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EAN : 9781030404730
Allia (05/01/2017)
3.5/5   6 notes
Résumé :
Le 21 août 1831, en Virginie, des esclaves prennent les armes contre leurs maîtres blancs. Sus aux esclavagistes ! En deux jours, ils vont de plantations en plantations et assassinent de sang froid hommes, femmes et enfants. L’instigateur du massacre est arrêté. Il se nomme Nat Turner.
Emprisonné, il reçoit la visite de l’avocat Thomas R. Gray et lui raconte la ferveur religieuse qui a motivé son ‘‘œuvre de mort’’. Depuis son enfance, Nat a l’étoffe d’un prop... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
LORSQUE LA MONSTRUOSITÉ NE PEUT MENER QU'AU PIRE.

Une fois n'est pas coutume, je ne peux que vous conseiller la critique très juste et fort bien construite de trust_me quant au contenu du livre et à ce qu'il révèle de l'Amérique de l'époque.

Je me permettrais pour ma part quelques précisions. D'abord, que ce texte de première main dans la perception que le peuple afro-américain a pu avoir de lui-même dans la constitution de son identité est de ce fait fondamental et presque fondateur - que l'on songe en particulier aux sources multiples des luttes contre la ségrégation dans l'immédiat après-guerre. A des figures comme Malcom X et ses célèbres "Black Panther", etc -, un description rare de révolte, il est vrai, mais pas aussi isolé à l'époque qu'une certaine légende - blanche - consacrant l'idée que les esclaves noirs étaient finalement assez apathiques par rapport à leur condition et ne se révoltaient donc presque jamais. L'étude historique démontre l'inexactitude coupable de ce mythe.

Ensuite, qu'il ne faut malgré tout pas oublier que ce témoignage fut rédigé par un avocat blanc - avec la possibilité que son auteur ait agit comme un filtre dans sa rédaction à partir de notes furtivement prises par lui durant les quelques entretiens qu'il eut avec le futur condamné à mort, et ce, même inconsciemment - ayant la vision d'un virginien blanc. Se plaçant donc inévitablement du côté des maîtres, avec toutes les certitudes, les théories, les généralisations de son temps à l'égard de "la race noire" (et qui perdureront bien après, d'ailleurs).

Il semble malgré tout que la parole de Nat Turner ait probablement été respectée sur le fond, mais nous ne le saurons de fait jamais avec exactitude. Laissons cependant à cet avocat (défendant d'autres esclaves accusés d'avoir participé à la révolte) le bénéfice du doute. En revanche, ses propres annotations et conclusions ne laissent strictement aucun doute sur l'incompréhension totale quant à la nature ni à l'origine profondes du geste de Nat Turner. Que ce dernier ait été un genre d'illuminé christique se croyant missionné par le Divin ou pas n'y change à peu près rien : T.R. Gray, notre confesseur, ne fait jamais -NE PEUT INTELLECTUELLEMENT PAS FAIRE - le rapprochement en esclavage et massacre de planteurs blancs, d'autant plus que ce sont des "innocents", d'autant plus que parmi ces gens massacrés se trouvaient nombre de femmes et d'enfants. Voire de nourrissons. Ni lui, ni aucun des juges du révolté ne feront le lien, et c'est ce qui rend toute cette affaire résolument terrible et quasiment métaphorique de la situation des esclaves face à leurs propriétaires.

Il ne nous appartient pas ici de dire si un crime d'une abjection sans pareille (trois siècle de "chosification" d'êtres humains par une minorité d'autres, à des fins de production, parfois de "soulagement" sexuel, etc, doit être ainsi puni par un autre crime, passablement monstrueux dans sa planification et surtout, son exécution. Contentons-nous de constater qu'une fois encore, le crime appelle invariablement le crime.

Mais il apparaît parfaitement extra-ordinaire qu'il ne soit jamais fait état du moindre rapport de causalité. C'est pourtant ainsi que nous comprenons que toute la machine judiciaire agit, partant du principe strictement légal que l'esclavage est une chose alors autorisée par le législateur, tandis que le meurtre aggravé, bien évidemment, non. L'ensemble ayant pris forme dans un pays - le seul en 1831- aux règles pourtant résolument tournées vers un système démocratique représentatif...

L'auteur de l'excellente postface le rappelle : cette ultime révolte d'esclaves noirs (la dernière d'importance avant la guerre de sécession) aurait pu aboutir à une interdiction progressive de cette infamie totale. Il s'en est fallut de peu. Mais les intérêts économiques en jeu tout autant que le poids politique des grands exploitants du "vieux sud" en décidèrent tout autrement et aboutirent, bien au contraire, à un durcissement des lois à l'encontre de ces hommes mis en état de rebut de l'humanité par la classe dominante blanche.

Un détail, cependant, laisse à penser que ce "droit" pouvait aller à l'encontre d'une certaine morale, même honteuse, c'est qu'il fut par la suite interdit de seulement remettre en question le fait esclavagiste, de le critiquer. Lorsque l'on instaure des délits de la pensée, c'est souvent que cette dernière n'est pas bien en règle avec elle-même...

Ultime détail : Ces "Confessions" sont le point de départ d'un roman qui remporta le prix Pulitzer en 1968, et déchaîna par ailleurs les passions (ne serait-ce qu'en raison même de son auteur) : Les confessions de Nat Turner par William Styron, qui extrapole certes énormément dans son texte, mais eut cet intérêt de remettre en lumière ce moment parmi les plus honteux de l'histoire de la Nation Américaine et, par bien des aspects, de l'humanité dans son ensemble.

Un film récent en est aussi tiré : "Naissance d'une Nation" de Nate Parker, dont il m'est impossible de rien dire, ne l'ayant vu.

Ce court texte est un document "à vif", très bref mais en tout point saisissant et "essentiel", ainsi qu'on l'exprime si souvent pour ce genre de document.

Pour que cela n'arrive plus jamais...?
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Dimanche 21 août 1831. Alors que la nuit tombe, un groupe d'esclaves mené par Nat Turner pénètre dans les maisons des familles blanches du comté de Southampton, en Virginie. Surprises dans leur sommeil, les victimes sont massacrées sans la moindre pitié. Au fil de la nuit la troupe grossit et progresse méthodiquement, de plantation en plantation, tuant tous les blancs qui croisent sa route. Ils ne seront stoppés que le lundi après-midi, une fois l'alerte donnée. Caché dans les bois, Nat Turner parviendra à s'échapper. Il sera capturé le 30 octobre. Deux jours plus tard, un avocat blanc le rencontre dans sa cellule et recueille la confession « libre et entière des origines, du développement et de la mise en oeuvre de la révolte d'esclaves dont il a été l'instigateur et le meneur ».

Que retenir de cette confession ? Que Nat Turner, impassible, se livre froidement, sans colère ni haine, sans fierté ni glorification de ses actes. Sans regrets non plus. D'ailleurs, le jour de son procès, il plaidera « non coupable » en indiquant qu'il ne ressentait aucune culpabilité. Ses motivations sont avant tout mystiques. Considéré par les siens depuis sa naissance comme un être à part, il a appris à lire et à écrire seul. A la fois esclave et pasteur, il a longuement étudié la bible et trouvé dans les écritures une légitimité du recours à la violence. Prophète en « mission de mort », persuadé d'être « promis à un destin exceptionnel », présenté par les blancs comme un fanatique illuminé, il est devenu un symbole pour une grande partie de la communauté afro-américaine. Loin de la « simple » révolte, l'insurrection de Southampton a été portée par une volonté manifeste et assumée de rendre à l'oppresseur la souffrance qu'il a fait subir aux esclaves : « Mon objectif était de semer la terreur et la dévastation où que nous allions ».

La préface et le commentaire final de Thomas R. Gray , l'avocat ayant recueilli la confession, montre à quel point la communauté blanche n'a à aucun moment cherché à comprendre les causes de la révolte et a réduit les agissement des esclaves à un simple manque de discernement. Pour Gray, Turner et sa clique meurtrière ne sont que des « sauvages », des « mécréants sanguinaires » et la confession de leur chef « se lit comme une leçon terrible, mais, on l'espère, utile, sur la façon dont fonctionne un esprit comme le sien lorsqu'il tente de saisir des choses qui sont hors de sa portée ». Tout est dit, fermez le ban…

Le massacre de Southampton aura fait 55 victimes blanches, hommes, femmes, enfants et nourrissons. Nat Turner, après sa pendaison, sera écorché et démembré, les différentes parties de son corps dispersées à travers le pays pour que personne ne puisse honorer sa sépulture et faire de lui un martyr.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
J'ai eu trente et un ans le 2 octobre dernier [NB : 1831] ; je suis né esclave de Benjamin Turner, résident ce comté. Un événement qui s'est produit dans mon enfance m'a laissé une forte impression, et est à l'origine de ce sentiment de ferveur qui a causé la mort de nombreux individus, des blancs comme des noirs, et pour lequel je vais bientôt être pendu.
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