Lorsqu'un peintre nous parle d'un autre peintre qu'il considère comme un génie de son art.
Ce livre pourrait être résumé par la phrase en quatrième de couverture:
«Mais peindre c'est tromper son âme; peindre, c'est absorber un narcotique; vivre est le but; peindre, c'est le rêve; et la vie en pleine puissance, c'est la réalisation des rêves. » Kees van Dongen.
Aimer la vie, c'est aimer le ciel et la terre, et puis aimer les gueux, ceux du peuple qui sont leur propres maîtres, libres de disposer d'eux-mêmes. Ce sont eux que Rembrandt peindra, eux qui seront les modèles pour ses figures bibliques qu'il peindra lorsqu'il ne peindra pas de commandes de portraits de bourgeois. Le peintre de génie, loué et incompris, mourra seul et désargenté.
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Rembrandt est content. Amsterdam, pour lui, c'est tout,c'est le pire et le meilleur, la ville qui, dans l'espace le plus restreint, contient la plus grande partie de monde, l'endroit où les monstres arrivent au plus grand développement de leurs facultés, de leur génie. Amsterdam où tout afflue par les mers et par les terres, Amsterdam, c'est le grand ciel gris, la poursuite des grands nuages, les vents marins, les rêves au-dessus de la réalité. C'est la ville où il a son atelier, où il est maître de la lumière. Rembrandt est intoxiqué d'Amsterdam, il ne peut plus s'en passer.
Nouveau Christ, il gravit un nouveau calvaire. Trop humain pour être compris par ses contemporains et trop grand pour l'humanité, sa destinée est de souffrir. Plus grand est le génie, plus grande est la souffrance, plus grande aussi est la joie de créer et de donner.
Mais on ne lui laisse pas le temps de donner, on lui prend tout, on lui vend ses tableaux, ses collections, et on enlève même ses enfants. Il est jugé indigne d'administrer ses biens, indigne d'être libre, on lui laisse tout juste de quoi travailler, de quoi faire de nouveaux chefs-d'œuvre, de quoi enrichir, embellir l'humanité par la magnifique moisson de son œuvre.
Quelle sinistre plaisanterie que la justice humaine et quelle énorme farce que la civilisation !
Puisque Rembrandt vit largement, qu'il dépense tout ce qu'il gagne, qu'il achète des choses qui lui font plaisir, tous les dénicheurs de mauvaises raisons, tous les grippe-sous, tous les parasites, tous les médiocres lui tombent dessus, bourdonnent autour de lui. Ses parents même lui font des procès.
Le capitaine Ter Heyde bat en 1653, près des Dunes, la flotte anglaise et traverse le Pas de Calais avec un balai à son grand mat, pour indiquer qu'il l'a nettoyé des Anglais.
Il meurt dans un coin de sa grange comme un chien abandonné.
Kees Van Dongen. Les mille et une nuits.