Rien de rien est un roman historique dont le cadre, les événements, les personnages sur lesquels il s'appuie sont en tout point les mêmes que ceux de
la San-Felice d'
Alexandre Dumas, à cette réserve près que l'on peut, certainement et sans risque de se tromper, arguer, au crédit de l'oeuvre d'
Enzo Striano, d'une plus grande sobriété et d'une plus étroite véracité factuelle.
Alors que l'écrivain français s'est attaché à la figure mélodramatique, quoiqu'historique, de Maria Luisa San Felice, une noble amoureuse prise dans le tourbillon de la révolution, l'auteur italien a choisi de rendre hommage à la personne et au destin tragique d'Eleonora Fonseca Pimentel, qui a pris, par la création du journal
Le Moniteur napolitain, une part plus active à l'éphémère révolution parthénopéenne de 1799.
Issue d'une famille d'aristocrates portugais, cette dernière doit quitter précipitamment la ville de Rome pour éviter l'ire du Pape à l'encontre de ses compatriotes, suite à la décision du marquis de
Pombal de chasser les Jésuites du Portugal. Arrivée à Naples elle est éblouie par les beautés de la ville, une plus grande douceur de vivre et un peuple attachant. La cité, alors capitale du royaume des Deux-Siciles, a pour souverain le Bourbon Ferdinand IV, un être qui ne brille ni par le raffinement, ni par l'élévation de l'esprit, volontairement maintenu qu'il fut dans une ignorance crasse des choses indispensables au bon gouvernement de l'État et dont l'épouse n'est autre que Marie-Caroline d'Autriche, soeur aînée de
Marie-Antoinette, qui développera une haine inextinguible pour la France suite aux événements que l'on sait. Lenor Fonseca est une femme lettrée, admirative de l'héroïsme des temps anciens et réceptive aux lumières de son siècle. Nourrie d'idées libérales, elle devient un membre incontournable des milieux littéraires et des salons napolitains. La Révolution française et l'avancée victorieuse des troupes de
Bonaparte en Italie soulèvent un mouvement d'enthousiasme dans les classes les plus éclairées et donne le branle à la Révolution Parthénopéenne qui avortera notamment par le manque d'appui coupable des troupes françaises.
Rien de rien est considéré comme le chef-d'oeuvre du plus napolitain des romanciers contemporains italiens. Il est vrai que le roman rend tout à fait justice à cette ville - absolument fascinante, de Naples, et à son peuple singulier. C'est l'occasion d'évoquer la première des répliques au séisme que fut la Révolution Française, sous un angle beaucoup moins biaisé que celui d'
Alexandre Dumas. Force est de constater que la liberté et la démocratie ne sont pas des concepts qui s'exportent par des puissances étrangères mais se doivent être embrassés et gagnés par le peuple lui-même.