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EAN : 9791090062603
96 pages
Editions iXe (26/02/2021)
4.14/5   18 notes
Résumé :
Née en 1905 dans un Japon en pleine mutation, Hirabayashi Taiko rompt très tôt avec sa famille pour s'engager dans le mouvement anarchiste. Publiée en 1927, la nouvelle "Dérision" lui vaut un prix littéraire et l'inscrit d'emblée dans le courant de la "littérature prolétarienne, tendance féministe" . Dans le style incisif qui la caractérise, Hirabayashi Taiko décrit la vie de misère des jeunes anarchistes et la cruauté de la misogynie.
Son oeuvre toute entièr... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Dérision est un court recueil de 3 nouvelles.
Je remercie Babelio et les éditions iXe pour l'envoi de ces textes qui m'avaient tapé dans l'oeil en janvier au point que je n'avais sélectionné que ce recueil.

L'auteure tout d'abord est UNE auteurE japonaise née en 1905, morte en 1972.
J'ai lu le recueil avant le prologue rédigé par la traductrice (j'ai parfois peur de révélations malvenues). Cette erreur n'est pas faite ici. En revanche lire ce prologue est indispensable : j'ai ainsi pu comprendre la mention "autofiction" qui figure sur la couverture. "Autofiction" genre à la mode ici et à notre époque. Et pratiqué par Hirabayahi Taiko dans ces 3 nouvelles. Toutes trois sont en fait des moments de sa vie. Racontés avec précision, sans concession pour elle.
Dérision qui donne le titre au livre insiste sur l'absence d'égalité homme-femme même dans le milieu d'extrême gauche. J'ai peur que ça n'ait pas bcp changé...
Ma préférée, la deuxième nouvelle "A l'hospice" où on suit une future maman devenue ensuite jeune accouchée avec sa petite fille, toutes deux atteintes du béribéri. J'ai aimé le rendu des corps, les descriptions physiques, en dépit de la dureté de l'histoire.
La dernière parle de l'adoption mais surtout du corps des femmes et de l'ignorance qu'ont les femmes de leur corps en général, de leur intimité en particulier. Un sujet très moderne et tjrs d'actualité !

3 récits féministes, les 2 premiers touchant aussi à la pauvreté.
Une belle découverte !
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Belle et singulière initiative pour les éditions Ixe de faire traduire des nouvelles d'une autrice japonaise Hirabayashi Taiko (1905-1972). Une rencontre avec une traductrice, en l'occurrence Pascale Doderisse ?, ou le souhait de faire découvrir des femmes rebelles de tous pays ?, ou d'autres raisons encore ? ont provoqué cette publication… Soulignons que les textes sont accompagnés d'une instructive présentation de la traductrice. Par contre, sur la couverture, est écrit Autofictions. Choix qui interroge, puisqu'il est aussi indiqué textes. Or, ce sont bien trois nouvelles qui nous sont données à lire. Des récits dont le matériau est largement autobiographique, mais qui sont bien des textes littéraires. La condition féminine sera au coeur de ces récits.
Les deux premières nouvelles datent des années vingt, période où Hirabayashi Taiko est très active dans les milieux militants anarchistes. Ce contexte se retrouve dans les récits : la narratrice, dans « Dérision », compagne d'un homme ayant rompu avec le militantisme, fréquente les cercles anarchistes, et dans « A l'hospice » elle est la compagne d'un activiste arrêté suite à un projet d'attentat . La dernière, « Kishimojin », a été écrite après la capitulation et reprend le terme de la maternité déjà évoquée dans « A l'hospice ».
La première des nouvelles nous est racontée par une femme qui avec ironie et lucidité décrit sa vie. Désabusée (« comment vivre cette journée en se réjouissant de quelque chose ? ») par son couple et les hommes en général indifférents au sort des femmes (« je m'étais usée à en perdre toute fraîcheur d'esprit à chercher un homme conforme à mes idéaux »), sans le sou son compagnon et elle se résolvent parfois à voler (des pousses de bambou dans un jardin du voisinage), à mettre des objets au clou ou d'aller à des dons offerts par une société soutenant les anarchistes. Mais le plus souvent c'est elle qui se sacrifie, allant voir un ancien amant pour demander un peu d'argent, qu'elle obtient après avoir passée la nuit avec lui. A la solidarité qu'elle espérerait se substitue une forme de domination : ses compagnons finalement profitent d'elle et se font entretenir ; elle ne reçoit que mépris, et cette précarité, l'aspect misérable qu'elle lui impose, la fait se dénigrer et se sentir laide. L'auteur évoque souvent son corps, ce qu'on ne faisait pas à l'époque. Ce corps, il en est encore question dans « A l'hospice », où la narratrice parce qu'elle est enceinte est placée dans un dispensaire et ce avant son incarcération prévue pour complicité dans un acte terroriste organisé en soutien à des ouvriers d'usine. Ce dispensaire n'est guère reluisant, si peu humain, on y économise tout sur le dos des patientes. Souffrante du béribéri, désemparée (« l'idée que je devrais me résoudre à donner mon lait contaminé au bébé traversa comme une froide bourrasque mon coeur abattu »), elle attend, puis donne naissance à un enfant, réfléchissant à sa condition.
La troisième nouvelle, publiée – en 1946- quasi vingt ans après les deux textes déjà mentionnés, se distingue par la maturité que l'on sent de manière évidente chez l'auteur et chez la narratrice, Keiko, femme de quarante ans qui découvre la maternité, « une page blanche » pour elle, après l'adoption d'une jeune enfant. Ce n'est plus une jeune femme naïve, idéaliste (« tu as vécu une vie de femme riche de nombreuses expériences. Maintenant, avec la même énergie, creuse, donne à ta vie de la profondeur »), et elle apprend mi-amusée mi-effrayée l'amour maternel, elle qui ne connaissait que « la seule présence physique » de son mari, et découvre aussi en faisant la toilette intime de la fillette, le corps des femmes et de l'oppression qu'il subit.
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DERISION
Je voudrais exprimer ma gratitude envers Babelio et l'opération Masse Critique pour l'envoi du livre « Dérision ».
Ce cadeau m'a permis de découvrir une maison d'édition, iXe ( l'inconnue de l'équation). Curieuse , je suis allée sur leur site Internet :
iXe a un slogan : « Des idées féministes par le texte »,
iXe opte pour l'utilisation du féminin générique, 
iXe valorise la règle de proximité,
iXe promeut le recours à l'écriture inclusive,
iXe a lancé la campagne « Fières de nos talents et des mots qui le disent». Insérée entre les pages de mon livre , il y avait une carte postale faite de mots enchevêtrés tels que plombière, notairesse, soldate, pompière , etc .
C'était un bonus de découvrir cette maison d'édition à la ligne éditoriale féministe contemporaine.
Le livre sortait tout juste de l'imprimerie. C'est un livre de petit format en papier bouffant très agréable au toucher.
En première partie, la traductrice fait une présentation de l'autrice. .

Les deux premières nouvelles du livre évoquent des tranches de vie d'une jeune japonaise anarchiste féminisme dans les année 1920. le récit est fait à partir de son discours intérieur, ce qui offre une proximité sans filtre avec l'intime. Ses ressentis, émotions, sensations mettent en scène les misères physiques, sociales et affectives qui façonnent sa vie . C'est à la fois violent, doux, âpre , poignant, drôle. Je ne sais pas si la traduction représentait un grand défi mais le résultat est bluffant. Les textes sont très sensoriels, harmonieux, poétiques.

La troisième nouvelle est postérieure. Son titre est «Kishimojin ». Kishimojin est la déesse des enfants. Au cours de la toilette de son enfant adoptive , une jeune femme laisse libre cours à ses pensées et ses émotions. A travers la description du corps de l'enfant qu'elle compare à des fruits , des fleurs , elle véhicule son ressenti et son envie de faire «  à sa manière » tout en connaissant les attentes sociétales de l'éducation. Elle évoque aussi sa relation avec son mari, et la place de l'enfant nouvellement arrivée au sein du couple. La poésie du texte repose sur l'art d'exprimer les émotions , c'est puissant et magnifique .

Sur la quatrième de couverture , il est écrit qu' un seul des textes d'Hirabayashi Taiko est accessible en français , hormis « Dérision ».
J'implore iXe éditions et Madame Pascale Doderisse pour que cela change...





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rois récits d'inspiration autobiographique s'inscrivant dans la mouvance de la littérature prolétarienne japonaise que j'ai découvert ici. La préface de Pascale Doderisse qui est aussi la traductrice permet de bien comprendre la place de celle-ci.
.
Ces textes sont d'une réalité cruelle, d'une authenticité tragique centrée notamment sur la condition féminine à divers moments d'une vie.

L'écriture y est incroyablement moderne, toute à la fois crue et poétique. L'introspection physique est étonnante, le corps semblant presque être un personnage à part entière ..

Difficile d'en dire plus sans trop en dévoiler, c'est une expérience littéraire que je ne peux que conseiller. Chaque page pourrait donner lieu à une citation ici ..
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Une excursion brutale et brillante dans les luttes socialistes et féministes d'un Japon du siècle dernier. Ces trois récits se lisent assez vite, la prose est compact mais elle est aussi souvent riante, légère, moqueuse.

J'aimerais en lire plus de cette autrice.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Son visage était celui d'un vieil homme...Je me sentis misérable jusqu'au fond des tripes, tandis que j'observais Yada qui, après avoir refermé le livre en anglais sur son bureau, s'asseyait, mal à l'aise, de l'autre côté du meuble. Mais comment avais-je jamais pu devenir l'amante d'un homme pareil ? Néanmoins, je continuais à guetter si fort le moment d'aborder la question de l'argent que je sentais une tension au niveau des sourcils.
Yada me proposa d'assister dans la soirée à une représentation de théâtre expérimental que donnaient des amis.
"Y aller, oui...Enfin, pourquoi pas..."
Mes tergiversations au sujet de l'argent transparaissaient jusque dans mes mots. Sans se soucier de mes états d'âme, Yada avait sorti d'une malle un kimono léger qui puait la naphtaline et qu'il essayait devant son miroir, la mine satisfaite.
Sentant que je n'avais guère le choix, je me résolus à l'accompagner de nouveau.
"Comment se fait-il...? murmurai-je en cherchant autour de moi mes socques qui n'étaient plus dans l'entrée.
- Je pensais que vous restiez cette nuit, je les ai rangées avec celles de M. Yada", lança au loin la propriétaire de sa voix haut perchée.
Je n'avais pas remarqué la petite fenêtre ménagée dans la porte coulissante de la pièce du fond, derrière laquelle elle m'observait. Mes geta sales, taillées dans un seul bloc, étaient posées, à l'envers, sur celles de Yada. Un frisson me parcourut, prise de conscience brutale de ma situation et de l'endroit où je me trouvais.
Dehors, il faisait encore jour; des nuées rougeoyantes lourdes d'humidité coiffaient la ville. Je pensais à ma mansarde de banlieue au-dessus de l'échoppe du coiffeur, d'où d'ordinaire je regardais le ciel de Tôkyô, et je pensais aussi, avec une satisfaction mitigée, à l'homme qui là-bas, les bras croisés, imaginait sa femme partie vers la ville animée qui s'étendait devant lui sous ce beau ciel.

Extrait du récit "Dérision"
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En caressant les cheveux de soie coupés au carré de Yoshiko, Keiko se disait parfois qu'il n'était pas nécessaire de s'inquiéter si ce même éclair ne jaillissait pas entre elles deux. Elle savait d'expérience qu'à l'instar de toute chose en ce monde, les relations humaines se construisent selon deux schémas : celui de la colline aux pentes douces ou celui fulgurant du geyser. Son affection pour Yoshiko suivrait le chemin menant à la colline, pensait-elle, et diffèrerait par sa forme et sa tonalité de l'amour qu'elle portait à Yoshizô. Et c'était bien ainsi. A vrai dire, dans sa jeunesse Keiko avait vécu dans les grandes largeurs tout ce qu'il était donné à une femme de vivre, en traversant bravement des plaines et des montagnes où d'autres ne s'aventuraient pas, avec pour seul guide l'arc-en-ciel qui portait haut ses rêves. Un jour, son amant de l'époque avait été jeté en prison et elle s'était retrouvée, malade, dans un asile pour indigents, à pleurer à chaudes larmes sur un oreiller dur. Un temps aussi, jouant du nihilisme ambiant qui plongeait le pays dans le désespoir et les ténèbres, avec le culot d'un prestidigitateur qui risque son va-tout pour rafler la mise elle avait collectionné les hommes qui croisaient son chemin comme autant de cartes à jouer.

Extrait de "Kishimojin"
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Tu es une femme ! Crois en l'avenir ! Si tu nourris un amour profond pour ton enfant, de par cet amour tu dois jurer de te battre.

Extrait de "A l'hospice"
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Coupée de mon passé comme de mon futur, je me sentais unidimensionnelle ─ une simple feuille de papier. Cependant, nous étions, pour un temps, mère et enfant. La prison était un mur qui se dressait sur mon chemin. Dans ce genre d'endroit, les marmots étaient vite séparés, tout petits encore, de leur mère. Je ne pourrais pas faire connaître à ma fille la vie misérable des détenues. Par ailleurs, il était admis qu'un enfant dont la mère avait été reconnue coupable restait innocent ; le garder en prison relevait par conséquent de l'abus de droit, aussi fallait-il l'expulser de ce lieu...Mais dans ce monde où règne l'individualisme, en quoi est-ce rendre un petit enfant libre que de l'arracher à sa mère ? Selon ces lois, la détention revient purement et simplement à déposséder la mère prisonnière de toute chose qui lui est chère, jusqu'à son enfant. A ce stade de ma réflexion, je me retrouvai enfermée dans un nihilisme dont je n'arrivais pas à sortir. La socialiste en moi s'atrophiait à l'idée d'aller en taule. Ah, cette pitoyable conscience de soi qui m'entraînait encore sur les rivages du désespoir...

Extrait de "A l'hospice"
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Keiko souleva la robe et la la passa par dessus la tête de la fillette. Elle s'apprêtait à la laver de la tête aux orteils avec une petite serviette mouillée, mais avant cela, l'esprit ailleurs, elle lui tâta le bras, lui caressa les cuisses. Les membres potelés lui évoquaient la chair d'un petit veau ou d'un agneau. Ils lui remettait en mémoire le gout délicat, quoiqu' un peu fade , de ces viandes. Pour Keiko qui avait grandi au contact des animaux et les connaissait bien, prendre un bébé animal pour point de comparaison afin de comprendre l'enfant était ce qu'il y avait de plus simple.
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