Petit pêché d'orgueil pour
Lewis Trondheim : en publiant ce récit inachevé et improvisé, l'auteur nous montre une fois de plus une certaine virtuosité dans le maniement du scénario et de la mise en scène. Quelques passages sont d'ailleurs très amusants (le héros qui tente avec maladresse de jouer à l'agent double en s'enfermant dans la cellule d'un témoin m'a bien plu) le problème, c'est que tous les lecteurs de
Trondheim savent déjà ce dont est capable cet auteur. Oui :
Trondheim sait improviser des histoires, oui : il sait écrire des dialogues. Oui, il peut étirer une intrigue sur plus de 250 pages... Il n'a plus rien à prouver en ce domaine.
Au fil de la lecture, ce récit purement axé sur l'aventure et l'humour perd progressivement de son sens et on se surprend à poser le livre en plein milieu d'une action en se demandant : « Pour
quoi l'Association a-t-elle publié ça ? » On commence à lâcher l'histoire en se disant que l'intérêt du livre réside peut-être davantage dans le processus de création de l'auteur. On est alors plus attentif aux dialogues, on se rend compte que certains textes sont mal tournés, certaines phrases peu françaises, certains dessins un peu bâclés et d'autres hyper chiadés... ben oui, c'est une sorte de brouillon, en fait, avec ses qualités et ses défauts. Et le lecteur ne peut pas se plaindre : on l'avait prévenu dès la première page.
D'accord, mais dans ce cas, une autre question se pose : pour
quoi publier ce livre sur un aussi beau papier ? Pour
quoi ne pas aller à fond dans le concept du brouillon ? papier recyclé d'un plus faible grammage, imitation de fanzine ou de revue populaire dans lesquelles ont pouvait lire autrefois des feuilletons ? du coup, le prix aussi aurait pu être un peu plus « populaire ». L'Association aurait pu réfléchir davantage à la ligne éditoriale : le décalage entre l'objet en lui-même et son contenu donne une impression de tromperie sur la marchandise.