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4,02

sur 223 notes
C'est parce que j'ai adoré "Consolée" que je n'ai pas hésité à emprunter le premier roman de Beata Umubyeyi Mairesse lors de ma dernière visite à la bibliothèque. Sans être un coup de coeur comme "Consolée", je garderai quand même un très très bon souvenir de "Tous tes enfants dispersés".

On suit tour à tour trois personnages, de trois générations différentes : Immaculata, Blanche et Stokely. En plus de faire partie de la même famille, c'est l'histoire du Rwanda qui les relie (génocide des Tsuti et guerres civiles), que l'on perçoit donc de trois points de vue différents, chacun l'ayant vécue différemment.

Immaculata est Tutsi. Elle a deux enfants, Blanche et Bosco, la première d'un père Blanc, le second d'un père Hutu. Elle a vécu la guerre, soit en prison, soit cachée dans la cave d'un libraire et voisin Hutu. Elle a perdu quasiment tous les membres de sa famille, tués dans le génocide. Elle a passé un certain temps après coup à rassembler tous leurs ossements afin de leur offrir une fin plus "digne". Mais les drames n'en ont pas fini avec elle, elle en perdra l'usage de la parole et se réfugiera un peu plus dans le silence...

Alors que son fils a fugué pour s'enrôler dans l'armée, elle enverra Blanche auprès de son père, en France, avant les terribles événements rwandais. Elle espère pour sa fille une vie plus occidentale, loin de la guerre. Si cette dernière n'en oublie pas ses racines, c'est en France qu'elle restera, elle finira ses études et rencontrera le père de son fils, Stokely. L'éloignement de son pays natal et des siens, ainsi que les non-dits, les secrets et enfin les silences d'Immaculata, appuieront davantage le rejet dont Blanche s'est toujours sentie victime...

Stokely, quant à lui, parce qu'il a un problème de santé, ne peut visiter le pays natal de sa mère. C'est donc sa grand-mère, avec qui les liens sont très forts, qui viendra à lui. C'est avec lui qu'Immaculata prononcera les premiers mots tus depuis si longtemps, c'est ainsi qu'il commencera à s'intéresser à l'histoire du Rwanda...

Immaculata a les deux pieds au Rwanda, Blanche n'en a plus qu'un seul et Stokely aucun. L'histoire familiale de chacun est la même, mais racontée dans trois perspectives différentes. C'est fort, intense, parfois douloureux, tant par les événements que par les relations entre les protagonistes. Un peu comme un roman choral, tantôt narré à la première personne, tantôt à la troisième, Beata Umubyeyi Mairesse nous plonge dans son récit de manière fort envoûtante. J'ai retrouvé son style poétique, tout en finesse, qui m'a conquise une nouvelle fois.

Beata raconte la guerre et le génocide, et les drames familiaux, visiblement en connaissance de cause. Elle-même originaire de Butare (comme Immaculata) et survivante du génocide des Tsuti (comme Immaculata également), vivant aujourd'hui à Bordeaux (comme Blanche et Stokely), on ne peut que ressentir la dimension personnelle à travers l'histoire de ses trois personnages. C'est un morceau d'elle qu'elle nous partage, et ça n'en est que plus percutant et poignant.

Un récit très facile à lire, malgré les événements éprouvants.
Une plume toujours aussi enchanteresse.
Des personnages abîmés par la guerre et/ou un passé familial douloureux, attachants, intéressants.

Un très beau premier roman.
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Blanche revient au Rwanda auprès de sa mère, Immaculata, et de son frère, Bosco, après avoir fui le pays au moment du génocide de 1994. Mariée à un Antillais, elle est à présent maman d'un petit garçon métis, Stokely. Au sein de la maison familiale de Butare, elle espère pouvoir enfin entendre la voix de cette mère si secrète. C'est une forme de dialogue silencieux qui se met en place, alternant les points de vue de Blanche, D'Immaculata et d'un narrateur omniscient qui pourrait figurer cette troisième génération qu'est Stokely. Sous une pudeur et avec une retenue trompeuse les deux femmes dévoilent leurs doutes et leurs douleurs, Immaculata tournée vers Bosco, ce fils qui n'est jamais vraiment revenu de la guerre et Blanche, fragile et maladroite devant le besoin d'identité de son propre fils.
L'incipit est tout simplement magnifique. Les mots ont été travaillés, les phrases ciselées, j'ai tout à coup entendu la pluie tomber sur la tôle des toits de Butare. Beaucoup de sujets de débats féministes actuels sont soulevés par Beata Umubyeyi Mairesse, et cela tout en délicatesse. En parallèle, l'horreur du génocide n'en est que plus prégnante et s'imprime littéralement dans nos esprits. Les métaphores utilisées par l'auteure sont enivrantes, oniriques presque.
Magnifique.
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Comment trouver des mots - baume pour rafistoler l'histoire d'une famille meurtrie , à la mémoire si douloureuse?

Ou plus encore ,ce que lui lègue les déchirures d'un passé tapi en embuscade, un amour aux sentiments camouflés ,amour filial éclaboussé de secrets à travers le génocide des Tutsi ,au Rwanda , en 1994 ?

Comment réparer , recoudre l'inconcevable, l'inimaginable ?

Retrouvailles pulvérisées, retrouvailles de coeurs en lambeaux ......

Tout au long de ce premier roman magnifique qui porte la voix de trois générations : une mère: Immaculata qui n'a jamais quitté le pays aux mille collines et a toujours gardé le silence sur l'origine de ses deux enfants, une fille : Blanche, partie vivre à Bordeaux après avoir fui le génocide des Tusti de 1994, un petit- fils : Stokely l'auteure apprivoise les silences , le poids des non - dits destructeurs, les sources d'incompréhension , la lourde tension qui menace l'unité de cette famille profondément blessée., violence extrême , absurde, complexe entre Hutus et Tutsis , ravages des conflits guerre, , massacres , tourbillon de l'histoire rwandaise , atrocité ....

Ce récit polyphonique soulève avec des mots justes , forts, poétiques, le couvercle du chagrin.
L 'auteure offre une alternance de points de vue tout à fait intéressante , s'y ajoutent des thèmes puissants comme la question de la maternité, le courage des mères à travers des portraits touchants,——-une ode en fait à ces mères donneuses de vie——la filiation, le racisme et le colonialisme ——l'identité , les difficultés liées au métissage——-

Le tissage fragile de ces trois voix , superbe, intime, sensible, âpre , la langue importante qui peut blesser, diviser, éloigner , les silences lourds, la résilience , la révélation , la libération vont de pair avec ces liens intenses parfois violents entre les femmes de cette famille , : «  Une famille qui ne se parle pas est une famille qui meurt » ,la fin de l'ouvrage donne de l'espoir , heureusement , la vérité se trace un chemin à travers le dialogue entre une grand - mère et son petit fils....

Un livre à la beauté rare, douloureuse , dépaysante sans complaisance , ni misérabilisme.
Bouleversant , éblouissant , pétri d'humanité , sublimé par le style caressant , exotique , ( proverbes rwandais ) , parfois rude aussi .
Une pépite littéraire !
«  Vous êtes revenus vivants mais tout avait changé » .
«  le chagrin ne tue pas , il abîme » .
«  le silence est mon seul bouclier » .


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Excellent roman mêlant plusieurs thématiques, qui m'a touchée tant par la trame-drame du récit que par l'écriture de l'auteure, d'une grande délicatesse poétique.
Un grand oui à cette histoire qui nous fait revivre de l'intérieur la tragédie du génocide rwandais et les cicatrices indélibiles qui marquent le coeur de ce peuple résilient malgré tout. Un grand oui à ces personnages aux vécus lourds et douloureux, qui nous racontent leur coeur souffrant avec beaucoup de justesse et de retenue. Les liens familiaux, les héritages psychologiques, culturels, intimes, sont mis en mots avec pudeur et vérité.
Ce roman est le métissage de multiples sujets qui s'entremêlent les uns les autres de manière harmonieuse, chacun soutenant l'autre. J'ai l'image d'une belle tresse africaine, dense, épaisse, bien serrée, ornée de quelques perles colorées : une mêche de relations intergénérationnelles (relations mère-fille, mère-fils, grand-mère-petit-fils...), une mêche d'Histoire (le Génocide), une d'exil (en France, afin d'échapper à une mort probable), une énorme mêche de psychologie (culpabilité, remords, regrets, solitude,résilience, pardon,...), une plus culturelle (us et coutumes rwandais), le racisme (le sentiment d'exclusion ressenti par les métis, ni blancs ni noirs, se sentant exclus des deux communautés...), le retour aux origines, ...
Le seul petit point qui fait que l'ultime étoile reste grise est l'écriture. Quoi, me direz-vous, vous l'avez pourtant encensée il y a à peine quelques lignes!!! Oui, je ne me renie pas, j'ai adoré l'écriture de l'auteure, sensible, poétique, pudique... mais j'ai trouvé dommage que, faisant parler plusieurs personnages aux âges, cultures et âge très divers, elle utilise exactement le même langage, les mêmes formulations... ce qui est très crédible pour la grand-mère empreinte de la sagesse de l'âge, mais ne semble pas très naturel dans la bouche d'une jeune petit français pré-ado...
A lire le remue-coeur et l'ouverture culturelle et historique !
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Il est rare pour moi de suivre un écrivain dans sa progression. J'ai plutôt lu les écrivains quand ils étaient déjà renommés, et ne lisais ensuite leurs premiers romans qu'après avoir découvert leurs oeuvres majeures. Grâce à Babelio et à la Masse critique, j'ai pu découvrir Beata Umubyeyi Mairesse par son recueil de nouvelles Lézardes, qui m'a poussé à lire ensuite son premier recueil Ejo. J'ai pu ainsi découvrir une auteure au style précieux, qui a le talent d'exprimer le non-dit, le secret, les sous-entendus. Une écriture que j'aime à dire simple dans la complexité.

Lire son premier roman était donc une évidence, qu'un cadeau de mon épouse me permet de réaliser. Je m'y suis attelé, impatient de découvrir comment elle avait pu à la fois préserver et faire évoluer sa phrase dans un exercice au plus long cours.

Elle a tout d'abord eu l'intelligence de choisir un sujet autobiographique, car quand on affronte un exercice tel que le roman, il est plus simple de s'atteler au sujet que l'on connait le mieux. On sent que quelques détails différent de la vérité, on peut même en vérifier certains (Beata a fui le Rwanda à 15 ans, l'héroïne de son roman à 20). Elle nous permet ainsi de nous plonger dans l'imaginaire, tout en faisant de nombreux clins d'oeil à la réalité (dans l'analyse du nom kynarwandais de son personnage par exemple).

Ma plus grande attente (et donc forcément un peu crainte) était lié au style que j'avais adoré dans les nouvelles et que je souhaitais retrouver intact dans le roman. Là encore, l'auteure a su, en adoptant des chapitres "points de vue" où elle raconte l'histoire depuis le prisme d'un des trois personnages principaux - la grand-mère, la mère, le petit-fils - adapter sa narration pour préserver ses mots.

On retrouve donc cette danse autour du sens, qui utilise de nombreuses figures de style pour rendre l'innommable. Le roman est un peu construit en spirale, on ne fait qu'effleurer les sujets de loin au début, comme des endroits douloureux qu'il ne faut pas aller fouiller. La forme romanesque force l'auteure à finir par y aller plus en profondeur vers la fin, là où la nouvelle lui permettait de rester dans la suggestion. Mais on retrouve à chaque moment ces précautions, cette légèreté qu'elle a su diffuser dans ses précédentes oeuvres et qui restent pour moi sa marque de fabrique.

J'ai aimé aussi retrouver cette simple complexité dans les sujets abordés. En effet, du livre autobiographique d'une Rwandaise exilée, on serait tenté d'attendre un récit centré sur le génocide. L'auteure recadre son lecteur: la vie est bien plus complexe que cela. Toutes ces victimes du génocide ont eu une vie avant, et les rescapés ont une vie après, Ejo, (mot signifiant à la fois passé et futur en kinyarwanda) résume bien ce choix. Bien sûr que le génocide a tout bouleversé, mais rien n'était simple avant. Les sujets abordés sont donc multiples: la transmission, les rapports entre les générations, le racisme, l'identité, la recherche des origines pour mieux comprendre son histoire.

La simplicité est beaucoup plus complexe qu'on ne croit, la complexité finalement mieux retranscrite par la simplicité d'une phrase qui sait la saisir par des envolées poétiques qu'on ne sent pas arriver, et des retours à une dure réalité sans recherche de vengeance, sans animosité, avec simplement l'envie d'être un passeur de maux. Rien n'est totalement triste ou mauvais, comme la dispersion de ses enfants qui peuvent ainsi germer et donner de beaux fruits porteurs d'espoir.
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«Retrouvailles de coeurs en lambeaux»

Dans ce beau premier roman de Beata Umubyeyi Mairesse une famille séparée par le génocide rwandais essaie de renouer les liens distendus au-delà des générations et des silences et d'oublier les fantômes qui la hante.

1997 à Butare, au sud du Rwanda. Blanche revient dans ce pays qu'elle a quitté trois ans plus tôt. C'est l'histoire de ses retrouvailles avec sa famille que nous raconte Beata Umubyeyi Mairesse dans ce premier roman à forte densité dramatique. Car les mots ne veulent plus sortir, les liens sont trop distendus. Car chacun combat d'abord ses propres fantômes.
Immaculata, la mère de Blanche, a perdu ses maris. le père de Blanche est un ingénieur français qui a filé en métropole sans demander son reste, laissant son épouse et ses deux enfants – elle a aussi eu un fils avec Damascène, un Hutu qui est parti à Moscou – affronter les mois plus difficiles de son existence. Elle parviendra à confier sa fille à des expatriés évacués par l'armée belge tandis que son fils Bosco part au front pour défendre son pays. Durant trois mois, elle vivra terrée dans une librairie avant que son fils ne vienne la sortir de cet enfer.

En reconstituant le puzzle familial, on se rend bien compte combien leurs trajectoires différentes les ont éloignés les uns des autres. Tout tes enfants dispersés est bien le roman de l'incommunicabilité. de la mère avec ses enfants, du frère avec sa soeur, du petit-fils avec sa grand-mère. Même si l'on sent bien qu'une âme innocente comme l'est Stokely, peut être le premier à dépasser les non-dits, les peines intérieures, les rancoeurs et les préjugés érigés au fil des ans. Stokely est le fils de Blanche et de Samora, un métis comme elle, rencontré à Bordeaux et avec lequel elle a eu envie de se construire une nouvelle vie.
Mais avant que l'enfant ne puisse s'exprimer et rendre la parole à sa grand-mère, il devra lui aussi franchir quelques obstacles. Né avec un frein de langue trop court, il devra être opéré. Baptisé par erreur Kunuma (qui se traduit par «se taire ou devenir muet»), il lui faudra devenir Kanuma («petite colombe») et apprendre le kinyarwanda pour s'ouvrir de nouveaux horizons.
Racontée à trois voix, cette histoire d'exil et d'oubli, de culpabilité et de pardon, de colonisation et d'accueil, de deuil et de naissance est aussi celle de femmes qui doivent apprendre à trouver leur voie – leur voix – dans un monde où les hommes entendent les soumettre, y compris en s'appropriant l'histoire et en la transformant. Bosco veut par exemple faire de sa soeur la complice des blancs chez qui elle habite désormais et dont le comportement durant le génocide fut loin d'être exemplaire.
Un thème que l'on retrouve dans le formidable roman de Yoan Smadja, J'ai cru qu'ils enlevaient toute trace de toi, et qui montre aussi combien les cicatrices sont difficiles à effacer, combien il est difficile de surmonter certains traumatismes.

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Ce livre m'a été conseillé par ma médiathèque, autrement je n'aurai jamais eu l'idée de le lire. Et je serai passée à côté d'un récit bouleversant et d'une grande beauté. Ce qui est assez paradoxal puisqu'il raconte la vie d'une famille rescapée du génocide rwandais. L'écriture est belle, jamais crue, jamais dans la description des atrocités vécues, mais avant tout dans l'émotion et dans la recherche de reconstruction et de vérité. C'est un livre bouleversant d'humanité. Je recommande fortement.
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Comment transmettre quand les mots n'existent pas pour raconter l'horreur ?

Immaculata qui s'est terrée dans une cave durant les 100 jours du génocide rwandais a réchappé à la barbarie où l'inventivité de l'homme n'avait pas de limites pour faire mourir son ennemi imaginaire de la plus atroce des façons. Immaculata n'est peut être pas morte sous les coups de machettes, n'a peut être pas subi la massue hérissée de picots, mais elle n'est plus vivante. Ceux qu'elle aimait ont tous été décimés.

Lui reste ses enfants. Bosco, à moitié Hutu et Tutsi, parti combattre... Et sa fille Blanche métissée d'un père français qu'elle a exilé en France peu avant, quand couvaient les prémices de la catastrophe.

Quand Blanche rentre au pays, elle tente de comprendre... Et elle deviendra une passeuse d'histoire malgré le mutisme de sa mère.

C'est tout en poésie et en suggestion que cette tragédie nous est contée. Elle laisse aussi deviner toute la complexité de la naissance de ce conflit soi-disant ethnique, dont les racines prennent naissance avec la racisation par les colons blancs, les responsabilités politiques belges et françaises et l'immobilisme de la communauté internationale.

Si vous avez aimé "Petit pays" (Gaël Faye), ce livre vous plaira certainement.
Quant à moi, il m'a donné envie de m'intéresser plus avant sur l'histoire de ce terrible génocide, alors que seulement quelques décennies au préalable le monde avait dit "plus jamais ça".
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J'avais eu la chance de rencontrer Beata Umubyeyi Mairesse à la sortie de son premier recueil de nouvelles, Ejo: nous étions un petit groupe venu assister à sa lecture, on avait pu parler, elle travaillait alors comme infirmière en Gironde et écrivait quand elle pouvait, d'où le format "nouvelles". Elle espérait pouvoir continuer à écrire.
Quelques années plus tard, voici son premier roman et une belle surprise: son écriture s'est densifiée, on sent immédiatement un vrai travail sur les mots, les phrases, le sens. Là où, dans Ejo, elle parlait de l'avant et de l'après génocide rwandais sans plonger en son coeur, ici elle prend son courage à deux mains et prend le génocide dans toute son ampleur, toute son horreur.
Blanche, Tutsi et sa contemporaine à quelques années près, a quitté précipitamment le Rwanda avec un convoi français lorsque les massacres perpétrés à Butare s'approchent de sa petite ville. Elle laisse sa mère sur place et son frère, parti se battre.
Quelques années plus tard, elle revient une première fois mais les relations ne sont pas faciles. D'abord parce que sa mère et son frère sont traumatisés de ce qu'ils ont vu et vécu, de tous les disparus qu'il a fallu retrouver, de tous les cadavres qu'il a fallu enterrer, de la violence sans nom qu'ont été ces massacres entre voisins, amis, tout cela au nom de la différence ethnique. Mais aussi parce que Blanche, par son père français (qu'elle n'a jamais connu) et son exil en France, se retrouve du côté des Français, ceux qui n'ont rien empêché, ceux qui ont fermé les yeux, ceux dont le gouvernement a même encouragé le massacre pour des questions de diplomatie politique.
Sur trois générations - Immaculata, la mère, Blanche, la fille et Stokely le fils né en France - se dessine le lourd héritage rwandais entre Hutus, Tutsis et colonialisme. le tout en moins de 250 pages consciencieusement ciselées et évitant toute démagogie.
Ce premier roman confirme que l'auteure a l'étoffe d'un grand écrivain qui a beaucoup à dire sur l'altérité, l'expérience personnelle face à L Histoire, les enjeux familiaux face aux tragédies, les différences culturelles et la (re) construction identitaire.
En cette année de triste commémoration, c'est un roman important et émouvant sur l'histoire rwandaise.
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Blanche, née d'un père français et d'une mère rwandaise, a réussi à fuir le Rwanda juste avant le génocide des Tutsis de 1994. Maintenant installée en France et mère d'un petit garçon, elle se remémore ses souvenirs et son retour au pays pour tenter de renouer avec sa mère Immaculata. Comment se construisent une vie, une culture, des racines ? Peut-on oublier, pardonner quand on a vécu même de loin l'horreur absolue ?

Quel beau livre que ce Tous tes enfants dispersés au titre issu d'une citation de la Bible, qui synthétise à la fois le courage d'une mère et la douleur de l'exil. Dès les premières pages, le ton si juste, le récit si original de l'auteure nous donne envie de savoir la suite et de découvrir l'histoire de ces 2 femmes, Blanche et Immaculata, dont les paroles se répondent au fil des chapitres. C'est un tout petit roman et pourtant si riche et si profond que j'ai souvent eu envie d'arrêter ma lecture, de ralentir, de savourer chaque ligne et chaque phrase, tellement l'auteure trouve le mot juste, la formule parfaite pour résumer un sentiment, une situation, dire tellement en si peu de mots.

Un tout petit roman et pourtant tellement riche, brassant de si nombreux thèmes, l'air de rien, sans y toucher : l'exil et la douleur d'avoir dû quitter son pays, d'être à tout jamais une étrangère ici et là bas, les racines, celles que l'on hérite de ses parents, celles que l'on se construit, celles que l'on possède sans même le savoir comme le jeune Stokely, fils de Blanche, né en France et pourtant tellement attaché au Rwanda ou celles que le mari de Blanche se donne, lui qui est né en France d'un père martiniquais qu'il n'a jamais connu et qui veut à tout prix cultiver son héritage en glorifiant les grands héros noirs de la lutte pour l'indépendance ou contre la ségrégation. Un tout petit roman qui reste toujours pudique, qui refuse de faire du sensationnalisme ou de déclencher l'émotion facile avec l'horreur du génocide et qui pourtant par quelques courtes phrases arrive à dire l'abomination, la violence destructrice, la culpabilité des survivants et le fait que rien, jamais ne pourra être pareil. Plus que tout c'est un roman qui arrive à être lumineux et rempli d'amour avec des thèmes aussi forts et graves, à nous passionner pour l'histoire de deux femmes "ordinaires" presque banales si ce n'est qu'elles ont croisé l'indicible.

Tous tes enfants dispersés est une lecture qui marque et un livre que j'aimerais relire pour en profiter et le savourer maintenant que je sais tout de l'histoire de Blanche et Immaculata et que tous les mystères ont été résolus. Une très belle découverte et j'espère un premier roman qui en appellera de nombreux autres tant l'auteure possède une plume hors du commun !
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