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EAN : 9782737379130
160 pages
Ouest-France - Rennes (19/10/2018)
3.5/5   1 notes
Résumé :
La Bretagne, le Midi, les voyages, l'actualité : tous les thèmes de Mathurin Méheut à travers un choix de 150 lettres sur les 1400 envoyées, jour après jour, de 1926 à 1954, à Yvonne Jean-Haffen, sa collaboratrice et amie. - Un témoignage épistolaire inédit entre deux artistes remarquables. Couverture provisoire : Yvonne Jean-Haffen dans les ruines de Glanum
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Mathurin Méheut (1882-1958) est un peintre, illustrateur, céramiste breton. Né à Lamballe dans les Côtes d'Armor, il travaille tout d'abord chez un peintre en bâtiment à Lamballe, avant d'entrer à l'École régionale des beaux-arts de Rennes en 1898 avant de s'installer à Paris en 1902.
En 1914, il est mobilisé à Arras et réalise ses « Croquis de guerre », témoin de la vie dans les tranchées. Une exposition au Musée d'Aubigny, à Auvers sur Oise de septembre 1918 à Mars 1919 rappelle son oeuvre de guerre. L'exposition donne lieu à un superbe catalogue et un ouvrage réalisé par Elizabeth et Patrick Jude, donc son arrière-petite-fille « Mathurin Méheut 1914 - 1918. Des ennemis si proches » (2014, Éditions Ouest-France, 144 p.). Pendant la guerre, il dessine, prend des notes et écrit beaucoup à sa femme Marguerite. « Je t'écris ces lignes pendant que les obus passent en sifflant au-dessus de nous (tantôt français, tantôts allemands) […] nos tranchées sont à peine à 200 mètres les unes des autres. Ici la lutte est particulièrement dure, le terrain se prend pied à pied […] que c'est triste aussi ces villes après le bombardement, tout est abandonné, les pignons fermés, les clochers abattus, les barricades, quelques malheureux êtres errants, des oiseaux affolés par tous ces bruits que répercutent les nuages ».
Il faut dire que durant l'été 1914, le couple est au Japon grâce à une bourse « Autour du Monde » de la Fondation Albert Kahn. On est en plein japonisme. « le paradis des artistes, décidément, ce Japon. Nara !.../ Les dernières fleurs de cerisiers tombent. Tout dans cette cité a été réuni, concentré pour la joie du peintre de l'architecte ou du littérateur». Un ouvrage réalisé par ses arrières-petits-enfants Patrick Jude, Elizabeth Jude et Hélène Jude « Mathurin Méheut - voyage d'un peintre breton au japon- avril-août 1914 » (2012, Editions Ouest France, 128 p.) raconte ce périple. Mais c'est aussi le carnet de voyage de ses arrières-petites-filles, parties sur les traces de leur aïeul. Elles ont mené une enquête pour retrouver les lieux, les familles côtoyées par le couple Méheut.
Pendant la guerre, il n'arête pas d'écrire et de prendre des croquis et notes. Il utilise le crayon gras noir, le fusain, les crayons de couleur ainsi que le stylo plume avec lequel il écrit à sa femme. « C'est si commode dans les tranchées » dans les moments de calme il repasse ses dessins à l'aquarelle, ajoutant des éclats de couleurs. « Depuis ce matin 10 heures j'étais dans Arras à dessiner, quel bonheur. J'ai bien travaillé aujourd'hui et je suis très content […] Tu ne te figures pas comme ces quelques heures me font un effet moral épatant. Cela me retrempe, me redonne du courage. La profession renaît, la perspective du métier… illusions peut-être. Tant pis, c'est toujours autant de pris ». A la fin de la guerre, il est pratiquement le peintre officiel de l'armée, tout comme il sera le peintre officiel de la Marine.
Dans les lettres à sa femme, Mathurin Méheut évoque sans retenue la vie au front, la rigueur du quotidien, évoquant parfois la censure. « Nous dormons assis, recroquevillés pour que notre pauvre capote "mouille" en surface le moins possible ». Il se révolte aussi « C'est atroce, atroce ; il faut, on a le devoir d'arrêter cela, ce n'est plus la guerre de bravoure, de témérité ou de génie, c'est le charnier et le massacre", "Comment ne pas devenir fou, idiot, comment résister à un carnage pareil ». Il dessine également des cartes de Noël et de voeux pour la 1ère Armée. En Novembre 1918, le lieutenant Méheut est à Homblières, dans l'Aisne. Dans la nuit du 7 au 8 novembre 1918, des plénipotentiaires allemands s'arrêtent au presbytère qui sert de quartier général au général Debeney qui commandait la 1ère armée française avant de rejoindre Rethondes. La délégation allemande est venue négocier l'armistice. Une gouache, un dessin au crayon et une aquarelle « C'est fini. […], « Les vainqueurs vont remiser ». Il fait donc parti des tout premiers à connaître la fin du conflit. « Je ne m'attendais pas à être témoin d'un des plus grands spectacles du monde. J'en suis encore tout bouleversé, enfin on aura les preuves sous forme de croquis et de notes ».
Par la suite, en 1947, Mathurin Méheut illustre avec des lithographies en couleur, qui reprennent certains de ses croquis une édition limitée à 3000 exemplaires des « Croix de bois » de Roland Dorgelès (1947, Editions du livre Monte-Carlo, 325 p.) sous emboîtage carton, avec des, dessins en noir et lithographies.

On dispose aussi d'un texte intéressant de Gaëlle Obiégly sur Mathurin Méheut. L'auteur d'une douzaine de livres dont le dernier « Totalement Inconnu » (2022, Editions Christian Bourgois, 242 p.) a publié ces textes, ainsi que d'autres sur la littérature épistolaire grâce à la Fondation de la Poste. Profitant de la rétrospective sur cet artiste, cet été 2022 au musée d'art de Pont-Aven, en plus de son exposition permanente du Musée de Lamballe, dans les locaux du haras national de Lamballe. Superbe catalogue au musée de Pont-Aven « Mathurin Méheut: Arpenteur de la Bretagne » (2022, Coédition Faton / Musée de Pont-Aven, 205 p.). Gaëlle Obiégly effectue une analyse d'une partie de ses paysages à travers de « Lettres de Mathurin Méheut à Yvonne Jean-Haffen » (2018, Éditions Ouest France, 160 p.).
Yvonne Jean-Haffen est correspondante de guerre en 1914-1918. Elle entretient des relations épistolaires avec un certain Edouard Jean, polytechnicien et officier du Génie, qu'elle ne connaît pas encore. Passant outre l'avis de ses parents, ils partent en voyage tous les deux avant le mariage, puis l'épouse. Vers 1923, elle rencontre le peintre Mathurin Méheut que lui présente son mari. Il deviendra son maître en peinture, mais elle en fait aussi son amant. le secret de cette relation sera préservé jusqu'à ses obsèques en 1993. Elle réalise des décors pour des paquebots et pour l'Institut de Géologie de Rennes, ainsi que des illustrations pour des livres d'auteurs. Elle collabore également avec la faïencerie Henriot de Quimper.
C'est une longue correspondance, plus de 2000 lettres, où toutes les lettres sont ornées de croquis. Les dessins occupent plus de place que l'écriture. Peintre d'un monde qui est appelé à disparaître avec la modernisation. Il peint les costumes traditionnels bretons « Quand il regarde les costumes, il voit avant tout leur beauté, il admire les broderies, le travail des brodeurs… ».
Les dessins, par leur éclat, déplacent le texte à l'arrière-plan. L'image et le dessin deviennent la matière principale de cette relation épistolaire. Malgré leur rapidité d'exécution ces dessins sont des oeuvres à part entière. Ces lettres sont autant documentaires qu'artistiques. le texte, même s'il s'efface face aux dessins, nous renseigne sur la vie de l'artiste et sa manière de travailler. Certaines comportent des parties écrites aux côtés de dessins et d'autres, non. le rapport entre l'image et le mot est le plus souvent inexistant. Bien qu'il ne s'agisse pas à proprement parler de cartes postales, ces courriers de Mathurin Méheut s'y apparentent dans le principe de dissociation de l'image et du texte. L'aquarelle n'est pas commentée, le dessin est autonome par rapport au discours de la lettre.
Il a parcouru la Basse-Bretagne du Nord au Sud, depuis le Léon jusqu'au pays Bigouden. Il y revient très souvent et noue à Quimper des relations de travail avec les faïenciers Henriot tandis qu'il a des amis parmi les pêcheurs de Douarnenez. Yvonne Jean-Haffen s'y rend pour la première fois en 1927 dans le Finistère. Mathurin Méheut est soucieux du jugement qu'elle portera sur sa province. Va-t-elle l'aimer ?, se demande-t-il dans les lettres. Il orne ses courriers d'aquarelles, de dessins tout aussi précis qu'enchanteurs, parfois amusants.
Sur certain croquis se côtoient des styles vestimentaires très contrastés. Femmes en longues robes noires et capes de deuil à côté d'autres femmes, plus jeunes, en socquettes, tennis et jupes courtes. Elles sont cheveux au vent, d'autres sont avec coiffe. L'artiste traduit dans ses dessins l'étrange contemporanéité, au pays bigouden, de femmes aux coiffes de plus en plus hautes et, à l'inverse, de celles qui portent des jupes courtes. Cette juxtaposition des différentes tenues et de postures corporelles contrastées souligne l'originalité vestimentaire qui perdure en Bretagne.

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Quand il regarde les costumes, il voit avant tout leur beauté, il admire les broderies, le travail des brodeurs
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Vidéo de Anne de Stoop
Auteurs : Denise Delouche et Anne de Stoop
Livres : Lettres de Mathurin Méheut à Yvonne Jean-Haffen
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