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La Cerisaie est une oeuvre symbolique. Les cerisiers en fleur (n'oublions pas la vogue japonaise qui avait frappé l'occident durant le XIXème siècle) symbolisent le raffinement, l'esthétique, l'éphémère, l'art, le faste, le tape-à-l'oeil, la frivolité, en un mot l'aristocratie.
Ceci s'oppose bien évidemment au matérialisme, au pragmatisme, à la terre, au sol, en tant que quantité de mètres carrés sur lesquels poussent ces arbres.
C'est donc tout un symbole que la cession de la cerisaie (demeure et domaine de la noblesse russe) par l'aristocratie à la bourgeoisie et c'est ce symbole que choisit Anton Tchékhov pour nous montrer la fin d'une époque, la prise de pouvoir par les financiers au tournant du XXème siècle, notamment suite à l'abolition du servage en Russie en 1861.
Cette pièce est donc tout à fait dans la droite lignée des Démons (les Possédés) de Dostoïevski. Tchékhov sent aussi parfaitement monter les ferments de ce qui sera la révolution de 1917.
Pour nous montrer cette décadence, cette perte de contrôle de l'aristocratie, ce manque de lucidité, au début de la pièce, chaque personnage est dans sa propre bulle, chacun répond à côté de la plaque, sauf l'homme d'affaire, descendant de paysan, Lopakhine, qui, lui, a bien perçu que le vent a tourné et qu'il apporte des odeurs de roussi.
Tous les autres sont dans les mirages d'un monde et d'une époque qui a disparu, révolue, qui s'est évanouie pour laisser place à une autre, mais que leurs yeux sont incapables de déceler, sauf peut-être l'étudiant utopique Trofimov, ancien précepteur d'un enfant qui est mort (encore un symbole !) et qui attend béatement l'heure du changement en s'imaginant que tout sera bonheur, liberté et égalité si une révolution survient.
En ce sens, c'est-à-dire, la poursuite des chimères, la non perception de la réalité, cette pièce se rapproche de la Mouette. C'est probablement la pièce la plus célèbre de Tchékhov, mais, définitivement, ce n'est pas ma préférée, car Oncle Vania m'a beaucoup plus séduite.
Évidemment, le ton Tchékhov, la facture Tchékhov, les ingrédients Tchékhov sont tous là, et comme ses trois soeurs (excusez-moi le calembour, il s'agit évidemment de la Mouette, Oncle Vania et Les Trois Soeurs) c'est une tragi-comédie grinçante et très typique de l'auteur.
On peut juste préciser que certaines mentions, notamment aux vacanciers, à la révolution latente, aux changements économiques annoncent ou font écho à l'oeuvre de Gorki.
Voilà, si je dois conclure, je dirais que cette pièce, très caractéristique du style Tchékhov est un trait d'union entre Dostoïevski et Gorki, le témoin d'un pan de l'histoire russe qui s'effondre et d'un autre, à créer.
Ce n'est pourtant pas celle que je porte le plus dans mon coeur, excusez-m'en, en outre rassurez-vous, ce n'est là que mon avis, c'est-à-dire, une floraison aussi futile et éphémère que celle d'une branche de cerisier, autant dire, pas grand-chose.
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Un monde disparaît, inexorablement chassé par un autre qui prend sa place et le pouvoir...
Une oeuvre achevée au crépuscule de la vie de Tchekov, cataloguée comédie, certes, mais une définition réductrice, plutôt une comédie sociétale amère voire prémonitoire.
La classe gouvernante aristocratique russe fin 19ème siècle, décrite déliquescente, humaniste et idéaliste, est supplantée par une bourgeoisie montante, financièrement agressive et arrogante lors de sa prise de pouvoir, symbolisée par ce dernier discours de Lopakhine, représentant de cette caste montante.
La classe definissable en prolétarienne, serviteurs et étudiants, sous estimée et oubliée, restent sur le bord de ces bouleversements sociétaux ; Tchekov, alors prémonitoire, ne subodore t-il pas leur avènement, historiquement marquée par la révolution bolchevique ? C'est certes un tantinet extrapoler, mais rien au travers de l'oeuvre n'empêche de l'envisager.
Si l'écriture est légère, le sujet abordé est grave et profond.

Nous nous éloignons donc de la simple comédie de moeurs pour une subtile étude sociétale russe de cette période. Chaque personnage a une charge symbolique propre, tous représentants d'une facette de cette société, et l'ensemble peut donner une pièce de théâtre vive sur scène, à plusieurs niveaux de "lecture". Il reste à assister à une digne représentation théâtrale de l'oeuvre pour complètement l'appréhender.

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Ainsi que le disait Milan Kundera : « L'homme, bien qu'il soit lui-même mortel, ne peut se représenter ni la fin de l'espace, ni la fin du temps, ni la fin de l'histoire, ni la fin d'un peuple, il vit toujours dans un infini illusoire. »

Et il y a un peu de cet infini illusoire dans cette pièce. L'intrigue, très épurée, gravite autour de la vente du domaine familial d'une famille issue de la noblesse, la fameuse cerisaie.

Mais elle représente surtout le douloureux passage des temps anciens aux temps nouveaux. C'est la nostalgie d'une époque en train de s'éteindre, c'est l'impuissance d'une génération à se renouveler et se détacher des valeurs ancestrales qui l'ont façonnée, modelée, formatée. Bref, c'est son incapacité à voir le monde changer sous ses yeux, à modifier son mode de vie, à s'adapter.

Si certains protagonistes ont bien compris que la société était en train de changer tel que Lopakhine, descendant d'une famille de moujik, la famille en revanche, incarnée principalement par Lioubov Andreievna, et dans une moindre mesure par son frère Gaïev, continue de vivre dans l'opulence et dans l'oisiveté, jouant aux grands seigneurs, dépensant sans compter alors même qu'ils sont au bord de la ruine. Ils s'obstinent à vivre encore et toujours dans leur infini illusoire. Jusqu'au jour où…

Cette pièce est fascinante mais également déstabilisante. La variété des décalages et des contretemps qui la rythme m'a parfois déroutée. L'auteur en use et en abuse peut-être un peu trop. A titre d'exemple, je pourrais évoquer les répliques hors propos des personnages : ils passent leur temps à bavarder (inactivité oblige) sans se parler, ni s'écouter, comme enfermés dans un monde intérieur imperméable aux autres. Ne dit-on pas qu'il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ? Je pourrais évoquer aussi le dérèglement du temps (avec les gelées du mois de mai et la douceur clémente du mois d'octobre) ou encore ces personnages à contrecourant tel que Trofimov par exemple, cet éternel étudiant si prompt à faire l'éloge du travail et condamner l'intelligentsia pour son oisiveté et l'inutilité de ses discussions. Mais lui-même, que fait-il avec ses beaux discours ? etc., etc…

Cela crée une atmosphère très particulière, un peu à l'image d'un clown triste ou d'une farce qui aurait mal tourné. le dernier acte est un summum en la matière. L'aspect dramatique semble inhibé par un tourbillon de propos et de gestes dérisoires. Il y a des oeuvres qui infusent lentement, et en ce qui me concerne, celle-ci en fait partie.
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La Cerisaie' et l'une des seule pièce de Tchékov où personne ne meurt. Une tragédie sans décès ! Imagine-t-on un roman policier sans crime ? On pourrait arguer que c'est la cerisaie elle-même qui meurt, puisque ses arbres sont abattus. Mais c'est la conséquence de la tragédie, et non son origine.

Le drame est dans l'incapacité d'Andréïevna à gérer ses affaires, et à comprendre que des vies dépendent de ses décisions. Celle de sa propre fille, Anya, qui se retrouvera un jour obligée d'en assumer les conséquences, et dont le futur mari aurait besoin au minimum d'être secoué un bon coup pour devenir bon à quelque chose. Celle de Varia, toujours coincée entre deux mondes et à l'avenir incertain, mais qui pourrait bien basculer dans la misère. Celle du brave et fidèle Firs, qui aimerait mourir en paix là où il a toujours vécu...

Son bon coeur et sa gentillesse lui servent surtout à d'excuse à son irresponsabilité complète, et à incapacité à se débarrasser du cortège de parasites qui mangent le peu d'argent qui lui reste : son frère, Charlotta, son gigolo qu'elle part finalement retrouvé…

Mais c'est aussi une pièce prophétique. Les autres se terminent par la restauration de l'équilibre, soi que les personnages acceptent leur destin (‘L'oncle Vania', ‘Les trois soeurs'), soi que les éléments perturbateurs de l'ordre social soient éliminés, écrasés sous son poids (‘Platonov', ‘La mouette'). Mais ici, la pièce se termine sur une situation qui ne peut que se dégrader. Les aristocrates n'ont peut-être plus rien, ni biens ni responsabilités, mais ils sont toujours là et squattent toujours le devant de la scène, et Lopakhine reste encore et toujours un inférieur. Leur chute définitive et totale semble donc prévisible, et en parallèle leur remplacement par la bourgeoisie.

Pas une seconde Tchekov n'a l'air d'envisager une insurrection populaire. Pour lui, la Russie semble promise à une révolution libérale à la française, sous l'influence de la bourgeoisie impatiente de remplacer la noblesse. Les révolutionnaires comme Trofimov sont des rêveurs, pas même fichus de faire une demande en mariage correcte.

Voila qui est étrange à dire, mais quelle chance pour Tchekov qu'il n'ait pas vécu jusqu'en 1917 !
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Entre Tchekhov et moi, c'est décidé, le divorce est définitivement consommé. "La cerisaie" était la seule pièce de la tétralogie (avec "La mouette", "Oncle Vania" et "Les trois sœurs") que je n'avais pas encore lue. Maintenant que c'est fait, et bien fait, le diagnostic est, je le crains, sans appel. Je l'ai même lue deux fois pour arriver à mettre clairement le doigt sur ce qui me dérangeait. La pièce a beau être courte, c'est dire le mal qu'elle m'a donné. Je suis à peu près certaine que la tradition du jeu français héritée de Stanislavski, un jeu emphatique, morne, qui met uniquement l'accent sur le tragique, a bien aidé à me dégoûter de Tchekhov. A dix-huit ans, je trouvais ça terriblement séduisant. Aujourd'hui, ça me fatigue. Mais je vois bien, à relire l'auteur de plus près, qu'on ne peut pas imputer mon peu d'enthousiasme aux seules mises en scène.

Pourtant, je reconnais volontiers que "La cerisaie" brasse une thématique et un réseau de motifs intéressants. de même que je reconnais que Tchekhov a innové dans le langage théâtral, dans la création de ses personnages, et, plus simplement, dans l'approche du théâtre. La cerisaie, c'est d'abord la fin d'un monde, celui d'une élite sociale oisive, ce qui est appuyé par de nombreuses allusions continuelles à des spectres. C'est aussi le retour fugace au monde de l'enfance (la chambre d'enfants, la voix d'enfant de Gaev, les sucreries, etc.). Surtout, c'est le lieu des rendez-vous manqués et de l'impossibilité de communiquer : on manque deux trains, on organise le bal au mauvais moment, les histoires d'amours sont des ratages complets, chacun courant après l'autre qui lui-même court après un autre (motif récurrent chez Tchekhov). Et tous ces gens parlent sans s'écouter ; il n'est pas rare que la série de répliques d'un personnage retombent dans le vide, tandis que l'interlocuteur censé lui répondre parle uniquement pour lui-même. La cerisaie est le lieu d'un perpétuel décalage, comme le montre la façon dont les personnages passent du rire aux larmes, et inversement. Et le lieu d'un échec vers lequel s'est dirigée toute sa vie et de toutes ses forces Lioubov Andreevna Ranevskaïa.

Mais tout cela ne me touche pas, sans doute pour des raisons formelles. Pour commencer, je n'arrive pas à percevoir le côté vaudeville que Tchekhov prétendait impulser à sa pièce (et que Stanislavski, encore lui, a proprement foulé aux pieds). Bon, oui, les personnages et les situations donnent plus ou moins dans le ridicule, comme Epikhodov parlant d'aller se tuer d'un coup de fusil (allusion ironique à La mouette, j'imagine). Pourtant, rien à faire, ça ne me fait pas rire, et ça m'arrache rarement un sourire. le fait est que les changements d'humeur des personnages me portent plus sur les nefs qu'autre chose. Et je crois que je suis finalement complètement insensible à l'aspect novateur du théâtre de Tchekhov, qui se trouve dans une sorte d'entre-deux : ce n'est plus le théâtre d'Ibsen, ce n'est pas encore celui de Beckett. Et bon, pas de chance pour Tchekhov, mais je préfère le XIXème d'Ibsen avec ses personnages en quête d'identité et de liberté, et le XXème absurde de Beckett.
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Théâtre. Cette grande dame russe, Lioubov est partie en France pour oublier la noyade de son fils. Mais elle est dépensière, et en revenant en Russie couverte de dettes, elle a peu de solutions pour sauver sa belle cerisaie.
Lioubov est le pilier de la famille, mais un pilier bien faible.
Le vieux Firs représente le valet respectueux de l'ancienne aristocratie.
Maintenant que l'esclavage est aboli, les jeunes employés philosophent, jouent au billard, ou se prennent pour des demoiselles. Lioubov est dépassée, et seule sa fille Varia essaye de mettre un peu d'ordre, car la gouvernante Charlotta ne pense qu'à faire la grande dame, et le frère de Lioubov ne sert à rien, une sorte de « bobo » de l'époque.
Seul Lopakhine, le marchand, propose une solution concrète pour sauver le terrain de la cerisaie
.
Personnages négatifs pour moi :
Gaev, Pichtchik, Charlotta, Epikhodov, Douniacha, Yacha.
Personnages positifs et négatifs :
Lioubov, Ania, Trofimov.
Personnages positifs :
Lopakhine, Varia, Firs.
.
Pièce agréable, où l'on peut cibler le caractère de chacun, beaucoup sont négatifs et quelques-uns, trop rares sont positifs et projettent leurs idées dans un avenir réaliste.
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La Cerisaie d'Anton Tchekhov est une pièce de théâtre en quatre actes, écrite en 1903 et représentée pour la première fois en 1904. Elle est considérée comme l'une des oeuvres majeures du dramaturge russe, et l'une des pièces les plus importantes de la littérature mondiale.

La pièce raconte l'histoire de la famille Ranevskaïa, qui se retrouve ruinée et doit vendre sa propriété, la Cerisaie. Cette vente marque la fin d'un monde, celui de la noblesse terrienne russe, qui est en train de disparaître face à la montée de la bourgeoisie.

La pièce met en scène un large ensemble de personnages, chacun avec ses propres caractéristiques et ses propres motivations. Les personnages principaux sont :
- Lioubov Ranevskaïa : une femme aristocrate qui a vécu une vie de frivolités. Elle revient en Russie après plusieurs années d'exil, et tente de sauver la Cerisaie de la vente.
- Gaev : le frère de Lioubov. C'est un homme rêveur et insouciant, qui vit dans le passé.
- Lopakhine : un riche marchand. Il est le fils d'un serf, et représente la nouvelle classe sociale qui est en train de supplanter la noblesse.


La Cerisaie est une pièce qui explore plusieurs thèmes importants, notamment :
- La fin d'un monde : la vente de la Cerisaie symbolise la fin d'un monde, celui de la noblesse terrienne russe. Cette fin est inexorable, et les personnages de la pièce sont impuissants à l'empêcher.
- le passage du temps : la pièce est traversée par le thème du passage du temps. Les personnages sont conscients que le monde est en train de changer, et que leur mode de vie est en train de disparaître.
- L'échec : la pièce est également une réflexion sur l'échec. Les personnages de la pièce sont tous des échecs, à leur manière. Lioubov Ranevskaïa est une femme qui a gaspillé sa vie en frivolités. Gaev et Lopakhine sont des hommes qui n'ont pas su s'adapter au monde moderne.


La Cerisaie a été un succès dès sa première représentation. Elle a été jouée dans le monde entier, et a été adaptée au cinéma et à la télévision à plusieurs reprises. La pièce est considérée comme un chef-d'oeuvre de la littérature mondiale, et continue d'être jouée et étudiée aujourd'hui.

La Cerisaie est une pièce magnifique et émouvante. Elle est un chef-d'oeuvre du théâtre classique, et mérite d'être lue ou vue par tous les amateurs de théâtre.
La pièce est remarquable par sa profondeur et sa complexité. Elle explore des thèmes universels, comme la fin d'un monde, le passage du temps et l'échec. Les personnages sont tous des personnages complexes et attachants, et la pièce est traversée par une émotion palpable.
Le style de Tchekhov est également remarquable. Il utilise un langage simple et direct, mais il parvient à créer des images poétiques et évocatrices. La pièce est un mélange de réalisme et de symbolisme, qui lui donne une profondeur et une richesse uniques.

En conclusion, La Cerisaie est une pièce incontournable de la littérature mondiale. Elle est une oeuvre puissante et émouvante, qui continue de toucher les lecteurs et les spectateurs de tous âges.
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Le XXe siècle est tout jeune, sans expérience, mais enfant rebelle. Un vent d'orage se lève et un grondement se fait entendre dans le lointain, le passage, comme tout passage se fera par un combat, entre garder encore, faiblement, et acquérir avec force, maintenant.
Tchekhov est malade et ses forces l'abandonnent, la pièce lui donne du fil à retordre, mais en bon joueur il l'appelle comédie, dans la course avec l'inévitable vaut mieux rire. Commencée en 1901, la pièce est achevée en septembre 1903.
Vrai symbole du XXe siècle, La cerisaie a souffert de la censure des officiers tsaristes, les derniers rebondissements d'une période en déclin qui s'accrochait encore à ce qui partait définitivement, génération incapable de s'adapter à une nouvelle Russie. Les tirades de Trofimov attaquent, critiquent, ironisent, s'envolent, mais il faut encore du temps, les ailes ne portent pas très loin.
Les symboles affluent, et comme de vrais personnages ils vivent le passage d'une époque à une autre, d'un passé épuisé qui ne tient plus la route vers un futur matérialiste, calculateur, pragmatique, qui va vite. Il n'y a plus de temps pour s'asseoir un peu avant de reprendre la route, plus de temps pour inspirer des sels, et le petit parasol est remplacé par la montre pour tenir le temps.
Deux mondes, deux vitesses, deux espaces, un passé et un futur qui ne peuvent pas se donner la main, l'un recule, l'autre avance.
La maison de la famille et la cerisaie seront vendues aux enchères pour payer les dettes, mais peu importe, faut organiser une fête et engager des musiciens, et l'argent diminue tout aussi vite que les dettes s'accumulent.
Lopakhine, le marchand, va vite, est pratique, les autres se prélassent, essuient des larmes, s'accrochent aux souvenirs, au passé. le passage du temps vu comme action, projets, énergie, gain, par Lopakhine, est vécu par la famille comme vieillissement, nostalgie, fatigue, souvenirs, regrets, et l'espace que Lopakhine ouvre vers le monde et le commerce, est l'espace de la maison et de la cerisaie pour Lioubov Andréevna, un environnement fermé, mais protecteur, comme un abri, un chez soi, même si le souffle commence à manquer, et l'énergie est affaiblie.
Mais le drame n'est pas une tragédie, le Russe le vit avec la musique, le chant du cygne il l'accompagne de sa guitare. Si le passage du temps se veut tragique c'est avec le rire du comédien qu'il faut le vivre. Pas d'apitoiement.
Le sourire de Tchekhov est celui d'une ironie tolérante, plutôt tendre et compréhensive, il n'accuse pas, ne défend pas non plus, regarde, observe, écoute, et comprend ce passage et plus encore ses personnages.
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Madame Ranievskaïa et sa fille reviennent de Paris, dans la cerisaie familiale, où ils sont accueillis à bras ouverts. La situation n'est cependant pas brillante : la famille a accumulé des dettes, madame Ranievskaïa a dilapidé ce qui restait de sa fortune pour son amant qui l'a abandonné peu après, et le revenu du verger n'est plus aussi brillant qu'avant.

La propriété va donc être mise aux enchères. Lopakhine, un petit-fils de moujik qui a accédé au statut de marchand, tente désespérément de leur ouvrir les yeux et de leur proposer des solutions modernes pour se tirer d'affaire, mais rien n'y fait : les souvenirs d'enfance, et les habitudes de l'aristocratie gèlent toute prise de décision. La famille garde le même train de vie, et attend l'inévitable, ou un miracle.

C'est la première pièce de Tchekov que je lis (après tout, quoi de plus logique que de découvrir un auteur à partir du dernier livre qu'il a écrit ?), et c'est une agréable découverte. Cette pièce illustre la fin de l'aristocratie russe, incapable d'assimiler les nouvelles règles du jeu, et destinée à être supplantée par les marchands, qui les maîtrisent parfaitement. On ressent vivement le mélange de mélancolie et d'espoir qui marquent cette transition. La pièce est courte, mais les personnages sont riches et les situations traitées avec une certaine profondeur. En peu de pages, Tchekov nous livre un petit bijou finement ciselé.
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Comme il l'écrit lui-même, Anton Tchekhov "Toute chose a une fin en ce monde.", nous assistons dans cette pièce à la chute de l'aristocratie russe à travers une famille ruinée qui est à la recherche d'une solution à travers leur cerisaie.

On peut ajouter à la pensée de l'auteur que toute fin engendre un début d'où dans cette pièce, il est question de renversement de pouvoir. Nous avons là, dans ce petit univers, tout le paysage de la chute de la classe bourgeoise et la montée des Moujiks...

En effet, pendant que Mme RANIEVSKAÏA, la propriétaire hésite à un moment d'opter comme solution la vente de la cerisaie, LOPAKHINE, un marchand Moujif l'en dissuade. Une fois la vente décidée, le terrible est que Mme RANIEVSKAÏA découvre que l'acheteur n'est autre que LOPAKHINE le moujik...

D'un côté on déplore le mauvais sort qui 'abat et frappe sans pitié et de l'autre, on gratifie le ciel d'avoir permis une telle tournure de la vie...d'une larme se plante un gros sourire...

Une belle pièce en tout cas, je m'y suis plongée avec plaisir, l'ambiance impeccable nous a permis de voir en chaque personnage une préoccupation!
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Je m'appelle .............?..........." je suis un jeune homme de dix-sept ans, laid, maladif et timide", je passe mes étés dans la "maison de campagne des Choumikhine", et je m'y ennuie.

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