Livre reçu dans le cadre de l'opération « Masse Critique » de Babelio dont je remercie les organisateurs ainsi que les éditions du livre mentionné. (Merci à Raphaël Baud pour la petite note et le marque-page).
Adèle Tariel est au texte et
Baptiste Puaud à l'illustration.
Le vide surprend là où on a l'habitude de voir la foule. le calme imprègne ces paysages sans humains mais pas pour autant vides : le dessin est là pour nous faire prendre conscience que ce qui nous entoure n'est pas qu'un décor, il vit sans nous et notre absence n'y laisse que des traces. Sans nous, qu'est-ce qu'il reste, ou qu'est-ce qu'il y a ? Qu'est-ce qu'il y avait avant nous ? Sans
personne, il y a une présence qui reprend tout son sens : la nature. Être spectateur nous porte à la contemplation, au ralentissement de nos actions. Ce nouveau regard peut éblouir comme il peut inquiéter. le danger semble différent, on n'est pas préparés.
Les mots scandés se répètent comme un écho dans un silence qui n'en est pas tout à fait un : rappelons-nous que des bruits existent sans les nôtres : il y a le chant des oiseaux et le bruissement des feuilles, des insectes, la pluie parfois ou les orages. le vocabulaire est courant, élémentaire, répétitif. L'anaphore utilisant le mot «
Personne » imprime un refrain aux trois vers, dont les deux derniers sont en rimes simples (ou les trois). Peu de verbes, peu d'actions, place à une description concise, brève et frappante.
Comment expliquer aux enfants sans leur faire un discours ? En laissant parler le dessin où leur imagination vagabondera comme lors des heures de possible ennui, ou d'enrichissement… Quelques mots suffisent donc :
personne ici,
personne là, une formule courte et ramassée. Tous les lieux familiers sont ainsi visités : même constatation. C'est écrit, ce n'est plus effrayant.
Le dessin est doux et rassure. le trait est naïf. La technique est celle des crayons de couleurs, bien connues des écoliers. Beaucoup de vert, de bleu et de jaune, des couleurs reposantes ou lumineuses. Des doubles pages montrent en grand format un univers que les nouveaux habitants investissent : les renards fouillent les poubelles du café-bar ST RAPH et grimpent sur les tracteur inutiles, la famille de sangliers se promène devant le magasin SUPERCASH DECOR, les biches et le cerf côtoient les avions…
Ce n'est pas un bilan sur cette période inconcevable qui duré presque deux mois, en 2020. Cependant, l'album se termine par la vue d'une rue américaine bondée où les gens se pressent, sans distanciation mais masqués, où les voitures circulent en ligne et où le ciel bleu est sombre, entre les immeubles. L'image est violente par ses couleurs imbriquées et leurs contrastes démultipliés. le texte apparait sur le fronton d'un commerce comme un slogan. Sous la forme de trois questions, il interroge non seulement la suite des évènements mais aussi notre volonté de l'envisager : « Et demain ? Retour au grand étouffement ? Vraiment ? »
La question de l'après se pose encore.
anne.vacquant.free.fr/av/