L'ouvrage réussit à proposer une étude systématique sur le destin du concept de race, en lien avec l'anthropologie physique et les lieux d'exhibition. de l'anthropométrie aux taxonomies raciales, les discours scientifiques ont légitimité l'impérialisme et la colonisation en s'associant aux exhibitions ethniques, devenues en 1870 un « système mondialisé ». Les répétitions (notamment dans la troisième partie, dont le cas de la Vénus Hottentote décrit dans plusieurs contributions) n'enlèvent rien à la qualité de l'ouvrage qui articule science et spectacles en soulignant combien « l'explication par la race » deviendra extraordinaire pour expliquer l'ordre du monde. le livre prolonge ainsi les débats sur la construction de l'« Autre » et impulse des questions encore peu explorées : pourquoi les spectacles ethniques s'épuisent-ils presque partout dans les années 1920 ? Quels liens existent entre l'anthropologie raciale et l'eugénisme ? Nul doute que les spécialistes, dont les contributeurs de l'ouvrage, continueront à travailler sur ces questions centrales.
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A une époque où la science incarne la modernité et exerce de plus en plus son autorité sur les sociétés occidentales, forte du prestige des sciences naturelles et de la médecine dont elle est issue, la science des races diffuse ses enseignements, des revues et ouvrages scientifiques jusqu'aux manuels scolaires, des congrès internationaux jusqu'aux expositions universelles mais aussi dans la presse grand public. Une véritable culture raciale a ainsi largement été présente dans les sociétés occidentales des années 1850 à la Seconde Guerre mondiale. Le discrédit que la science des races a connu après ce dernier conflit, qui l'a reléguée au statut d'une science dévaluée et dérangeante, a contribué à masquer son importance au XIXe siècle et le rôle qu'elle a pu jouer, pendant quelques décennies, dans la fabrication des identités nationales tout comme dans la légitimation de la domination coloniale.
Mais la vue n'était pas le seul sens que ces expositions [ universelles ] mettaient en jeu. L'ouïe en était un autre. Tout comme l'odorat, le goût et le toucher. Et tout effort pour comprendre ces expositions qui néglige leur impact sur chacun des sens sous-estimera vraisemblablement la façon dont ces spectacles valorisant le nationalisme et l'empire ont concouru à créer un ensemble de réponses émotionnelles, qui renforcèrent les croyances dominantes sur la hiérarchie raciale.
(...) le cas exemplaire - quoi qu'extrême - de la Vénus Hottentote, c'est parce qu'il signale nettement l'articulation entre science et spectacle, caractéristique des exhibitions ethniques de la fin du XIXe siècle puisqu'on la retrouve pratiquement partout en Europe (...)
Carte blanche à l'ACHAC
Modération: Emmanuel LAURENTIN, journaliste et producteur à France Culture
Intervenants: Quentin DELUERMOZ, professeur à l'université de Paris Cité,
Laurent JEANPIERRE, professeur à l'université Paris 1, Eugénia PALIERAKI, maîtresse de conférences à Cergy Paris Université
À l'occasion de la publication de l'ouvrage : Une Histoire globale de la France coloniale dirigé par Nicolas Bancel, Pascal Blanchard, Sandrine Lemaire et Dominic Thomas (Éditions Philippe Rey)
Les travaux sur l'histoire coloniale de la France se sont multipliés ces vingt dernières années. Après la publication l'ouvrage Une Histoire globale de la France coloniale, quels sont les enjeux historiographiques et épistémologiques d'une histoire coloniale (et postcoloniale) saisi au prisme de l'histoire transnationale et globale et au regard des enjeux dans les autres en puissances coloniales en Europe ? Comment articuler les différentes trajectoires des empires et les connections multiples qui les lient aux métropoles coloniales et aux autres aires géographiques ? Comment apprécier les flux – hommes, idées, produits – qui circulent au sein et entre ces espaces ?
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