TROFIMOV. Eh bien, Medames et Messieurs, il est temps de partir.
LOPAKHINE. Epikhodov, mon manteau!
LIOUBOV ANDRÉEVNA. Je m'assois encore une petite minute. C'est comme si je n'avais lamais vu les murs de cette maison, les plafonds, et je les regarde avec avidité, avec un amour si tendre...
GAEV. Je me rappelle, quand j'avais six ans, à la fête de la Trinité, j'étais assis sur cette fenêtre et je regardais mon père partir pour l'église...
LIOUBOV ANDRÉEVNA. On a pris toutes nos affaires?
La chambre qui est encore appelée la chambre des enfants ; une des portes donne dans la chambre d’Ania. L’aube ; le soleil va bientôt se lever. Commencement de mai ; cerisiers déjà fleuris ; mais il fait encore froid ; légère gelée blanche.
Et pourquoi le cacher ou le taire, je l'aime, c'est évident. Je l'aime, je l'aime... C'est une pierre à mon cou qui m'entraîne vers le fond, mais j'aime cette pierre et je ne peux pas vivre sans elle. (Elle saisit la main de Trofimov.) Ne pensez pas de mal de moi, Pétia, ne dites rien...
TROFIMOV : L'humanité va de l'avant, en perfectionnant ses forces. Tout ce qui lui est à présent inaccessible sera un jour tout à fait familier et compréhensible ; seulement voilà : il faut travailler, aider de toutes ses forces ceux qui cherchent la vérité. Chez nous, en Russie, pour l'instant, rares sont ceux qui travaillent. La plus grande partie de l'intelligentsia que je connais ne cherche rien, ne fait rien et est, pour l'instant, inapte au travail. Ils disent faire partie de l'intelligentsia, mais ils tutoient les domestiques, ils se comportent avec les moujiks comme avec des animaux, ils n'apprennent rien, ils ne lisent pas de manière sérieuse, ils ne font rien du tout, la science, ils se contentent d'en parler, l'art, ils n'y comprennent pas grand-chose, ils sont tous sérieux, font une mine sévère, ne parlent que de choses importantes, ils font des discours philosophiques et en même temps, devant leurs yeux, les ouvriers mangent abominablement, dorment sans oreiller, trente à quarante dans une pièce, partout des punaises, la puanteur, l'humidité, la déchéance morale...
ANIA
Tu reviendras bientôt, n'est ce pas maman ? Bientôt ! Pendant ce temps je vais étudier, je vais passer mes examens, puis je travaillerai, je t'aiderai. Nous lirons des tas de livres ensemble... n'est-ce pas maman ? Nous lirons pendant les longues soirées d'automne, nous lirons beaucoup de livres, et un monde nouveau, merveilleux, s'ouvrira devant nous...
Lioubov
Il faut être un homme à votre âge, il faut être capable de comprendre ceux qui aiment. Il faut aimer... il faut tomber amoureux ! ( sévère) Oui oui ! Et vous n'avez aucune pureté, vous n'êtes qu'un petit cagot, un avorton ridicule, un monstre.
Trofimov, horrifié.
Mais qu'est ce qu'elle dit ?
Lioubov
"Je suis au-dessus de l'amour !" Vous n'êtes pas au-dessus de l'amour, vous n'êtes qu'un propre à rien. Ne pas avoir de maîtresse, à votre âge !
Trofimov, horrifié.
C'est affreux ! Mais qu'est ce qu'elle dit ? ( il se dirige rapidement vers la salle de bal, se tenant la tête)
Olga: «J’ai eu tout à coup honte de m’appeler ta femme. Quelle femme? Tu es seul, tu es triste, tu t’ennuies…»
TROFIMOV
L'humanité progresse et perfectionne ses forces. Tout ce qui pour elle est inaccessible aujourd'hui, lui deviendra un jour familier, compréhensible, [...]
Qui sait ? Et que veut dire : on mourra ? Peut-être l'homme possède-t-il une centaine de sens et, avec la mort, ne périssent que les cinq sens connus de nous, tandis que les quatre-vingt-quinze autres subsistent.
CHARLOTTA, pensive. – Je n’ai pas de passeport régulier ; je ne sais pas au juste mon âge ; et il me semble toujours que je suis très jeune.