AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations sur Supervielle : Oeuvres poétiques complètes (62)

soyons seuls un moment
dans un monde d'aveugles.
Milliards de paupières
autour de nous, fermées
Commenter  J’apprécie          20
La Mort des Etoiles

Elle passa comme un parfum de fleur d’automne.
J’espérais la revoir et ne la voyais plus ;
Mon cœur était lassé de ne trouver personne,
Mes yeux étaient lassés d’avoir été déçus.
Un soir, comme j’errais, pensif et rêvant d’elle,
Que je voyais au loin les plaines s’endormir,
Et les horizons roux devant la nuit grandir,
Et, comme le soleil, l’oiseau fermer son aile,
Dans l’ombre, j’effeuillais mes amours, lentement,
Et lorsque j’eus fini, je regardais derrière
Ce qu’il était resté de cet effeuillement
Des étoiles d’argent s’élevaient de la terre...
Mais, soudain, je la vois, d’un pas calme et serein,
S’avancer lentement, délicieusement lasse,
Je la vois... elle vient... de mon bras je l’enlace,
Elle ferme les yeux comme pour voir plus loin.
« Oh ! laisse-moi les voir, tes yeux bleus, dans la nuit.
On dit qu’il est des cieux où l’on ne saurait dire
Si l’azur qui commence est l’azur qui finit,
Mais je n’ai jamais vu, quand je les vois sourire,
Ni rien de plus profond, ni rien de plus lointain
Que l’azur de tes yeux, ni rien de plus intense,
Et lorsqu’on croit qu’il va finir, il recommence !...
Les larmes de tes yeux s’en viennent de bien loin.
Oh ! laisse.... Je voudrais les boire une par une,
Tes larmes, doucement, sous ces rayons de lune...
Viens... Viens... Ne veux-tu pas, dans le bois frissonnant
Où se perd la chanson que murmure le vent,
Nous promener tous deux auprès de l’étang pâle
Que reflète, songeur, le triste peuplier ?...
Par cette nuit si bleue, où toute fleur exhale
Son parfum le plus doux qu’elle sait le dernier,
Ne sens-tu pas neiger, en ton cœur, des étoiles ?...
La nuit n’a pas voulu vêtir ses sombres voiles,
Elle a voulu, ce soir, se vêtir de rayons...
C’est une nuit d’amour... Partons. La lune claire
Doit rêver des baisers qu’elle a vus sur la terre,
Viens... le rossignol chante en la forêt... Partons... »
Et la lune d’argent vit derrière une branche
Un couple d’amoureux qui passait lentement,
Et, frissonnant un peu du haut du firmament,
Elle continua sa route, calme et blanche...
Le lendemain matin, lors des premiers rayons,
Les amants enlacés dormaient dans un grand rêve,
Et le soleil radieux qui, dans les ors se lève,
Vit leur enlacement et caressa leurs fronts...
. . . . . . . . . . . .
Ses blonds rayonnements me trouvèrent heureux...
Mais je me rappelais mon rêve de la veille,
Ce rêve tant aimé, je voulais qu’il s’éveille !...
Les rêves qu’on atteint ne sont jamais si bleus...
Lorsque l’aurore naît des ombres de la nuit
On voit trembler la douce étoile qui s’enfuit ;
Aux rayons du soleil son éclat est plus pâle,
Elle s’efface et meurt comme un parfum s’exhale.
Mon rêve avait été comme l’étoile aux cieux,
J’avais cru qu’il serait au soleil plus radieux,
Mais il avait besoin, pour être, de ses voiles...
Les rayons du soleil font mourir les étoiles...
Commenter  J’apprécie          12
L’Arbre

Il y avait autrefois de l’affection, de tendres sentiments,
C’est devenu du bois.
Il y avait une grande politesse de paroles,
C’est du bois maintenant, des ramilles, du feuillage.
Il y avait de jolis habits autour d’un cœur d’amoureuse
Ou d’amoureux, oui, quel était le sexe ?
C’est devenu du bois sans intentions apparentes
Et si l’on coupe une branche et qu’on regarde la fibre
Elle reste muette
Du moins pour des oreilles humaines,
Pas un seul mot n’en sort mais un silence sans nuances
Vient des fibrilles de toute sorte où passe une petite fourmi.

Comme il se contorsionne l’arbre, comme il va dans tous les sens,
Tout en restant immobile !
Et par là-dessus le vent essaie de le mettre en route,
Il voudrait en faire une espèce d’oiseau bien plus grand que nature
Parmi les autres oiseaux
Mais lui ne fait pas attention,
Il faut savoir être un arbre durant les quatre saisons,
Et regarder, pour mieux se taire,
Ecouter les paroles des hommes et ne jamais répondre,
Il faut savoir être tout entier dans une feuille
Et la voir qui s’envole.
Commenter  J’apprécie          10
La Mer

C'est tout ce que nous aurions voulu faire et n'avons pas fait,
Ce qui a voulu prendre la parole et n'a pas trouvé les mots qu'il fallait,
Tout ce qui nous a quittés sans rien nous dire de son secret,
Ce que nous pouvons toucher et même creuser par le fer sans jamais l'atteindre,
Ce qui est devenu vagues et encore vagues parce qu'il se cherche sans se trouver,
Ce qui est devenu écume pour ne pas mourir tout à fait,
Ce qui est devenu sillage de quelques secondes par goût fondamental de l'éternel,
Ce qui avance dans les profondeurs et ne montera jamais à la surface,
Ce qui avance à la surface et redoute les profondeurs,
Tout cela et bien plus encore,
La mer.
Commenter  J’apprécie          10
Le Hors-Venu

D'où venez-vous ainsi couvert de précipices
Avec plus de ravins que chaîne de montagnes ?
Qui vous approche sent qu'un vertige le gagne
Que, du haut de votre altitude abrupte, il glisse,
Vous qui sortez vivant de la géologie
Comme d'un cauchemar de grottes et de strates,
Allant du rose exsangue au plus pur écarlate,
Dans l’éboulis de vos roches mal assagies.
Venez, asseyez-vous du côté de la plaine
Et regardez monter une lune sereine !
Au sortir de la nuit, buvez ce verre d'eau,
Il fait sourdre la vie et ferme les tombeaux.
Des oiseaux mieux qu'oiseaux émanent des buissons
Pour aller au-devant de leurs claires chansons.
Reconnaissez-vous là les signes et les mythes
De ce qui espérait en vous, dans l'insolite ?
La brise sentez-vous de la métamorphose
Ouvrant la fleur secrète et délaissant la rose ?
Commenter  J’apprécie          10
le portrait


Elle passa comme un parfum de fleur d’automne.
J’espérais la revoir et ne la voyais plus,
Mon cœur était lassé de ne trouver personne,
Mes yeux étaient lassés d’avoir été déçus.

Je me souvins un jour que de notre amour brève,
Il me restait un vieux portrait que je baisais.
Sous les baisers brûlants de larmes arrosés,
L’image s’effaça et s’enfuit comme un rêve.

Et je désespérais quand je vis apparaître
Sur l’image effacée l’azur pur de ses yeux,
Quand je vis la pâleur de ses lèvres renaître
Avec un éclat tendrement mystérieux.

Le souvenir avait refait l’image pure.
Sur le papier vieilli je remis un baiser ;
Ses lèvres vinrent sur les miennes se poser
Et je sentis au cœur une vague brûlure.

//BRUMES DU PASSÉ
Commenter  J’apprécie          10
 
 
Comme un bœuf bavant au labour
le navire s’enfonce dans l’eau pénible,
la vague palpe durement la proue de fer,
éprouve sa force, s’accroche, puis
déchirée,
s’écarte ;
à l’arrière la blessure blanche et bruissante,
déchiquetée par les hélices,
s’étire multipliée
et se referme au loin dans le désert houleux
où l’horizon allonge
ses fines, fines lèvres de sphinx.
Les deux cheminées veillant dans un bavardage de fumée,
le paquebot depuis dix jours
avance vers un horizon monocorde
qui coïncide sans bavures
avec les horizons précédents
et vibre d’un son identique
au choc de mon regard qui se sépare de moi,
comme un goéland du rivage.
(…)

//DÉBARCADÈRES
Commenter  J’apprécie          10
Les germes


Ô nuit frappée de cécité,
Ô toi qui vas cherchant, même à travers le jour,
Les hommes de tes vieilles mains trouées de miracles,
Voici les germes espacés, le pollen vaporeux des mondes,
Voici des germes au long cours qui ont mesuré tout le ciel
Et se posent sur l’herbe
Sans plus de bruit
Que le caprice d’une ombre qui lui traverse l’esprit.
Ils échappèrent fluides au murmure enlisé des mondes
Jusqu’où s’élève la rumeur de nos plus lointaines pensées
Celles d’un homme songeant sous les étoiles écouteuses
Et suscitant en plein ciel une ronce violente
Un chevreau tournant sur soi jusqu’à devenir une étoile.
(…)

//GRAVITATIONS
Commenter  J’apprécie          10
Français en exil


Sous l’exsangue naseau d’un veau glabre qu’en vain
Un espiègle persil aux pointes acérées
Raille, près de l’étal où dort le noir boudin,
Pacifique boa des zones tempérées,

Le charcutier Ducasse, une rose à la main,
Le gilet bedonnant, la face mouchetée,
La joue en galantine, et le nez cuit de vin,
Semble assis, à sa porte, une pièce montée.

C’est Dimanche ; il regarde en des flots incessants,
Vaguement, la marée obscure des passants,
Et fume, à petits coupes une pipe de terre.

Sur son énorme tête, il porte l’air gaillard,
Ainsi qu’une omelette une tranche de lard,
Un panama courtaud, mais à la mousquetaire !…

POÈMES// LE GOYAVIER AUTHENTIQUE
Commenter  J’apprécie          11
J'ignore le repos que connaissent les hommes et même mon sommeil est dévoré de ciel
Commenter  J’apprécie          10






    Lecteurs (61) Voir plus



    Quiz Voir plus

    Les titres de Jules Supervielle

    Comment sont les amis ?

    méconnus
    inconnus
    reconnus
    nus

    9 questions
    14 lecteurs ont répondu
    Thème : Jules SupervielleCréer un quiz sur ce livre

    {* *}