C'est la conception "orthodoxe" de la Mécanique Quantique, définie par l'école de Copenhague, qui est actuellement enseignée aux étudiants. Son non-déterminisme est très éloigné des concepts de la mécanique newtonienne. De nombreux physiciens, notamment Einstein, n'ont jamais vraiment admis l'interprétation de Bohr. David Bohm (1917-1992) est celui qui est allé le plus loin dans cette remise en cause fondamentale. Sa théorie est déterministe. En travaillant sur l'équation de Schrödinger, qui régit l'évolution d'une particule, Bohm fait apparaître un concept nouveau: celui de "potentiel quantique" (qui s'ajoute aux énergies cinétique et potentielle). Ce potentiel quantique peut être comparé à une onde-pilote, capable de fournir une information à la particule sur tout le reste de l'univers et de définir sa trajectoire d'une manière causale; il ne décroit pas avec la distance spatiale et dépend seulement de la "forme" de l'environnement; de plus, il agit instantanément ! Elucubrations ? Non, apparemment, si on se réfère à certains effets étonnants, comme celui d'Aharonov. Les résultats d'Alain Aspect, obtenus dans les années '80 et motivés par la problématique d'Einstein, Podolski et Rosen (1935), semblent aussi rattachés à cette conception étrange, dans laquelle tout est instantanément relié à tout. Ainsi "l'ordre explicite" (que le physicien expérimente comme l'interaction d'éléments séparés) serait une illusion, qui a été entretenue par l'école de Copenhague. En fait, il existerait un ordre "implicite" sous-jacent, que nous n'arrivons pas à distinguer ou que nous refusons de concevoir. A partir de ces prémices, D. Bohm s'est lancé dans des considérations de plus en plus complexes, dans les domaines philosophique, moral et métaphysique...
Pour ma part, j'ai été intéressé par toutes ces considérations hardies sur la physique quantique. Un appendice, trop bref mais intéressant, indique le traitement de l'équation de Schrödinger conduisant à la définition du potentiel quantique. Mais les trois quarts du livre, consacrés à toutes les extrapolations philosophiques de Bohm n'ont pas retenu mon attention.
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L'univers, au niveau le plus profond, ne contient ni espace ni temps, mais n'est que conscience, tandis que tout le reste, la fragmentation de la réalité, la distance entre les objets, le temps qui s'écoule ne sont que des illusions que nous percevons dans la réalité manifeste.
Une différence clef entre le dialogue et une discussion ordinaire, c’est que dans la seconde, les personnes maintiennent d’habitude des positions relativement rigides et argumentent en faveur de leurs visions du moment en tentant de convaincre les autres à changer. Cette attitude peut, au maximum, produire un accord ou un compromis, mais ne favorise pas l’émergence de la créativité… Ce qui est ici essentiel, c’est la présence de l’esprit du dialogue, lequel en bref représente la capacité à suspendre de nombreux points de vue, dans l’intérêt premier d’atteindre la création d’un sens commun.
Une autre analogie importante que David Bohm utilisa pour mieux visualiser l'interaction entre la réalité implicite et la réalité explicite, notamment les évènements non locaux et leur dynamique, est celle de l'aquarium avec un poisson dedans. On imagine que quelqu'un n'est pas capable de regarder l'aquarium directement et que l'information sur ce qu'il contient est fournie par deux caméras, une placée directement devant l'aquarium et l'autre sur le côté (c'est-à-dire à 90° par rapport à la première). Lorsqu'on regarde sur deux écrans de contrôle ce qu'observent respectivement les deux caméras, on pourrait penser que les poissons qui apparaissent sur chacun des deux écrans sont deux entités différentes : en effet, étant donné que le poisson est observé sous deux angles distincts — c'est- à-dire de côté et de face —, les images seront nécessairement différentes. Et pourtant, si l'on continue à regarder les deux poissons, on se rendra compte à un certain moment qu'il existe une certaine relation entre eux. En effet, lorsque l'un des deux bouge, l'autre aussi effectue simultanément un mouvement, même si les formes respectives sont différentes : chaque fois que l'un est vu de face, l'autre est vu de côté et cette dynamique, où les figures de face et de côté s'échangent à l'infini, est active chaque fois que le poisson bouge. Si quelqu'un était inconscient de la situation réelle —c'est-à-dire que les deux poissons sont en réalité le même poisson vu sous des angles différents —, il pourrait conclure qu'un poisson est en train de communiquer instantanément avec l'autre. Mais cela n'est pas vraiment le cas, du moment où les deux poissons qui bougent sont en réalité le même, évidemment non séparé de soi.
Fragmentation, séparation, espace et temps ne sont qu'une illusion née de notre perception limitée de la réalité. En voulant reporter l'une des métaphores utilisées par Bohm pour expliquer ses concepts, le côté illusoire de la fragmentation de la réalité est comparable aux deux pôles d'un aimant. Si nous divisons un aimant en deux ou plusieurs parties, nous ne séparerons jamais le pôle nord du pôle sud, ils seront toujours présents même si les dimensions des aimants fragmentés sont très petites : ils n'en restent pas moins des aimants.
David Bohm compte parmi les physiciens théoriciens les plus remarquables de sa génération, probablement celui qui le plus courageusement a su défier l’orthodoxie scientifique, justement pour avoir été capable de comprendre ce qu’il manquait et manque à la physique : une vision d’ensemble en mesure de rassembler tous les fragments de la création sous l’égide d’une seule et grande loi unifiante.