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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
J'ai aimé lire ces lignes de Jean-Philippe Toussaint. Il nous raconte quelques instants de la vie de Monet, ces instants dans son atelier, pas seulement ceux où il y entre, mais surtout ceux où il peint les Nymphéas.
Les Nymphéas, qui ne connait cette célèbre toile de Monet, que le peintre a mis des années à peindre sans jamais la déclarer terminée.
Monet est à la fine de sa vie, l'atelier est son refuge et grâce aux mots de l'auteur nous l'imaginons parfaitement le pinceau à la main, perpétuel insatisfait. Il vieillit, et achever cette toile serait accepter sa mort prochaine.

Un texte sobre dont chaque paragraphe aborde une facette de la fin de la vie de Monet, sa peinture, sa vue qui baisse, son opération, le don qu'il fait à la France, ses hésitations sur la disposition des oeuvres.
Mais justement, et c'est là que je suis restée sur ma faim, un paragraphe c'est court, trop court. J'aurais aimé vivre un peu plus de ces instants, partager plus en détail ces instants de vie.
Un texte très riche, foisonnant, mais trop court à mon avis.
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Voilà un tout petit livre de 30 pages à peine de Jean-Philippe Toussaint, un auteur qu'on aime bien.

Ici il est question de Monet et de ces Nymphéas (ils ne s'appellent pas encore comme cela) en cours d'élaboration. Nous sommes pendant la Première Guerre mondiale, mais comment peindre sans penser à tous ces gens qui souffrent et meurent sur le champ de bataille ?

Une phrase revient comme un refrain, une litanie « Je veux saisir Monet, à cet instant précis où il pousse la porte de l'atelier... ». Jean-Philippe Toussaint décrit l'atelier dans la pénombre, au petit matin, avant que la lumière ne pénètre dans l'atelier de Giverny que le peintre a fait construire pour travailler ses toiles.

Il est question de Clémenceau, le vieux tigre, son meilleur ami, de passage à l'atelier et qui veut le convaincre de donner l'ensemble à l'Etat.

Quand il débute la série des Nymphéas, Monet avait déjà travaillé, depuis 1889, sur le principe de séries de peintures sur un même sujet, où seule la lumière varie, nous apprend Wikipédia. Dans la série « les Matinées », Monet a pu explorer tout le potentiel que pouvaient apporter les reflets aquatiques dans la construction des perspectives. Les Nymphéas de Monet font l'objet d'une étrange circulation des influences entre l'Occident et le Japon, apprend encore dans la célèbre encyclopédie.

Huit compositions de même hauteur.
Des combinaisons que Monet ne cesse d'interroger. L'ensemble forme une surface d'environ 200 m2 qui en fait une des réalisations les plus monumentales du siècle. Monet a peint ces compositions pour qu'elles soient suspendues en cercle, comme si une journée ou les quatre saisons s'écoulaient devant les yeux du spectateur, nous dit encore.

Mais « Peindre, c'est oublier ses tourments intérieurs, c'est tenir à l'écart le passage au néant dont il sent l'imminence » écrit Jean-Philippe Toussaint. Finir les Nymphéas, c'est accepter la mort, c'est consentir à disparaître ; mais ça il n'en est pas question. Il ne lâchera pas, il ne consentira pas reconnaître que son oeuvre est « achevée » et il ne peut pas laisser ces panneaux partir pour l'Orangerie.

Et il ne cessera de reprendre et de s'obstiner face à ses toiles. « Il pose délicatement une touche sur la toile, il nuance, il accentue. Il n'est pas satisfait, il efface, il insiste, il recommence. (..) Monet s'obstine, il reprend, il retouche ». Et il en sera ainsi jusqu'à la fin.

J'ai vu récemment un documentaire intitulé « Clémenceau dans le jardin de Monet » sur ARTE et c'est bien ce même moment des Nymphéas incessamment repris que l'émission retrace.

De Jean-Philippe Toussaint j'ai lu « la clé USB », « la vérité sur Marie », ou encore « Fuir » et j'aime bien son style contemporain et son art poétique.
Avec « l'instant précis où Monet entre dans l'atelier », c'est à une invitation à retourner à l'Orangerie que l'auteur se livre, pour nous inciter à plonger dans les bleus, violets, verts et autres couleurs sublimes de reflets aquatiques que le monde entier vient regarder – une peinture intemporelle qui n'a pas fini de nous fasciner.
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Ce qui frappe chez Toussaint, c'est toujours la clarté du style, la transparence du propos, la précision du détail. Il tente ici de nommer, de décrire, de dire une traversée, une transition : le passage de la vie à l'art, du commun au sacré, un moment de basculement, hors du temps, de l'espace, de l'Histoire où le créateur s'apprête à créer. L'instant est fugace, éphémère. Il faut être vif « je veux saisir ce moment-là », précis « où il pousse la porte de l'atelier », nuancé « dans le jour naissant encore gris ». Saisir ce moment relève du miracle. Parce qu'il faut dire ce que personne ne voit. Capturer l'instant magique, le passage à l'acte créatif, c'est révéler le sublime, réitérer le miracle. L'auteur « veut ». Rien ne dit qu'il pourra. C'est un pari. Et ce « je veux » a quelque chose de performatif. À ce moment-là, l'écrivain écrivant se situe lui-même à une frontière, à un seuil, à l'aube même de son texte. Rien n'a commencé, rien n'est arrivé. Pour lui aussi. Rien n'est écrit. Il « veut » follement. Fabuleux désir. Énergie en fusion. Et pour saisir l'essence de Monet, il va passer par son « je » de créateur -l'homme à l'aube, dans le silence- à un « nous ». Sans que l'on s'en rende compte, il aura suffi d'une page à l'auteur pour nous entraîner, nous lecteurs, dans l'atelier « de l'autre côté de la porte » et nous faire témoins du miracle de l'art, initiés. Toussaint s'est fait passeur. Il nous porte, nous ouvre les yeux devant « les nuances de bleus », « la lumière déclinante », « l'apaisement du monde ». Nous observons alors quelque chose de sacré. le prodige se réalise : la vie déposée sur la toile dans une fabuleuse « opération de transsubstantiation », une « conversion de la substance éphémère et palpitante de la vie en une matière purement picturale. » Et du monde, déjà, nous avons glissé dans la toile, de l'autre côté, « paysages d'eau et de lumière, fragments de branches inclinées de saules pleureurs, reflets bleutés, ciels, transparences. » Matière à jamais inachevée, toujours vivante, mouvante, en déplacement.
Par les mots, le miracle a lieu. Et nous en sommes les témoins. Rien ne nous a été totalement dévoilé et pourtant, tout est clair.
Le mystère demeure.
Mais nous avons vu.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Voici une miniature littéraire, une mignardise, consacrée aux Nymphéas de Monet. Que dire de plus sans dévoiler quelque chose. Si ce n'est qu'à défaut de s'appeler Toussaint et d'avoir tout son passé éditorial, ces quelques pages n'auraient sans doute jamais été imprimées, si ce n'est à compte d'auteur.
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A l'instant où il entrait dans son atelier où il peignait les Nympheas, que quittait Monet? Son jardin de Normandie, la grande guerre au loin, le rappel de son âge vieillissant, le jour où il terminerait son oeuvre?
Jean-Philippe Toussaint imagine cet instant de transition où Monet passe de la vie à son art, où il se prépare à peindre, posant sa tasse de café, réorganisant ses pinceaux, réfléchissant déjà à la présentation de ses Nympheas quand ils seraient prêts à être exposées à l'Orangerie.
Je garde un souvenir grandiose de l'exposition des Nympheas quand j'étais à Edimbourg, dans les années 2000, et ce court récit m'a bien plu car il m'a permis d'essayer de me mettre un instant dans la vie de Monet, peintre que j'admire.
Ceci dit, je suis un peu choquée de voir que ce texte de 28 pages est vendu 6,50€, le prix d'un roman de poche de plusieurs centaines de pages... est-ce vraiment nécessaire, pour un texte agréable certes mais pas non plus transcendant?
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Précis, court, interprétatif. le sujet vaut surtout par la plume vive de Toussaint qui transforme un instant en objet littéraire. le lecteur accompagne Monet sur le pas de son atelier et suggère les émotions du grand peintre face à l'immensité de ses toiles.
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Bonsoir,
« L'instant précis où Monet entre dans l'atelier » c'est le titre d'une nouvelle de Jean-Philippe Toussaint Jean-Philippe Toussaint chez Les Éditions de Minuit mais c'est aussi l'introduction de chaque partie et le moment précis décrit dans le livre. Nous avançons comme cela par étapes dans la vie de Monet chaque fois qu'il franchit la porte de son atelier. Nous sommes surtout dans la période des Nymphéas. J'ai d'ailleurs après la lecture de ce petit ouvrage une folle envie de me rendre au Musée de l'Orangerie pour me plonger dans la contemplation de ces oeuvres. C'est le rapport de l'artiste avec le temps qui passe et la « fin » de son ouvrage, est-il vraiment achevé ? C'est aussi le temps qui passe et qui change la perception que l'on a de l'oeuvre. Une lecture rapide pour un grand chef d'oeuvre qui donne envie d'en découvrir plus sur Monet.
Quatrième de couv. À travers une seule image, obsédante, lancinante, celle qui capture l'instant précis où Monet entre dans son atelier, je me suis efforcé de peindre les dernières années de la vie de Monet. C'est dans ce grand atelier de Giverny où il a peint les Nymphéas qu'il se sent à l'abri des menaces du monde extérieur, la guerre qui gronde aux environs de Giverny, la vieillesse qui approche, la vue qui baisse inexorablement. C'est là, dans l'ombre de la mort, qu'il va entamer le dernier face-à-face décisif avec la peinture. C'est là, pendant ces dix années, de 1916 à 1926, que Monet va poursuivre inlassablement l'inachèvement des Nymphéas, qu'il va le polir, qu'il va le parfaire. (J.-PH. T.)

Ce texte sur l'atelier de Monet a accompagné un film d'Ange Leccia qui a fait l'objet d'une exposition du 2 mars au 5 septembre 2022 au musée de l'Orangerie.
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"Je suis si pris par mon satané travail qu'aussitôt levé, je file dans mon grand atelier." Monet

C'est par cette phrase en exergue que débute ce très court livre, puis par ces mots de JP Toussaint dont les tout premiers se répéteront : "Je veux saisir Monet là, à cet instant précis où il pousse la porte de l'atelier dans le jour naissant encore gris." (p.9)

Et l'auteur raconte comment le peintre s'attelle à la tâche des Nymphéas, sa dernière oeuvre qu'il ne jugera jamais achevée : "Monet met toute son énergie, non pas à terminer les Nymphéas, mais à poursuivre leur inachèvement, à le polir, à le parfaire." (p.20)

JP Toussaint parle de la création artistique, de l'âge qui avance et des oeuvres qui survivent à son auteur et qui inoubliables, tellement célèbres, surpassent leur auteur dont on ne retient que le nom, parfois associé au prénom. Sur ces vingt pages, il brosse les dix dernières années de la vie du peintre, uniquement lorsqu'il entre dans son atelier, absorbé par ses toiles, les rituels inchangés malgré l'âge, la maladie.

C'est très beau, très fin, JP Toussaint est parvenu à une épure rare. Malgré tout cela, ce n'est pas le texte de l'auteur que je préfère, il ne me convainc pas totalement, sans doute trop court -un comble pour moi qui n'aime pas les gros livres-, la sensation qu'il reste un peu en surface ; je n'ai pas eu ce moment où je sens que je suis dans un texte qui me touche vraiment, comme c'est souvent le cas avec les autres livres de l'auteur. Mais reste que vingt pages de JP Toussaint sont toujours préférables à 400 pages de certains autres, dont évidemment, je tais les noms pour ne pas faire de peine à ceux qui, inévitablement referont parler d'eux en septembre...
Lien : http://www.lyvres.fr/
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Un tout petit livre délicat qui s'attache à l'obsession de la fin de vie de Monet, Les Nymphéas. L'écriture élégante et précise joue sur les sens. "Il tire sur sa pipe et observe à distance un frémissement dans les herbes du rivage, un souffle dans les branches, une fugitive vibration de lumière à la surface de l'étang." C'est aussi une méditation sur la peinture et l'art, la vieillesse et la vie.
"Ce qu'il dépose, jour après jour sur la toile, ce n'est pas tant des couleurs mouillées d'huile dans leur matérialité moelleuse , c'est la vie même , dans ses infimes variations, métamorphosée en peinture."
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Très joli exercice d'admiration de Jean-Philippe Toussaint envers Claude Monet. Exprimer en quelques mots la magie de la touche impressionniste de Monet tient d'une gageure, brillamment relevée par l'écrivain.
En quelques feuillets, il touche au plus près du moment de la création, en captant pourtant les tourments de l'artiste face au pied du mur, celui de l'oeuvre ultime des Nymphéas alors que sa vue le quitte.
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