GIL JOURDAN PAR MAURICE TILLIEUX (1921-1978)
Une réussite...
Maurice Tillieux accomplit un tour de force : celui de marier un scénario policier bien construit, solide, direct, un graphisme particulièrement riche en détail set des personnages crédibles et, par moments très drôles...
Fin 1950 ou tout début des années 60...Gil Jourdan, flanqué de son acolyte Libellule, demi-sel, amateur de calembours épouvantables, accompagné de Cerise, son assistante des plus fidèles (tout détective qui se veut être un privé reconnu doit avoir une assistante qui le borde en cas de coup dur-voir Hélène et
Nestor Burma dans les policiers écrits par
Léo Malet-), mène une enquête après l'enlèvement de maître Samson Loucq.
Celui-ci, menacé par la Jo la Seringue, se voit offrir une protection rapprochée par la police compte-tenu de l'évasion du malfrat. le quatrième pilier de la "saga jourdanienne", l'inspecteur Crouton dirige l'équipe de sécurité. Evidemment maître Loucq disparaît....les apparences dissimulent un sac de noeuds que Jourdan, au péril de sa vie, va démêler...
Le plaisir de la lecture naît d'un mélange réussi...Une histoire efficace, dans le genre série noire façon Hammett ("La moisson rouge"), des personnages qui fonctionnent très bien ensemble, notamment l'opposition Crouton-Libellule, le côté dur à cuire de Gil Jourdan, la capacité inépuisable de Cerise à supporter les épouvantables jeux de mots, son art consommé de faire son boulot et les décors.
Maurice Tillieux excelle en deux choses : le dessin des véhicules, qu'il sait mettre faire se déplacer donnant ainsi un sensation de mouvement réel, et le choix des paysages.
Une France populeuse, laborieuse, industrielle (entreprises de BTP, usines, port de marine marchande...), souvent nocturne, peuplée de gens de tous les jours s'installe en arrière plan (p 3 ; p 19-24 ; p 38-44). Cela sent parfois les paysages chers à
Simenon (les bistrots, les quais du canal St Martin, les ports de pêches venteux, brumeux, déserts). le talent graphique vous "explose" à la figure.
Tillieux se trouve relégué au second plan du fait des "mammouths" qui se firent connaître dans les années d'après guerre....Dommage car il fait partie des meilleurs.