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Citations sur Supervielle : Oeuvres poétiques complètes (62)

Naissances 1951

LE VISAGE


Pour affronter le ciel il me faut un visage
Qui ne ressemble au mien que par le vif des yeux
Et pour gravir la nuit j’ai besoin de ce bleu,
Ce souvenir du jour et de ma mère sage
Blottie entre mes cils avec tant de pudeur
Que nul ne pense à moi en voyant leur couleur.
Elle sait être moi avec tant de patience
Qu’elle aime à se confondre avec mon ignorance
Et l’on ne songe pas que je ne suis pas seul
À vouloir m’élancer au puits sans fond du ciel.
Pardon de n’avoir su, ô douce ressemblance,
Imiter ta pudeur ni garder ton silence.

p.548
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OUBLIEUSE MÉMOIRE (extraits)

MADAME


Est-ce la cendre de demain
Que vous serrez dans votre main ?
Fille d'un tout proche avenir,
Venez-vous m'aider à finir

Avec ce délicat sourire
Qui veut tout dire sans le dire ?

Ô dame de mes eaux profondes
Serais-je donc si près des ombres ?
Ou venez-vous m'aider à vivre
De tout votre frêle équilibre ?

Que faire d'un si beau fantôme
Dans mes misérables bras d'homme ?

Oh si profonde contre moi
Vous mettez toute une buée
Fragile, bien distribuée
Dessus mon plus secret miroir.

Déjà méconnaissable à tous vos changements
Pourquoi vous voilez-vous le visage à présent ?
Est-ce pour retrouver enfin votre figure
Véritable, après tant de touchante imposture ?

p.491-492
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OUBLIEUSE MÉMOIRE (extraits)

MADAME


Ô dame de la profondeur,
Que faites-vous à la surface,
Attentive à ce qui se passe,
Regardant la montre à mon heure ?

Madame, que puis-je pour vous,
Vous qui êtes là si tacite,
Ne serez-vous plus explicite,
Vous qui me voulez à genoux ?

Ce regard solitaire et tendre
Aimerait à se faire entendre ?
Et c'est à lui que je me dois
Puisque vous n'avez pas de voix ?

Grande dame des profondeurs,
Ô voisine de l'autre monde,
Me voulez-vous en eaux profondes
Aux régions de votre cœur ?

Pourquoi me regarder avec des yeux d'otage,
Jeunesse d'au-delà les âges ?
Votre fixité signifie
Qu'il faut à vous que je me fie ?

Pour quelle obscure délivrance
Me demandez-vous alliance ?

p.490
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OUBLIEUSE MÉMOIRE (1948) (extraits)
Poésies et chansons

À UN POÈTE
Pour Orfila Bardesio, en guise de préface.


Sur vous et votre livre
Le grand ciel prend le large,
On ne sait si on lit
Ou si l'on vous regarde.

Vos vers battent des cils,
Vos yeux chantent et vibrent ;
Votre front reste libre
C'est pour les réunir.

À votre guise et sans
Déplacement de l'âme,
Vous devenez la femme
Ou bien la poésie.

p.533
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OUBLIEUSE MÉMOIRE (1948)
À Marcel Arland.
OUBLIEUSE MÉMOIRE (extraits)

Poèmes perdus et retrouvés
CONFUSION


Des cierges, entrecroisés
Comme brûlantes épées,
Des gouttes de sang tombaient
Sur le carrelage de glace.
Des chevaliers noirs et rouges
Se taisaient dans tous les coins.
On entendait les pensées
Leur grignoter la cervelle.
L'église sentait le foin
Et la campagne l'encens.
Les gens se trompaient de porte
Parfois même de visage.
On vit venir un vieillard
Sur un corps de demoiselle,
Tête et corps faisaient du zèle
Tirant à hue et à dia.
Puis une petite pluie
Doucement vint à tomber
Couleurs et bruits effaçant.
Et je restais interdit
Comme un coquillage gris
Déserté par l'océan
Et dont le silence et l'âge
Bourdonnaient seuls sur la plage.

p.535
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(version définitive)*
LA BELLE AU BOIS DORMANT


Amphidontes, carinaires, coquillages
Vous qui ne parlez qu'à l'oreille,
Révélez-moi la jeune fille
Qui se réveillera dans mille ans,
Que je colore la naissance
De ses lèvres et de ses yeux,
Que je lui dévoile le son
De sa jeunesse et de sa voix,
Que je lui apprenne son nom,
Que je la coiffe, la recoiffe
Selon mes mains et leur plaisir,
Et qu'enfin je la mesure avec mon âme flexible !
Je la reconnais, jouissant de sa claire inexistence
Dans le secret d'elle-même comme font les joies à venir,
Composant son sourire, en essayant plusieurs,
Disposant ses étamines
Sous un feuillage futur,
Où mille oiseaux, où mille plumes
Essaient déjà de se tenir,
Allumant des feux d'herbages,
Charmant l'eau loin de ses rives
Et jouant sur les montagnes
À les faire évanouir.

p.178-179

* voir, si vous le souhaitez, la première version de ce poème de Gravitations en 1925, sous le titre ESPACES.
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ROCHERS


Rochers, visages, profondeurs,
Où suis-je dans le paysage,
Comment rassembler le courage
De vivre, combien il en faut
Pour quitter son lit, respirer,
Pour affronter la verticale
D'un cœur maigre et peu musical
Et pour faire en sorte qu'il donne
Sa chaleur de grande personne,
Et pour marcher la tête haute
Quand le dos se voudrait voûté
Comme s'il était pris en faute
Dans sa nouvelle vérité.
Tout cela se faisait sans moi
Voilà qu'il faut que j'intervienne,
Que je veille à tout sous la peau,
Qu'à mes organes je rapprenne
Leur obscurité ancienne
Et que j'apaise ces mutins
Avec leur regards d'assassins.
Je crains qu'à la moindre indolence
Je ne devienne du silence,
Je le crains et je le souhaite
Mais pourquoi cette confidence
D'homme bien plus que de poète.

p.593-594
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1939-1945
Plein ciel


J’avais un cheval
Dans un champ de ciel
Et je m’enfonçais
Dans le jour ardent.
Rien ne m’arrêtait
J’allais sans savoir,
C’était un navire
Plutôt qu’un cheval,
C’était un désir
Plutôt qu’un navire,
C’était un cheval
Comme on n’en voit pas,
Tête de coursier,
Robe de délire,
Un vent qui hennit
En se répandant.
Je montais toujours
Et faisais des signes :
« Suivez mon chemin,
Vous pouvez venir,
Mes meilleurs amis,
La route est sereine,
Le ciel est ouvert.
Mais qui parle ainsi ?
Je me perds de vue
Dans cette altitude,
Me distinguez-vous,
Je suis celui qui
Parlait tout à l’heure,
Suis-je encor celui
Qui parle à présent,
Vous-mêmes, amis,
Êtes-vous les mêmes ?
L’un efface l’autre
Et change en montant. »

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DIALOGUE AVANT LE VOYAGE


« Ô toi qu’hélas ! et toujours pique
Une mouche transatlantique,
Ulysse Montévidéen,
Terrestre, lacustre ou marin,
Que viens-tu faire dans la vie
Voyageur ès-mélancolies ?
Saigner l’exsangue subconscient,
Poulet osseux, jusques à quand ?
Choisis enfin ton point de chute
De peur que ton obscure flûte
Qu’épuise un si grand désarroi
Ne tombe morte de tes doigts.
— Voix amie et si indiscrète,
— N’interroge pas le Poète ;
Il faut plus de quatre-vingts jours
Pour faire le tour de mon âme
Et, sentant déjà mes bras lourds,
J’avance d’une lente rame.
Si vraiment tu me veux du bien,
Chère, ne me demande rien.
— Se taire ? Etrange privilège,
Si je le voulais, le pourrais-je ?
Moi qui n’affirme que mon nom,
Je suis l’Interrogation. »
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Hermétisme
A Torres Garcia.

Le secret au bord des lèvres
Semble dépasser un peu,
Émergeant de ses ténèbres
Il goûte à l'air du ciel bleu.

Pris de peur sous la lumière
Il ne sait plus où aller,
Il retourne à son repaire
Le cœur, et le fait trembler.
Là, sans honte d'être à nu
Il se fait bercer et plaindre,
Ne cherchez pas à l'atteindre,
Il ne vous appartient plus.
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