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EAN : 9791095997450
192 pages
Lurlure (02/09/2022)
4.25/5   6 notes
Résumé :
“Sans doute est-ce là un livre parfois plus chantonné qu’écrit. Un livre écrit avec le souvenir des souvenirs écrits, une poésie pas trop loin de l’autobiographie, même si celles-ci, souvent, se chassent comme des sœurs.
Mes parents. L’amour. La ville. La mort. La peur. Et ce verbe, à bout de bras : grandir. Milène : grandir. Il est des infinitifs qui se comportent comme des impératifs.”
M. T.
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Le recueil de poèmes, Se coltiner grandir, de Milène Tournier (née en 1988) est paru en juin 2022 aux éditions Lurlure. Il s'agit de son cinquième livre de poèmes. Avec L'autre jour (2020) elle a reçu le Prix de la Société des gens de lettres de la révélation poétique 2021. Elle est également l'auteure d'une pièce de théâtre, Et puis le roulis qui vient de paraître. Elle est docteure en études théâtrales de l'université Sorbonne Nouvelle.
En préambule, parlons pour une fois du contenant, car sans lui ce ne seraient que paroles en l'air. Les récentes (2015) éditions Lurlure proposent de beaux ouvrages. Comme les prestigieuses éditions Rougerie ou José Corti, elles offrent un écrin à l'auteur et ses lecteurs ce qui n'est pas toujours le cas. Je me souviens de la criminelle mise en page des éditions Curendera des oeuvres complètes d'Alain Borne, un des plus grands poètes de l'amour avec Gaston Miron ; ses merveilleux poèmes étaient devenus illisibles ! Et cette maltraitance de Verlaine lui-même par la fameuse Pléiade (publication de 2002) qui décapite « Beams » de son premier quatrain et balance les corps des trois autres sur la page suivante ! Non, ici, c'est sérieux, appliqué, respectueux du travail du poète. de celui qui aime les textes de « ses » auteurs et la Poésie, et leur fait belle demeure. Rappelons que les vrais éditeurs de poèmes ne sont pas là pour « faire de » mais pour « rentrer dans » leur argent. L'ouvrage possède une belle et quasi intachable couverture à larges rabats, les cahiers sont collés solidement au dos. Les pages sont en joli papier crème qui font émerger agréablement les îlots des textes de polices bien choisies. Un livre de bibliophile. Et j'aime beaucoup, sur l'avant dernière page, cette petite note d'imprimeur qui emmène comme une ode de Cendrars :
« le livre est composé en Menphis et en Plantin.
La couverture est imprimée sur du Symbol Tatami
et l'intérieur sur de l'Arena Bulk
des papèteries Fedrigoni. »
Et le contenu de Se coltiner grandir : c'est le p'tit bonheur de Félix Leclerc ! mais qui ne peut pas s'en aller puisqu'il est couché dans les pages.
Le Littré n'a pas l'entrée du verbe « coltiner », uniquement le substantif « coltineur » en hésitant même sur sa graphie : mot singulier ; la véritable orthographe serait-elle colletineur : celui qui porte sur le collet ? »
Le Robert, et les autres dictionnaires modernes nous le donne, sous sa forme familière « se coltiner » avec une notion d'exécuter un travail pénible qui serait attribué injustement. Alors ce titre, Se coltiner grandir ? « Se coltiner » peut-être parce que l'expression est relativement récente dans l'histoire de la langue française et que Milène Tournier est un poète du présent et même du quotidien. Et comme nous autres elle n'a pas choisi de naître et son corollaire, grandir. Et grandir aujourd'hui, comme de tous les temps, n'a jamais été sans ployer sous des « charges », la sienne ou celles des autres, et l'immense charge de la mort. Milène Tournier nous décline le sens de ce titre en douze opus plutôt que chapitres. D'abord, poète qui a pris confiance en sa poésie, elle recrée une genèse aux images inédites et donne le ton de son don métaphorique :
« le temps était dans l'espace comme un caméléon sur la lune. »
En n'oubliant pas qu'elle est humaine, actuelle :
« La terre n'avait pas encore pris sa bonne forme, comme s'assume soudain un col de chemise sous la main d'amidon qui le cartonne. »
Et bien sûr n'omettant pas Dieu, car il y a en elle quelque réminiscence de ces grands poètes religieux, Patrice de la Tour du Pin, Jean Mambrino, Gilles Baudry, Paul Claudel, Pierre Emmanuel, Jean Grosjean… (Et le mot dieu reviendra souvent tout au long du recueil)
« alors Dieu comme un enfant se mit à parler »
Vient ensuite l'opus de la naissance de l'auteure. On apprend qu'elle fut grande prématurée et que sa vie ainsi que celle de sa mère n'ont tenues qu'à un fil. « Se coltiner » commence donc tôt pour elle. C'est une partie plus narrative et extrêmement touchante où elle livre des témoignages notés par son père dans des classeurs.
« mon père écrivait très bien »
Le père de l'auteure a écrit dans un classeur ouvert plus tard par sa fille :
« J'ai eu un entretien avec le docteur L. qui m'annonce qu'on se dirige vers une mort foetale dans les quatre jours, qu'on attend la délivrance par voie naturelle… »
Et puis ça va ! Les deux sont sauves.
Et l'amour après l'épreuve est maintenant irréversible entre les trois.
« Été mère et mer,
Hiver et cheminée, père.
Synesthésie simple, de parents et saison. »
« La mère disait « les agapanthes »
Devant les agapanthes
Et je voyais des grands fauves »
Ensuite un opus, plutôt en prose poétique émaillé de tercets, où Milène Tournier excelle à décrire ses petits moments d'enfance sous forme de contes :
« Alice cherche son héros,
Un qui serait rapide comme un motard
Et calme comme un cloître. »
« Jette une montagne de couettes sur moi
Et que je sois, moi, le petit pois -
Plutôt que la princesse »
Et puis le premier amour, avec ce tercet lumineux :
« Tes pupilles
Comme deux toutes petites
Épiceries de nuit »
Et les moments des « Bains de ville » où l'on sent tout l'émerveillement de l'auteure à voir vivre les autres mais toujours avec grande empathie et la grâce magnifiée par Simone Weil (la philosophe).
« le clochard a des yeux de loup, comme son chien.
Quand on le lui dit il répond
Qu'ils ont le même père alors c'est normal. »
« J'ai regardé longtemps
La dame arranger les fleurs dans l'église.
La vie est longue, c'est pour laisser le temps aux gestes. »
De tous les opus c'est celui de la Crise d'enfance où j'ai trouvé les plus précieux trésors.
C'est innovant comme du Malcom de Chazal, ce poète qui rendait fous les surréalistes.
« Les larmes, c'est
La salive pour parler
Des yeux, pense l'enfant. »
« Elle a un spectacle dans son ventre
A dit l'enfant à sa mère
En montrant du doigt la femme enceinte. »
« Mais y'a aucun sommeil dans cette chambre ou quoi ?
Se plaint l'enfant
Qui n'arrive pas à s'endormir. »
« Dimanche soir, l'enfant pousse
De ses poings la lune
Pour ne pas que le ciel
Devienne lundi. »
Et l'auteure sait voir si tendrement aussi la vieillesse :
« Quand on lui a demandé mais pourquoi ?
La grande brûlée suicidaire a répondu
Qu'elle voulait un câlin. »
« Touche-moi pendant que je meurs
Suppliait
Dernières paupières battantes
À sa vivante
L'homme qui allait mourir. »
Et après la séparation du premier amour de l'auteure :
« Je veux te revoir
En chair
Soleil et os. »
Je ne peux citer toutes ces réussites car chaque page des 221 en contient de nombreuses.
Milène Tournier avec son coeur en lampe frontale ne cesse d'arpenter l'asphalte des villes et regarde pour voir jusqu'à l'émerveillement. Sa syntaxe s'est adaptée (sans jamais franchir la limite de l'hermétisme), comme celle Ramuz, à son désir de restituer la sincérité du monde.
Tout ça est d'une grande maturité poétique. Ses séismes sont maîtrisés et c'est un poète en activité comme un volcan. Il y eut cette fulgurance de Béatrice Douvre dans l'espace poétique de cette fin du XXe siècle, je crois qu'il y a celle de Milène Tournier en ce début de XXIe. Je lui souhaite de tout mon coeur, et pour tous les amoureux de la poésie, plus long destin.
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critiques presse (1)
Liberation
04 octobre 2022
Après le remarquable Je t’aime comme, la poétesse propose dans Se coltiner grandir rien de moins que son autobiographie – ou plutôt, un résumé des trente premières années de sa vie. Le livre commence par la Genèse, dans une réécriture assez jouissive du début de la Bible, pour se terminer à l’âge adulte. «J’en étais, dans ma vie, /A manger debout /Des pâtes mal cuites.» Pour ce faire, Milène Tournier emprunte des voies diverses, du récit à l’aphorisme, en passant par des quasi-haïkus, formes courtes qui sont autant de précipités.
Lire la critique sur le site : Liberation

Videos de Milène Tournier (5) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Milène Tournier
Avec Rim Battal, Vanille Bouyagui, Jacques Darras, Guillaume Decourt, Chloé Delaume, Arthur H, Paloma Hermina Hidalgo, Abellatif Laâbi, Christophe Manon, Virginie Poitrasson, Jean Portante, Omar Youssef Souleimane, Milène Tournier… Accompagnés par Lola Malique (violoncelle) et Pierre Demange (percussions)
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2024 rassemble 116 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique de la grâce. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie francophone de notre époque. Pour en donner un aperçu ce soir, douze poètes en lecture, accompagnés de musique.
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