Dis-moi quel opium il faudra que j’absorbe
Quel suc étrange il faudra mélanger à l’euphorbe,
Fût-il mortel, pour te revoir dans mon sommeil
Et retrouver encor, dans un songe vermeil,
Au milieu du printemps et des jeux de naguère,
Ta voix changeante, tour à tour grave et légère,
La lumière pensive et calme de tes yeux
Et la chanson de tout ton corps harmonieux ;
Ah ! Pour l’illusion de te croire présente,
Prépare avec magie et de tes mains savantes
Le rare et vénéneux philtre de volupté,
Et j’en boirai la lie avec avidité.
Doigts ivoirins sur l'ivoire des touches
Voix désuète un peu du piano
Vieille chanson sur une jeune bouche.
L'abat-jour rose et son rose halo,
La nuit d'été qu'on voit par la croisée,
Et, dans la nuit, la rade et ses falots.
Des voiles blancs sur une chair rosée
Et sa chanson flottant sur tout cela
Et la douceur de cette heure apaisé,
... O souvenir vivant de ce soir-là !