Voilà longtemps que je ne l'avais pas fait mais je vais effectuer cette lecture en prise de note et donc une critique globale viendra à la fin mais pour l'instant je vais noter tout ce que je veux pouvoir retrouver rapidement.
Je me bats avec mon entourage depuis des années pour mettre en lumière le patriarcat et les violences contre les femmes en son sein, à tous les niveaux, sur tous les sujets, très récemment je me suis heurtée à la réaction butée d'une amie pharmacienne concernant le milieu médicale et de deux ami.e.s avocat.e.s concernant leur propre milieu. Aucune n'a voulu admettre, ni même entendre, qu'il y avait un problème avec les médecins et avec la justice. J'ai regretté de ne pas pouvoir leur renvoyer des chiffres concrets à la figure. Avec ce livre je compte bien ne pas me retrouver dans l'impasse une seconde fois face à des avocats un peu trop sûrs du système dans lequel ils évoluent...
p.12 : Chiffre noir = différence entre la criminalité réelle et celle enregistrée. 2011 - 2018 enquête du ministère de l'intérieur estime 230 000 victimes de violences sexuelles dans la tranche 18-75 ans dont 80% de femmes. 80% ne signalent pas les faits aux forces de l'ordre. Ceux et celles qui s'y rendent déposent finalement plainte 4 fois sur 10.
Chiffre gris = différence entre les faits constatés et ceux poursuivis par la justice : 70% des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite.
10% des viols font l'objet d'une plainte, parmi ces plaintes, 10 à 15% aboutiront à une condamnation criminelle, seulement 1 à 2% finiront aux assises.
L'expression "tribunal médiatique" bien pratique mais un peu fourre-tout, la presse a toujours eu vocation à produire son propre travail d'investigation qui peut nourrir la justice mais pas la remplacer (à commencer par l'affaire Dreyfus) parfois des articles déclenchent des procédures (Haenel, Springora, Abitbol,
Kouchner..) + la presse n'est pas empêchée par la prescription des faits. Donne une voix à des victimes qui auraient pu ne jamais en avoir.
L'idée qui revient pour débloquer la situation et le mauvais traitement des victimes dans les tribunaux c'est tout bonnement d'inverser la charge de la preuve. Ce sera à l'accusé de prouver qu'il y a eu consentement et non pas avec un morceau de papier signé comme beaucoup ironisent dès qu'on aborde le sujet mais avec des preuves indirects : témoins, sms etc. de la même façon en fait que les victimes doivent aujourd'hui prouver qu'il y a eu contrainte et/ou violence.
Ce que je retiens de plus en plus et ce que je voudrais que les gens comprennent c'est qu'il ne s'agit pas tant de punir que de dissuader. Dès lors que les hommes (désolée pas désolée, ils représentent 96% des agresseurs) perdront leur sentiment d'impunité, je suis convaincue que ces "pulsions incontrôlables" et ces "mauvaises lectures de consentement" disparaîtront massivement !
Est abordée la fameuse question de la présomption d'innocence et il est rappelé que c'est une notion d'ordre pénal, qui ne s'applique pas aux journalistes ou aux citoyens, bien que chacun doivent répondre à d'autres obligations (respect de la contradiction pour les journalistes par exemple) et qu'il faudrait arrêter de s'appesantir sur le mot "innocent" en ignorant plus ou moins le terme "présumé", l'idée est quand même bel et bien de prouver la culpabilité. Des avocats soulèvent également la question : pourquoi s'offusque-t-on et brandissons-nous ce joker tandis qu'on ne l'entend jamais dans le cadre d'affaire financières, de délinquance au quotidien ni même dans le terrorisme ? Parce que les violences sexuelles ne sont pas encore sorties complètement de la sphère privée, on n'accepte pas l'idée que c'est un sujet d'intérêt général.
Autre point souligné : on s'insurge pour celui qui est accusé, rarement pour celle (et parfois celui) qui accuse : où est la présomption de véracité ? On va présumer qu'il y a mensonge parce qu'il y a un biais sexiste apposé à toutes les accusations faîtes par des femmes. (ex : Nafissatou Diallo)
Irène Théry milite donc en faveur d'un "crédit de véracité" ce qui reviendrait à dire en cas de non lieu, non pas que la victime aurait menti mais "on ne sait pas" moins brutale tout de même lorsqu'il s'agit de procès "parole contre parole"
Bien évidemment, l'accueil de la parole des victimes est évoquée et notamment les défaillances du système. Est souligné malgré tout le fait que "ça va mieux" il n'empêche qu'aujourd'hui les femmes faisant la démarche ne sont que 10% à porter plainte finalement. Alors que des systèmes fonctionnent mieux : maison des femmes (jusqu'à 68% des victimes portent plainte en passant par ces maisons.) et en Belgique également, des centres dédiés se multiplient du fait de leur plus grande efficacité à traiter les violences sexuelles. La France a, pour changer, un train de retard sur le sujet.
Le problème des moyens : bah il est là, il est évident (cf citation sur l'investissement de l'État), il n'y a pas débat mais surtout ça implique qu'il n'y a pas d'égalité pour les justiciables : plus tu as d'argent, plus tu as de chance d'être bien représenté et d'avoir un procès équitable. L'aide juridique en France est l'une des plus basses d'Europe : 450€ TTC globalement ça revient à payer l'avocat 1.50€ de l'heure. La blague. Comment veut-on qu'ils s'investissent ?
Dans l'avant dernier chapitre est soulevé un point très intéressant : que veulent les femmes victimes d'agressions sexuelles et/ou de viol ? Quelle forme prend la réparation ? et si on leur posait la question ? À y regarder de plus près, on est loin de l'idée de vengeance absolue, laissons ça aux films, la plupart du temps il s'agit avant tout de reconnaissance, de se décharger du poids de cette blessure, d'obtenir des excuses.
(à suivre)