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Marc Mécréant (Traducteur)Yasunari Kawabata (Préfacier, etc.)
EAN : 9782877308205
731 pages
Editions Picquier (27/01/2006)
3.75/5   28 notes
Résumé :
Salué par Mishima et Kawabata dès sa parution, Haut le cœur est le chef d'œuvre de Takami Jun (1907-1965), son testament littéraire puisé au plus profond de son expérience personnelle et composé quelques années avant sa mort. Roman du Japon dans les années 1922-1937, a l'époque de l'aventure militaire contre la Chine, des complots intérieurs, des assassinats et des purges, c'est aussi celui de Kashiha, le narrateur, dans les bas-fonds de Tôkyô, Séoul ou Shanghai, où... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Iya na Kanji
Traduction : Marc Mécréant

Ce roman, qui enthousiasma, paraît-il, Mishima et Kawabata, m'a beaucoup déçue. J'ai même failli l'abandonner à sa moitié, c'est tout dire. Mais je me suis reprise et je l'ai achevé hier au soir.
En dépit de tous mes efforts, je ne suis pas parvenue à éprouver ne fût-ce qu'une ombre de sympathie ou, à défaut, d'admiration, pour son narrateur, Kashiba Shirô. Un personnage du livre lui dit, sur la fin, qu'il n'est ni un brave type, ni une canaille et qu'il est seulement un anarchiste, et le manque absolu d'empathie qui a été le mien à la lecture de ses aventures dans le Japon des années 1925/1936 vient peut-être de là, je l'avoue.
Chez Kashiba, il n'y a qu'une seule flamme : détruire, détruire, et encore détruire. Certes, il évoque de temps à autre - et de façon très vague - la reconstruction qui suivra mais ... on n'y croit pas une minute.
Kashiba semble avoir eu un rapport au Père assez ambigu et sa haine de l'autorité trouve vraisemblablement sa source là-dedans. Mais il n'y a en lui - en tous cas, telle est mon impression - nul panache, nulle noblesse. On sent bien la jouissance qui est sienne lorsqu'il traîne avec de petites frappes plus ou moins obtuses et lorsqu'il se place dans des situations impossibles. Pendant près de 750 pages, il ne songe qu'à tuer : un malheureux chien errant, tel ou tel homme politique ou militaire, un parfait inconnu même, rien que pour prouver qu'il est capable du passage à l'acte ...
En outre, le déséquilibre est flagrant entre le ton littéraire, très soigné, que l'auteur choisit pour nous dépeindre la situation historique à cette époque - période de très grande agitation au Japon - et le recours systématique, dans les dialogues, à l'argot. Peut-être la chose passe-t-elle mieux en japonais mais, en français - et malgré le soin apporté par Marc Mécréant à sa traduction - cela gêne terriblement.
Et puis, si l'intrigue est complexe, ce qui peut être un avantage, elle perd tout intérêt dès lors qu'elle est présentée de façon extrêmement brouillonne. (Un index des noms japonais serait sans doute le bienvenu à la fin du volume.) Or, Takami Jun ne donne nullement l'impression de maîtriser son histoire mais d'en placer les morceaux, un peu au petit bonheur, de façon très maladroite et presque grossière, par-ci, par-là.
En gros, "Haut le Coeur" - dont Mishima soulignait avec raison l'ambiguïté du titre - conte l'itinéraire sentimental et idéologique d'un jeune anarchiste dans le Japon des années 20/30. Fils d'un fondeur, il s'est laissé gagner, au lycée, par les théories d'Osugi Sakae.
Pour lui, la société est pourrie et il faut la dynamiter. Pour ce faire, comme beaucoup de ses amis anarchistes, il ira jusqu'à s'allier aux militaires - on constate une fois de plus combien les extrêmes peuvent se rapprocher. le tout sur fond de magouilles en Mandchourie (son meilleur ami, Sunama, devient un caïd de l'opium) et de trafics divers aussi bien en Corée qu'au Japon. Par la force des choses, le lecteur est entraîné, à la suite de son "héros", dans le monde de la pègre et de la prostitution. Mais, là non plus, on ne croise cette lueur crépusculaire qui, chez les grands écrivains, fait toute la beauté de ces univers.
Et c'est bien dommage car, si on a le courage d'aller jusqu'à la fin de "Haut le coeur", on voit bien que ce roman présente quand même beaucoup d'intérêt - notamment historique. C'est le traitement qui pèche - et de façon irrémédiable. A moins que, en apprenant le japonais ... ;o)
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Je viens enfin de terminer ce long roman en lisant les derniers chapitres le plus souvent en diagonale, je l'avoue.
On y suit les tribulations et déboires de Kashiba, un jeune malfrat des bas-fonds de Tokyo. Ses périgrinations nous mèneront jusqu'en Hokkaido et pour finir à Shanghai. L'action se déroule dans les années 30, sur fond de quasi guerre civile. Les anarchistes et communistes s'opposant à la montée des militaires au pouvoir. Les coups d'état se succèdent et la démocratie n'en a plus pour très longtemps.
On apprend beaucoup de choses sur l'histoire peu connue de cette période mais le récit a tendance à s'embourber dans des considérations plus ou moins rocambolesques dont on se passerait bien.
Beaucoup de violences, de sang, de cruautés émaillent le récit. L'apothéose se situant à Shanghai dans la dernière partie où les règlements de compte et les morts se succèdent dans les tripots et les bordels.
je reconnais qu'il s'agit d'un monument de la littérature japonaise mais je n'ai malheureusement pas complètement adhéré.
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Ecrit à la première personne, c'est le récit de Kashiba, un anarchiste, plus ou moins reconverti en truand. L'action se déroule entre 1922-1937, dans une période très trouble. Agitation de gauche, violemment réprimée, agitation militaire de droite, moins violemment réprimée, enfin jusqu'à un certain moment, guerre en Chine, occupation de la Corée, le cocktail est explosif. Notre personnage tente de trouver sa route, dans un monde de plus en plus violent, noir, glauque, dans lequel la loi du plus fort devient de plus en plus la règle. Ses velléités idéalistes sont vite balayées par une fascination de la violence, et de toute façon aucune issue vraiment satisfaisantes ne s'offre à lui à aucun moment.

Quelle claque que ce livre. Noir, sombre, désespéré, mais en même temps l'écriture met à distance, un humour certes glacé mais présent à chaque instant, en fait presque par moment une sorte de bande dessinée surréaliste. Il ne passe rien à ses compatriotes Takami, leur racisme, nationalisme, mépris des autres et d'eux-mêmes, le culte des puissants, de l'argent, leur aveuglement. Mais il ne se passe pas non plus grand-chose à lui-même, si on veut voir dans Kashiba un personnage inspiré sa personne : gauchiste, poète, il y a quelques ressemblances. Takami a un lien de parenté avec Kafu, et Haut le coeur commence par le monde de la prostitution et des geishas, il est intéressant d'observer à quel point c'est vraiment très différent des livres de son illustre parent : d'un réalisme cru, mais jamais gratuit.

Il faut avoir le coeur solidement accroché pour lire ce roman, et être prêt à voir les aspects parmi les moins reluisants de la nature humaine, mais si on accroche à cet univers désespéré on est saisi par une sorte de poésie de la noirceur et du vide. Et l'écriture est à la hauteur du projet de Takami, décalée, déjantée, mais en même temps tellement juste pour cette histoire là, et complètement maîtrisée.

Une expérience intense, mais à réserver à ceux dont le solide estomac supporte les nourritures (ou boissons) vraiment costauds.
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Haut-le-coeur est le récit d'un écroulement; sociétal, intellectuel, par quelqu'un qui l'a vécu de l'intérieur. Comment le Japon dans le courant des années vingt et trente du XXème siècle bascula dans le fascisme et un régime militarisé à l'extrême; comment le mouvement d'émancipation avec la naissance d'une conscience individuelle fut réduit à néant. Comment la création dans les univers du cinéma, de la littérature dut bientôt faire silence pour laisser la place exclusive aux discours patriotiques. Les amateurs d'un Japon "cool", poétique et convivial seront donc désagréablement surpris; car voilà qui fait sérieusement tâche sur le paysage. Ceux qui cherchent à acquérir une connaissance sérieuse de ce pays y trouveront par contre les pièces qui manquaient dans le puzzle. Témoignage d'autant plus rare que la société japonaise a une fâcheuse tendance à s'enfermer dans le déni s'agissant des épisodes peu glorieux de son histoire.
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Fastidieux.
Ce roman conte les aventure d'un anarchiste, du moins se présente-t-il ainsi car il n'est nulle par fait mention de réflexion théorique sur une future organisation sociale et politique - ce semble donc être plus une posture qu'une adhésion réelle et argumentée.
D'autant que ce jeune Japonais finit par s'allier avec des cadres de l'armée japonaise afin de participer à d'éventuels coups d'état - lesquels d'ailleurs échoueront tous.
Nous sommes en effet dans l'entre deux guerres (1922-1937), période confuse sur le plan politique au Japon où se succèdent les coups d'état et les assassinats avant la main mise de l'armée sur le pouvoir.
Le jeune héros qui est en même temps le narrateur éprouve une attirance pour le meurtre et l'attentat sans qu'il ne réussisse à l'expliquer. attirance qui ira plusieurs fois jusqu'à sa pratique.
On se perd un peu dans les multiples personnages qui apparaissent puis reparaissent 300 pages plus loin par le plus grand des hasards.
Entre violence et sexe, ce personnage semble errer, passer d'une femme à une autre, et ne suscite vraiment aucune empathie.
Enfin les considérations de l'auteur sur la langue et les différents parlers provinciaux ou argotiques sont difficilement traduisibles malgré les tentatives du traducteur.
Tout cela donne plutôt envie de se tourner vers un livre d'histoire du Japon afin de mieux connaître cette période trouble.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Nous prîmes une ruelle sur notre droite. "Ce coin-là est de tout premier ordre" me dit Sunama. "Toutes les poupées sont de vraies perles, on peut le dire. De l'autre côté, là, à gauche, c'est pas cher, mais ça vaut moins que rien". Ce jour-là nous étions en fonds - des fonds "conquis de haute lutte". Dans les secteurs "chics", les filles ne sortent pas dans la rue; elles n'y viennent pas tenacement faire la retape du client. C'est toujours, bien sûr, la zone interlope; mais au sein même de cette zone, on est dans un secteur différent. Des phrases comme : "Va pas là avec un chapeau mou, les filles ont si vite fait de vous l'attraper!" ou encore : "J'ai été forcé d'entrer, parce qu'une fille m'avait fait les poches et chipé mon stylo" n'ont pas leur emploi, s'agissant de ces endroits là. Les maisons y ont " de la tenue", selon les propres termes de Sunama. "S'il vous plaît, monsieur..." tel est, à l'adresse des hommes qui passent, le seul genre d'appel venu d'une lucarne où ne se laisse voir qu'un visage.
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Au milieu d'un restant de bouillon, nageaient des mégots de cigarettes. Non seulement, l'enveloppe de papier ayant craqué, l'intérieur, tout gonflé de liquide, se répandait de la façon la plus répugnante, mais on voyait aussi des boules de cheveux agglutinés aux brins de tabac. Tant d'affreuses saletés me fit faire la grimace, mais me gourmandant moi-même aussitôt : "Allons ! me dis-je, c'est bien comme ça... C'est même ça qui est bien." Quand on était - comme je l'étais - plongé dans l'ordure jusqu'au cou, on n'avait pas le droit, décemment , de crier à la malpropreté. C'était moi qui l'étais, sale - et comment !
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Quelques années auparavant, un de nos camarades anarchistes avait descendu l'avenue de Ginza en cassant l'une après l'autre toutes les vitrines des magasins : sa colère contre l'"ordre" social avait pris d'un seul coup cette forme explosive. Bien entendu, la police l'avait arrêté et les flics l'avaient si durement passé à tabac que le malheureux avait eu un oeil à moitié crevé.
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[...] ... Au cours de ma quatrième année de lycée me tombèrent entre les mains les livres d’ Ōsugi Sakae. L’homme passait pour terrifiant ; ses ouvrages aussi : c’est cette réputation même qui me séduisit et m’amena à le lire. Prétendre carrément que je n’éprouvai pas une sorte d’effroi serait mentir ; mais ce qui compte, c’est le choc , l’émotion dont je fus bouleversé devant une si évidente et terrible vérité. ... [...]
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En bordure de la chaussée s'alignaient des boutiques de plein vent, comme une rangée de poux cramponnés au creux d'une couture. Chacune d'elles était entourée d'une bâche faite de pièces et de morceaux. La rue devait être exposée aux bourrasques de vent glacé, car, pour lester ces toiles qui avaient tout du cache-misère, on avait placé au bas des grosses pierres ficelées avec des cordes de chanvre rappelant celles dont on ligote les prisonniers. Entre deux éventaires montait en silence une fumée : des boyau de porc qu'on faisait griller.
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