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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Dangereux psychopathe ou héros de la lutte contre l'esclavage ? Chantre mystique ou fou illuminé ? La personnalité complexe de Nat Turner soulève de nombreuses questions et a notamment inspiré l'écrivain William Styron qui a publié "Les confessions de Nat Turner" en 1967.

Nat Turner est un esclave rebelle ayant réellement existé. C'est en 1831, alors âgé de 31 ans, que cet homme très pieux et très intelligent, esclave dans le comté de Southampton en Virginie, lance une véritable insurrection contre la domination des maîtres blancs à la suite de l'une de ses visions (hallucinations ?) mystiques. Pendant deux jours, à la tête d'une soixantaine d'hommes, il met à feu et à sang toute la région, tuant hommes, femmes et enfants blancs, faisant une soixantaine de victimes. Il s'agit du plus grand nombre de morts à se produire dans un soulèvement avant la guerre de sécession dans le sud des Etats-Unis. C'est finalement une milice deux fois plus puissante que la faction d'esclaves révoltés qui finit par mettre fin à ses agissements. Mais Nat Turner restera lui caché pendant deux mois avant d'être arrêté, jugé et pendu avec dix-huit de ses complices. Entre temps, sa révolte aura entraîné des dommages collatéraux puisque des centaines d'esclaves noirs, innocents, seront pendus en guise de représailles. Sa révolte aura également fait trembler d'effroi les populations blanches et entraîné un durcissement des lois esclavagistes.

Cet épisode historique sanglant et véridique ne pouvait qu'inspirer un écrivain (et plus récemment donner lieu à un film), d'autant plus que Nat Turner a pu livrer ses confessions avant son exécution à un avocat, Thomas R. Gray, dans la prison où il était détenu. C'est donc à partir d'une source historique que William Styron a rédigé son roman, y ajoutant bien entendu sa touche personnelle et soulevant au passage de nombreuses polémiques. Il fait ainsi de Nat Turner, ainsi que de ses comparses, des obsédés sexuels, n'hésitant pas à décrire une scène où l'esclave noir viole la maîtresse blanche, un mythe raciste souvent véhiculé et destiné à montrer le Noir comme un monstre pervers assoiffé de la chair des vierges blanches.

Ce qu'il me reste pour ma part de ce roman est l'image d'un personnage extrêmement intelligent, fourbe et violent. L'image aussi d'une épopée mystique et sanguinaire, révélant au demeurant une société blanche cruelle et corrompue. "Les Confessions de Nat Turner" est un roman brutal et perturbant. On ne sait ce qui nous choque le plus, la violence des rebelles assoiffés de sang, de haine et de sexe ou la veulerie et la bassesse des Blancs.

Nat Turner demeurera sûrement insaisissable à jamais.
Un grand livre, à l'image de son auteur.
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Toujours controversé 45 ans après sa parution, la mise en fiction de la révolte d'esclaves de 1831.

Publié en 1967, le quatrième roman de William Styron, couronné par le prix Pulitzer cette année-là, et son plus grand succès populaire avec "Le choix de Sophie", reste son plus controversé.

Le compte-rendu fictionnel détaillé de la genèse et du déroulement de la (vraie) révolte d'esclaves de 1831 en Virginie, sous la forme d'une "confession" authentiquement recueillie auprès de son instigateur, Nat Turner, emprisonné en attendant la pendaison, déchaîna à l'époque de sa parution les charges "des deux côtés", malgré le soutien sans faille de James Baldwin et de Ralph Ellison, une grande partie de la critique afro-américaine en dénonçant les stéréotypes racistes que le roman véhiculerait, tandis que la critique conservatrice conspuait la noirceur de la description des esclavagistes, comme de la corruption et de la veulerie immondes d'une large proportion du clergé.

Si l'on peut en effet discuter à l'envi des effets secondaires potentiels de certains choix narratifs de Styron (les obsessions sexuelles d'une petite partie des révoltés, notamment), il reste quoi qu'il en soit, l'effrayant portrait intime d'un esclave instruit, à la limite même du surdoué, connaissant par coeur sa Bible et pouvant la citer en permanence avec une parfaite exactitude, concoctant au fil des années, dans la haine et le ressentiment vis-à-vis de son oppresseur générique (et non particulier), une insurrection violente, entraînant l'assassinat de 55 Blancs (y compris femmes et enfants), la condamnation à mort de 40 Noirs révoltés (sur les 70 identifiés), et le lynchage sauvage par les milices des planteurs effrayés et vengeurs de 300 Noirs n'ayant rien à voir avec le mouvement... et la peinture à l'acide d'une société entièrement orientée vers le profit, petit ou grand, masquée dans ses oripeaux religieux, méthodistes ou autres, fustigeant la générosité dangereuse des abolitionnistes quakers, et résolument aveugle à sa propre corruption fondamentale.

Un grand livre, terriblement brutal, dont Tarantino se souvient bien entendu avec jubilation au moment de préparer son "Django Unchained", et qui illustre parfaitement la citation de Flaubert que Styron fit figurer pendant quarante ans au-dessus de la porte de son bureau : "Soyez réglé dans votre vie et ordinaire comme un bourgeois, afin d'être violent et original dans vos oeuvres".
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The Confessions of Nat Turner
Traduction : Maurice-Edgar Coindreau

De format beaucoup plus modeste que "Le Choix de Sophie", "Les Confessions de Nat Turner" suscita la polémique parce que Styron s'était refusé à occulter le côté "illuminé religieux" de son héros. Pour les bien-pensants, Turner devait être exclusivement un révolté social, le premier qui brava la Mort pour dénoncer le statut des esclaves noirs dans le Sud des Etats-Unis. le personnage devait s'arrêter là et c'est sur cette réputation tronquée que l'on devait lui tisser des lauriers.

D'emblée, Styron refusa le mensonge et s'attaqua à restituer Nat Turner tel qu'il fut - ou, en tous cas, tel qu'il parvint à le reconstituer au gré des témoignages.
Enfant précoce, fils d'un Noir évadé et d'une domestique si bien intégrée à la famille blanche qui l'avait élevée qu'elle fut enterrée dans son cimetière, Nathanael Turner savait lire dès quatre ans. L'entourage de son maître, Samuel Turner, l'y avait grandement encouragé car Samuel croyait que, tôt ou tard, il faudrait bien éduquer les esclaves et réviser leur sort. Ce que n'avait malheureusement pas prévu ce Blanc que Nat évoque toujours avec un curieux mélange de tendresse et de mépris, c'est que sa fortune diminuerait tellement qu'il lui faudrait vendre ses possessions.
Ce fut ainsi que Nat se retrouva simple marchandise dans les mains d'un pasteur homosexuel puis, de hasard en hasard, entre celles d'un fermier redneck - c'est-à-dire l'un de ces "pauvres Blancs" dont parle Margaret Mitchell dans "Autant en emporte le vent" - la plus basse caste blanche dans le Sud esclavagiste.
Elevé dans la certitude qu'un jour, il ferait quelque chose de grand - et si Samuel Turner avait pu le conserver, il est vraisemblable que Nat aurait été affranchi un jour ou l'autre, avec un métier dans les mains - notre héros, qui est fier, est ramené à la réalité sordide, cruelle, injuste de l'esclavage, que Styron décrit sans aucune complaisance. Pour le soutenir, un seul viatique : la prière. Avec la lecture, Mrs Turner avait aussi enseigné au petit Nat la Bible et les chants religieux.
Sorti de la prière et de la méditation, Nat n'a rien. Pire : à ses propres yeux, il n'est rien. Sa sexualité, assez trouble, partagée entre un attrait naturel pour l'homosexualité et le désir (plus conventionnel) des femmes blanches que lui inspire la conscience de sa condition, ne s'exprime que de façon très minimale. Et, comme de juste, cette retenue de l'instinct en fait un orateur très recherché qui, peu à peu, va prêcher la colère divine s'abattant sur les Blancs.
Styron a choisi la première personne pour rédiger ces "Confessions ..." Grâce à une écriture particulièrement intelligente et sensible, il parvient à mettre à jour les contradictions dont est tissé le caractère de son personnage principal - comme d'ailleurs celui de la majorité des hommes. Nat, par exemple, admettra de bonne grâce avoir ordonné le massacre de personnes qu'il n'avait aucune raison de détester et qui, même, avaient fait preuve de bonté envers lui. Il déclare lui-même à son avocat être dans l'impossibilité d'expliquer le phénomène autrement que par la volonté de Dieu.
Mais Styron fait mieux : il rend le lecteur solidaire de Nat (notamment quand il évoque les conditions de l'esclavage, les pratiques de certains Blancs et Noirs, etc ...) tout en le contraignant à le désapprouver dans son délire mystique. Pour un agnostique - blanc ou noir d'ailleurs - le propos est d'ailleurs très clair : Nat Turner le Noir a été contaminé par l'idéologie religieuse biblique. D'autres, qui n'étaient ni esclaves, ni considérés comme moins que rien, se sont laissés prendre à ces redoutables sirènes. N'est-il pas normal dans ces conditions que Nat, dont l'intelligence ne fait aucun doute mais que la "rupture" forcée avec cette image paternelle que représentait pour lui Samuel Turner et plus encore les conditions dans lesquelles elle survint ont forcément fragilisé à outrance, ait sombré lui aussi ? ...
Roman subtil, roman dérangeant à plus d'un titre, "Les Confessions de Nat Turner" rappelle que, bien avant la guerre de Sécession, le Sud se divisait entre partisans de l'esclavage et adeptes d'un retour à la liberté pour les Noirs. Il démontre aussi combien ces deux visions, si dissemblables qu'elles fussent, étaient aussi utopiques l'une que l'autre. Les songeries de Nat Turner, ces pensées qui tournent en vase clos, se heurtent aussi bien à l'une qu'à l'autre. A sa manière, Nat aura cherché une troisième voie - qui s'ouvre sur la Mort, la sienne et celle de parfaits innocents. Peut-être en existe-t-il une autre mais le Sud - et l'Humanité à travers lui - finira-t-il par la découvrir ? Styron en doute - et son lecteur aussi. Mais il a le mérite de prouver une fois encore que, Blanc ou Noir, l'Homme est assailli par les mêmes démons. ;o)
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Quel grand souvenir que ce livre. Je l'ai lu il y a longtemps mais j'en ai gardé un souvenir puissant. À lire de toute urgence, évidemment!
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