Ça se voit que
Massimo Teodorani est plus physicien que psychologue des profondeurs. Si
Carl Gustav Jung et
Wolfgang Pauli ont été grands potes et que le premier a été l'analyste du second, le guidant soi-disant vers la libération de son potentiel pour s'aventurer vers de grandes découvertes en sciences physiques, ça ne veut pas forcément dire que le concept de synchronicité (relatif au domaine de la psychologie des profondeurs) peut devenir un instrument des sciences physiques. C'est pourtant vers cette tendance que ce livre nous achemine en traitant de la synchronicité comme d'un phénomène qu'on pourrait comparer à l'électricité, par exemple. Emmerdante cette tendance à vouloir rentabiliser des notions qui n'ont pourtant été créées qu'afin de désigner quelque chose dont l'obscure subjectivité ne permet pas d'être traitée comme un objet quantifiable. Cette tendance s'étend à d'autres concepts jungiens et lorsque Massimo dit que les archétypes se situent dans l'inconscient collectif, c'est une simplification insensée qui équivaut à vouloir localiser la chose-en-soi kantienne par GPS.
La partie suivante revient au coeur de métier de Monsieur Teodorani, les sciences physiques. On commence par y apprendre comment
Wolfgang Pauli, inspiré par les recherches de Jung, a contribué à des découvertes fondamentales pour la physique quantique. C'est l'exemple d'une belle synergie entre polarités différentes ou, comme dirait Bion, l'extension suffisante du diamètre de conjonction constante.
Dans une dernière partie, Massimo vante les mérites de
Deepak Chopra, un médecin indien qui s'inspire de la synchronicité pour nous chier une énième théorie de développement personnel. Ça sent la merde à plein nez : « L'univers tout entier semble […] conspirer afin que des événements réels, hautement symboliques, aient lieu à l'improviste, comme s'ils voulaient guider les personnes qui se sont momentanément écartées de leur chemin de vie ». Je me dis qu'il y a là quelque chose de religieusement athée, et l'idée aussi que si nos vies foirent, c'est principalement de notre faute. Y a qu'à ouvrir l'oeil aux synchronicités et suivre leurs indications au-delà de toutes nos contraintes courantes, qu'ils nous disent, considérant ainsi la synchronicité comme un phénomène objectif se produisant en-dehors de tout acte interprétatif individuel, ce qui entre en contradiction avec l'idée même que Jung se faisait de la synchronicité : une coïncidence qui apparaît signifiante pour une personne à un moment donné. Mais on sait bien que la synchronicité d'une époque devient la farce de l'époque suivante. Combien de synchronicités ai-je cru voir se produire dans
ma vie lorsque j'étais plus jeune, qui n'avaient finalement ni plus ni moins de sens que n'importe quoi d'autre ? La synchronicité relève du principe de plaisir, et c'est là ce qui est important. S'avancer plus loin et dire que la synchronicité DOIT être écoutée, DOIT être suivie, c'est donner un ordre insensé à des personnes dont le chemin de vie est sans doute plus complexe que cela.
Et quant au fait que tout dans l'univers semble si bien ordonné, si miraculeusement agencé, oui, c'est étrange, mais pourquoi vouloir posséder cela comme un nouveau savoir dominé et vidé de toute saveur ?