Assireni, petite esclave en France

Assireni n'a que douze ans et pourtant, elle a vécu plusieurs vies.

Née au Rwanda, pays aux mille couleurs, elle a passé ses premières années choyée par ses parents. Mais très vite, la guerre fratricide entre les Hutus et les Tutsis a décimé sa famille et l'a obligée à fuir. Les routes de l'exil lui arracheront son dernier pilier familial. Les Dureton, riche famille française, la recueillent et la ramènent à Paris. Un déracinement total pour cette petite fille, tout juste âgée de sept ans. Désormais, son paysage ne sera plus composé de vastes étendues verdoyantes et solaires. Son horizon se cantonnera aux murs immaculés d'un bel appartement parisien. Pour parfaire ce nouveau décor et mieux assimiler les codes de la bourgeoisie parisienne, elle devra taire jusqu'à sa propre identité. Elle s'appellera Astrid. Juste Astrid, sans nom de famille. Tous les matins, elle se lève la première, prépare le petit déjeuner de Monsieur, vide le lave-vaisselle, fait les lits, nettoie les sols, la salle de bain, nettoie l'argenterie, aide à la cuisine et termine sa journée en brossant la chevelure dorée de Madame, en vidant les cendriers, en fermant les volets et en éteignant les lumières. Alors dans le silence de l'appartement, elle peut enfin aller se coucher dans le petit réduit qui lui sert de chambre. le rythme est difficilement supportable pour une si petite fille...

" C'était un tourbillon incessant et harassant. Et c'était des "Vite, Astrid, viens m'aider à préparer la chambre et après tu iras étendre le linge". Et Jacqueline dans le même temps "Vite, Astrid, épluche-moi ces carottes et après, dépêche-toi de vider le lave-vaisselle". Et Georges "Où est Astrid? Madame la cherche pour cirer des chaussures."

Mais Astrid ne se plaint jamais. Elle devient invisible, ne parle pas, ne fait aucun bruit, trouve du réconfort dans le moindre compliment déguisé de Monsieur. Elle n'a pas le droit de sortir de l'appartement, de se montrer, au risque d'être renvoyée en Afrique où seules la faim et une mort certaine l'attendraient.

Et pourtant, les Dureton reçoivent régulièrement des ministres, des présentateurs de journaux télévisés. Mais personne ne se pose de questions sur cette petite fille transparente, qui se fait "plume et ombre".

Lorsque le couple prend possession de sa résidence d'été en Anjou, Astrid et les autres domestiques l'accompagnent. Là-bas, la petite fille se lie d'amitié avec Jean-Pascal, policier à la retraite et amoureux des fleurs et du jardin. Lentement, subtilement, il parviendra à apprivoiser Astrid, à découvrir son histoire. Avec ce nouvel ami, Astrid redevient Assireni, cette petite fille éclatante de vitalité et avide de découvrir le monde qui l'entoure.  Doté d'un sens de l'écoute et de l'observation hors du commun, ce jardinier au grand coeur n'aura de cesse de sortir Assireni de sa condition d'esclave.

Isabelle Tamburini est enseignante de lettres à Angers et nous offre ici son premier roman. L'histoire d'Assireni est émouvante et parfaitement adaptée à de jeunes lecteurs. Cependant, il serait réducteur de ne classer ce livre que dans la catégorie jeunesse, tant le portrait psychologique des personnages est travaillé. L'auteure met ainsi en exergue leurs contradictions, leurs faiblesses, leur égoïsme, leur superficialité et leur déni d'esclavagiste moderne.

Un roman merveilleusement bien écrit, tout en retenue et en subtilité. Un immense coup de coeur et une simple envie de dire Merci Madame Tamburini pour ce petit joyau.

Publié chez L Harmattan jeunesse en 2013


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