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EAN : 9782362292828
80 pages
Editions Bruno Doucey (05/03/2020)
4.27/5   30 notes
Résumé :
Aide à la personne, soin, accueil, éducation... Prise en charge du corps de l'autre, des besoins de l'autre. Entretien des bureaux, des maisons, des écoles. Des femmes au travail. Ces textes ont été écrits comme des instantanés photos. Ici et maintenant.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Dans ce recueil, l'autrice Fabienne Swiatly met sa voix au service des femmes « au service » : caissière, ouvrière, agent de nettoyage, de sécurité, d'accueil, aide-soignante, maîtresse d'école, mère au foyer, secrétaire, coiffeuse, serveuse... Toutes femmes appartenant au monde du travail, comme on dit, vues, entendues, rencontrées dans l'exercice de leur métier, sans que ce dernier soit clairement nommé sauf à de rares exceptions. Des invisibles silencieuses en somme, que l'auteur prend le temps de regarder de son oeil photographique qui sait capter les détails, les gestes révélateurs, à qui elle donne la parole en restituant leurs propos, tels quels, comme si elles étaient enregistrées sur place.
Ces « fragments de vie », mininouvelles, poèmes en prose, portraits en action, « cadrés serré », d'une dizaine de lignes au plus, révèlent une écriture affûtée, concise, au plus près du réel, sans jugement, ni pathos ni misérabilisme. L'auteur prend soin en effet de laisser la place à l'imaginaire du lecteur : à lui de compléter « le hors-champ » de la scène photographiée, d'y projeter ses sentiments, ses réflexions, son propre vécu. Si certains portraits sont en effet plus flous que d'autres, c'est que Fabienne Swiatly n'impose pas, elle montre. Là est la force de son écriture, toute de simplicité maîtrisée, de sobriété, à l'image de ces femmes dont elle fixe la vie dans des « instantanés » écrits « ici et maintenant ». Son regard est juste, circonstancié. Rien de fictionnel dans son propos mais la réalité du monde tel qu'il est. le partage, l'identification n'en sont que plus grands.
Ces femmes « au service » nous sont présentées le plus souvent à travers un filtre ou un élément de leur vie, écran, vitre, étal, meuble, talkie-walkie, mèche de cheveux… l'auteur restant en retrait, dans une attitude journalistique (Fabienne Swiatly a été journaliste et ça se sent).

La serpillière gris clair poursuit son chemin mouillé derrière le chariot double plateau qui attend : pelle, balayette, torchons, éponges, raclettes et détergents bleus. le tablier est noué lâche autour de son corps caché par une longue robe brune. Elle pousse le manche du balai, tête baissée, tête voilée. Pas un regard vers le public, de l'autre côté de la vitre, qui écoute de la poésie.

On lit, on relit les textes, on voit ces courageuses du quotidien, simples, travailleuses, on les connaît toutes finalement, tant elles font partie de nos vies, nous ressemblent par bien des côtés. Faibles rémunérations, conditions de travail difficiles, reconnaissance souvent absente… dans nos sociétés faussement égalitaires certaines professions leur sont exclusivement réservées. Pourtant ces femmes au service des autres aiment leur métier avec ses difficultés, ses aléas, ses contraintes. Différentes, plus fragiles ou plus fortes, elles inspirent toutes le respect, de la menuisière à la prostituée. On ne peut en ce sens que saluer le regard profondément humaniste et bienveillant porté sur ces femmes par une autre femme, qui sait de quoi elle parle. On aime la fibre profondément sociale de l'auteur, fille d'ouvrier elle-même, qui a exercé par le passé certains des métiers évoqués dans le recueil.

D'une voix portée par un souffle profond, elle exige d'un chef de chantier qu'il retire les photos accrochées sur les murs de l'atelier. Femmes dénudées et entrouvertes qui offrent au regard ce qui se cache d'habitude, avec ou sans épilation. Menuisière débutante qui s'impose à toute une équipe d'hommes. Il a rougi avant de répondre OK, comme si elle désignait une salissure sur son pantalon.

Avec Fabienne Swiatly, le peu dit beaucoup, le peu interroge. Chacun de ses textes se termine par une chute percutante, surprenante, qui remue, questionne ou indigne. Fait réfléchir. Un recueil donc à lire, relire, méditer, aimer, partager car il permet de regarder le monde d'un autre oeil et de garder confiance en la vie. N'est-ce pas ce qu'on peut attendre de la poésie ?
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Recueil de poésie du quotidien, poésie en prose.

Hommage à ces femmes de l'ombre, ces invisibles du quotidien pourtant si indispensables à la société.
Qui sont-elles, toutes ces femmes ? Caissières, secrétaires médicales, femmes de ménage, surveillantes, auxiliaires de vie et AVS, ATSEM, vendeuses, coiffeuses, et même prostituées, entre autres.
Travailleuses pauvres souvent méprisées, elles sont pourtant au service de la société et apportent leur contribution sociale et économique.
La période COVID nous a fait en applaudir certaines à 20h, et prendre conscience de leur importance.
A toutes ces oubliées, ces femmes en nombre victimes de la précarité, du monde du travail plus cruel avec les femmes qu'avec les hommes, Fabienne Swiatly a réussi brillamment et sans fioritures à, pour une fois, les mettre en lumière comme elles le méritent.
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Une poésie qui retient la leçon du " Joujou du pauvre " de Baudelaire, une poésie capable d'évoquer la réalité sans fard et qui nous touche au plus vif ? Oui, cela existe encore... le dernier recueil de Fabienne Swiatly, « Elles sont au service » (Editions Bruno Doucey, mars 2020) trouve pleinement sa place dans l'actualité, et doublement, triplement, quadruplement (ça se dit ça ?) peut-être, puisqu'il y est question de femmes, souvent victimes de mépris et d'exploitation, de femmes au travail et, surtout, « au service », donc asservies, de femmes soignantes (et l'on sait leur nombre et toute l'importance de leur rôle dans les équipes de soins face à l'actuelle épidémie de Coronavirus), de femmes courageuses enfin (et le Printemps des Poètes 2020, franchement occulté par le bruit médiatique du moment, devait célébrer, justement, cette vertu sociale, le courage !). Derrière cette couverture d'un délicat rose bonbon (couleur Malabar d'antan, vous savez), la bouchée est parfois brutale, la saveur amère. Une soixantaine de courts textes d'une prose poétique dépouillée, comme taillée au couteau, marquée par un refus radical de la fioriture, comme autant de portraits de ces anti-héroïnes de la machine économique, ces servantes de l'ombre, brusquement révélées malgré elles, leur générosité et leurs failles prises dans le faisceau de l'écriture. Chaque mot, là, porte son poids de lucidité, chaque détail anime une émotion, et l'on retrouve dans ce livre la poésie politique de Fabienne Swiatly, l'acuité du regard engagé qu'elle porte sur notre société, la cohérence et l'exigence d'une pratique littéraire qui nous avait déjà séduits dans tous ses précédents ouvrages. Mais, pour mieux convaincre, laissons-lui la parole, avec la citation de deux de ces portraits-vignettes, en vis-à-vis, p.56-57 :
« Elle s'assoit sur le lit des patients comme elle s'assoit sur le protocole, elle ne vient pas soigner des chiffres mais des personnes. Une robe de couleur vive sous la blouse blanche, un badge avec le nom écrit petit dessus, ça brille. Son corps va à la rencontre de l'autre corps qui est vieux avant d'être malade. Ses doigts touchent la peau aux veines saillantes, rétrécie jusqu'à l'os. Une main ne peut pas toujours avancer gantée. »
« Auxiliaire de vie c'est son métier. Une grande fierté à l'écrire sur les formulaires administratifs ou sur le carnet des enfants. Service à la personne. Depuis vingt ans déjà et un certificat d'aptitude obtenu en début d'année, son premier diplôme. S'occuper des personnes âgées c'est un choix depuis toujours. Alors un vrai coup de massue quand le vieux monsieur, la voyant pour la première fois, a bégayé : Pas de Noire chez moi. »
Alors ? Ça laisse, comme dirait Bertrand Belin, un autre magnifique poète, « sur le cul », non ?
Lien : https://www.librairielafonta..
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Des petits textes, quelques lignes pour s'arrêter quelques minutes sur ces femmes qu'on croise parfois sans les voir vraiment ou même sans les regarder. Dans ce recueil Fabienne Swiatly, comme la photographe qu'elle est, déplace la focale pour mettre en évidence ces petits métiers que d'aucun jugent insignifiants voire inutiles mais qui dans l'actualité brûlante de ces dernières semaines (mars 2020) montrent toute leur importance. Un travail pour rendre leur juste place à ses femmes souvent invisibles, parfois même privée de voix dans notre société mais sans qui rien ne se ferait. A lire absolument !
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Tout d'abord un grand merci à Babelio et aux éditions Bruno Doucey pour la découverte de ce recueil de poésies.
Un recueil comme un album photos où l' on découvre un instantané de vie de toutes ces femmes (et oui ce sont très souvent des femmes dans les emplois de service!!), ces femmes aux services des autres, ces héroïnes du quotidien, quelles soient infirmières, femmes de ménages, maman au foyer,....
Une succession de textes courts emplis de poésie,de sensibilité, de révolte, de soumission (pour certaines).... Des textes pour dénoncer, pour montrer, pour rendre hommage.... Un recueil dans l'air du temps.
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Citations et extraits (24) Voir plus Ajouter une citation
INSTANTANÉS DE VIE…


Extrait 3
[…]

Sabots blancs qui adhèrent au caoutchouc du sol,
elle fait voyager le résident tassé dans une chaise
roulante. Elle l’emporte jusqu’à la salle commune
où le téléviseur a bien du mal  à fixer les regards
malgré le rictus blanc émail du présentateur.  Elle
viendra le chercher à l’heure des visites,  en atten-
dant il s’endort et le présentateur s’agite pour rien.
De ses mains libres, elle frictionne son bas du dos
puis l’arrière de sa nuque. Le pastel des murs est
une absence de couleur.
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À la pause de midi, elle emporte dans sa Twingo vert métallisé, du thé, du café et des chocolats pour les jeunes femmes venues de l'Est qui commercent leur corps derrière le dépôt de bus de la zone d'activité. De son bureau, elles les voient s'ennuyer ou combattre le froid en attendant le client. L'envie de les rencontrer.
Regina Strazii est le surnom roumain qu'elles lui ont donné. Reine de la rue. A chacun ses titres de noblesse.
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À la sortie de l'atelier mécanique, elle dispose de livres et de DVD sur une table pliante devant laquelle se croisent ceux qui embauchent et ceux qui débauchent. 13 heures pile – changement d'équipe. On se serre la main entre ouvriers et à elle aussi car on la connaît depuis longtemps. Certains s'arrêtent et lui demandent si elle a pensé au livre commandé. Elle est fière de pouvoir tendre l'objet désiré. Aux collègues de la bibliothèque, elle avoue rêveuse : qu'est-ce que je les aime mes gars de l’usine !
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INSTANTANÉS DE VIE…


Extrait 2

Deux éditeurs, deux écrivains, un président d’association
et le journaliste qui distribue le temps de parole. Six peti-
tes bouteilles d’eau minérale et leurs verres en plastique
attendent sur la table basse. Dans le public une majorité
de femmes venues parler de littérature, pas rancunières
de se voir si peu représentées sur scène. L’une dit à sa
voisine qu’il faudrait,  d’un même élan, quitter la salle
et laisser ces messieurs entre eux.  Chut ! lui répond
celle-ci, j’écoute.
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Service public ! Elle répond aux usagers qui râlent de devoir partager les toilettes avec des migrants. Sur une feuille format A3 elle traduit les mots de bienvenue en une dizaine de langues. Certains jours, elle réveille son anglais avec de jeunes Afghans qui sans cesse la questionnent. Ensemble, du bout des doigts, sur le papier glacé de l'atlas, ils remontent les routes, traversent les mers, sautent les frontières. Récit plus précieux que n'importe quel livre emprunté.

p. 30.
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Videos de Fabienne Swiatly (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Fabienne Swiatly
Avec Marc Alexandre Oho Bambe, Nassuf Djailani, Olivier Adam, Bruno Doucey, Laura Lutard, Katerina Apostolopoulou, Sofía Karámpali Farhat & Murielle Szac Accompagnés de Caroline Benz au piano
Prononcez le mot Frontières et vous aurez aussitôt deux types de représentations à l'esprit. La première renvoie à l'image des postes de douane, des bornes, des murs, des barbelés, des lignes de séparation entre États que l'on traverse parfois au risque de sa vie. L'autre nous entraîne dans la géographie symbolique de l'existence humaine : frontières entre les vivants et les morts, entre réel et imaginaire, entre soi et l'autre, sans oublier ces seuils que l'on franchit jusqu'à son dernier souffle. La poésie n'est pas étrangère à tout cela. Qu'elle naisse des conflits frontaliers, en Ukraine ou ailleurs, ou explore les confins de l'âme humaine, elle sait tenir ensemble ce qui divise. Géopolitique et géopoétique se mêlent dans cette anthologie où cent douze poètes, hommes et femmes en équilibre sur la ligne de partage des nombres, franchissent les frontières leurs papiers à la main.
112 poètes parmi lesquels :
Chawki Abdelamir, Olivier Adam, Maram al-Masri, Katerina Apostolopoulou, Margaret Atwood, Nawel Ben Kraïem, Tanella Boni, Katia Bouchoueva, Giorgio Caproni, Marianne Catzaras, Roja Chamankar, Mah Chong-gi, Laetitia Cuvelier, Louis-Philippe Dalembert, Najwan Darwish, Flora Aurima Devatine, Estelle Dumortier, Mireille Fargier-Caruso, Sabine Huynh, Imasango, Charles Juliet, Sofía Karámpali Farhat, Aurélia Lassaque, Bernard Lavilliers, Perrine le Querrec, Laura Lutard, Yvon le Men, Jidi Majia, Anna Malihon, Hala Mohammad, James Noël, Marc Alexandre Oho Bambe, Marie Pavlenko, Paola Pigani, Florentine Rey, Yannis Ritsos, Sapho, Jean-Pierre Siméon, Pierre Soletti, Fabienne Swiatly, Murielle Szac, Laura Tirandaz, André Velter, Anne Waldman, Eom Won-tae, Lubov Yakymtchouk, Ella Yevtouchenko…
« Suis-je vraiment immortelle, le soleil s'en soucie-t-il, lorsque tu partiras me rendras-tu les mots ? Ne te dérobe pas, ne me fais pas croire que tu ne partiras pas : dans l'histoire tu pars, et l'histoire est sans pitié. »
Circé – Poèmes d'argile , par Margaret Atwood
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