acheté par le comte Dracula,
Articles de journaux sur l'évasion d'un loup, la disparition d'enfants retrouvés tous avec des morsures au cou...

Tout cela confortant l'effrayant pressentiment du professeur van Helsing venu d'Amsterdam pour soigner Lucy.

Arrivera-t-il avec ses fleurs d'ail et ses autres armes à juguler la menace?
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Une aventure inédite : la découverte de Dracula !
J'avoue que ma p'tite âme un tantinet froussarde appréhendait un peu ...

L'histoire de ce célèbre conte aux longues dents acérées, friand des gorges graciles et d'hémoglobine m'a bel et bien happée.

J'ai aimé plus particulièrement la construction de l'oeuvre : Dracula est omniprésent et pourtant ses apparitions sont fugaces. le Mal qui plane tel une épée de Damoclès, sournois dans son absence.
Oh oui ! J'ai adoré cette allégorie du Mal qui selon les époques, des plus anciennes à la notre, pourrait être transposée aisément.

J'ai trouvé judicieux également le rythme du récit. D'abord lent, il s'accélère crescendo pour emporter le lecteur dans une véritable enquête pour tenter d'élucider d'effroyables phénomènes. S'enchaînent, sous une délicieuse forme épistolaire, les journaux de bord des différents personnages, autant de points de vue différents qui assemblés forment le puzzle final.

Une lecture passionnante d'un classique à l'origine de cet univers tant exploité. Un roman aux multiples sens cachés dont je n'ai sans doute pas percé tous les secrets.

Seules deux p'tites ombres au tableau : une fin à mon sens un peu trop précipitée et pas vraiment effrayée mais sans doute la cause du décalage avec notre époque où l'horreur est monnaie courante.

Parmi vous, des amateurs du genre ?
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Pour quelqu'un qui comme moi n'aime pas, mais alors vraiment pas les histoires mettant en scène des vampires, si on m'avait dit qu'un jour je lirais Dracula…eh ben, je ne l'aurais surement pas cru….
Mais finalement, grâce au challenge BBC, j'ai changé d'avis, et ne voulant pas être en reste pour cette lecture….
Je suis rentrée très vite dans l'histoire et la première partie racontée par le jeune Jonathan Harker m'a vraiment captivée….L'atmosphère gothique et bien décrite par Bram Stocker m'a clairement plu et j'ai lu avec fébrilité cette partie que j'ai trouvée bien rythmée. le style de l'auteur est vraiment agréable à lire…
Le format épistolaire est un format que j'apprécie en général, mais cela ne m'a pas empêché d'éprouver un sentiment d'ennui au bout d'un moment….J'avais un sentiment de répétition et surtout de longueurs inutiles et c'est bien dommage…
Cependant, dans cette lecture, pas trop d'hémoglobine et de partie gore finalement, choses que j'appréhendais un peu…
Il faut aussi reconnaitre que la fin m'a surprise, car tout à coup, le sort de Dracula est scellé avec une rapidité impressionnante, surtout au vu de la longueur du reste de ce livre…
Je rajouterais aussi que j'ai moyennement apprécié la place et l'image des femmes dans ce roman…Certes, nous sommes au dix-neuvième siècle, mais… Malgré toutes leurs qualités (elles sont même dotées d'un cerveaux) ces faibles femmes ne peuvent être que des victimes selon l'auteur…

En conclusion : une lecture en demi-teinte donc, malgré un début fort sympathique, et où mon intérêt a clairement été mis en difficulté à cause des longueurs qui émaillent cette histoire. Et finalement, même pas peur… On ne l'a pas trop vu finalement ce Dracula….

Challenge mauvais genres 2020
Challenge BBC
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Des années à lire des histoires de vampires et cie, il était temps de m'attaquer au mythe.
Je ne sais pas pourquoi je m'étais imaginée un roman plutôt moyennement écrit alors qu'en fait j'ai vraiment été stupéfaite par la qualité d'écriture de l'auteur pour un mauvais genre. Je m'attendais aussi à quelque chose de plus hard et j'ai trouvé ça très soft au final.
Séduite au départ. On découvre Jonathan Harker un jeune clerc qui part à la rencontre du conte Dracula en Transylvanie pour affaires. Suit pour moi une longue traversée du désert. Jonathan a peur très peur. Il se passe des choses bizarres avec ce conte qui ne mange jamais. J'avoue j'ai craqué j'ai lu d'autres livres entre temps. Retour à Londres. Je raccroche à ma lecture. le comte a acheté une demeure à Londres. Il s'en prend à la douce Lucie amie de la femme de Jonathan Mina. Il est trop tard pour Lucy. Mais un groupe d'amis est prêt à tout pour détruire Dracula
J'ai bien aimé la forme du roman: des extraits de journaux intimes et d'échanges de lettres entre les différents personnages.
Je pense qu'il faut lire cette histoire en se plaçant à l'époque où il a été écrit pour l'apprécier vraiment. le roman est assez misogyne. Mina est invitée à aller se coucher pendant que ces messieurs partent affronter Dracula (on est loin de Buffy contre les vampires). Mais on lui pardonne ses défauts.
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