La femme est un monde mystérieux, incompréhensible. Elle se désintéresse de la logique ordinaire et n'écoute que la voix de son cœur. C'est pourquoi I'homme n'arrivera jamais à sa hauteur... La femme est plus clairvoyante que l'homme sans doute justement grâce à ce fond obscur de son âme où l'intelligence s 'arrête, où l'intuition érige ses antennes invisibles mais efficaces.
Dehors, le crépuscule s'éteint. Le ciel violacé tourne au gris cendre. Pas de clair de lune. Les couronnes des orangers se diluent dans l'ombre. L'étoile du soir ne point pas comme d'ordinaire. La maison sombre dans la nuit. L'ombre vénéneuse s'infiltre à travers la peau, pénètre dans la chair, les nerfs, les os. Ils sentent leurs membres flageoler, leurs esprits se décomposer. Ils n'ont plus la force de pleurer, de se plaindre, de s'aimer. Les vagues du désir se sont retirées comme une marée, laissant sur le rivage des algues exténuées. La tristesse comme des ailes invisibles de chauve - souris, balaie leurs visages, les étouffe. Miên est allongée, la tête posée sur le bras de son mari. Ils restent figés comme des bûches. L'ombre se fait de plus en plus épaisse dans les plaintes des insectes, les claquements de langue des lézards et, de temps en temps, les cris affolés des oiseaux.
- Miên, je suis revenu,
- Vous êtes revenu ? Vous êtes ?
- Je suis Bôn, ton mari.
L’homme n’est pas une autruche. Il doit faire face à la vie, qu’elle soit heureuse ou malheureuse, riche ou misérable, paisible ou périlleuse. Dieu a donné à l’homme de marcher debout, contrairement aux bêtes, pour lui permettre de regarder droit devant.
La mer s'étale devant ses yeux, le libère de l'affolement. Son esprit se calme peu à peu dans la fraîcheur du vent. Il regarde les vagues gambader.
Les images, les souvenirs de ce premier amour fondaient comme un bloc de glace au soleil du temps. Les âmes mortes flottaient quelques heures et disparaissaient dès que les coqs chantaient.
Cette nuit seulement, je comprends que l'homme rêve et poursuit la perfection justement parce qu'en ce monde il est seul à être imparfait...
Ses yeux noirs le fixent, tremblant, assoiffés, affamés, douloureux. Les yeux d'une bête sauvage qui s'abreuve pour la dernière fois au ruisseau avant de pénétrer dans le désert. Le regard d'une femme ramassant les derniers fruits de la terre dans la rizière avant la venue de l'hiver. Les yeux du condamné à mort dégustant le repas de grâce avant son exécution.
S'il en est ainsi, j'ai en main le talisman dont tout le monde rêve. J'ai trouvé un compagnon de route. O mon fils, dépêche toi de grandir. Je créerai moi-même l'Histoire pour toi, tu n'auras à payer aucune dette du passé. Tu m'appartient totalement, tu seras mon compagnon jusqu'à la mort....
Il sait aussi que les hommes peuvent se libérer des geôles de cette terre mais non de celles de leur âme. Ils peuvent abattre tous les tribunaux de ce monde mais pas ceux qu'ils ont eux-mêmes édifiés dans leur coeur.