Ce tome est le premier d'un nouvelle série de l'univers partagé Valiant. Il comprend les épisodes 1 à 4, initialement parus en 2012, écrits par
Fred van Lente, dessinés et encrés par
Clayton Henry, avec une mise en couleurs de
Matt Milla. La première couverture est réalisée par
Mico Suayan, celles des épisodes 2 & 3 par Arturo Lozzi, la quatrième par
Jason Pearson. Il est possible de lire cette histoire sans rien connaître de l'univers partagé Valiant.
Du temps de la Mésopotamie antique, Ivar Anni-Padda s'apprête à accomplir un sacrifice humain pour rendre la vie à son frère Gilad, mais son autre frère Aram est plutôt opposé à ce projet. Les choses ne se passent pas comme prévu. de nos jours, dans un parc d'attraction, situé dans l'Ohio, un peu orienté d'un point de vue religieux, Obadiah Archer passe un dernier test qu'il réussit avec facilité. Ses parents Joe Earl (un révérend) et Thelma (une membre du congrès) estiment qu'il est prêt à accomplir son destin : exécuter celui qui ne doit pas être nommé, à New York.
Obadiah Archer arrive à New York et tient son journal intime, à destination de Mary-Maria (une jeune demoiselle qui lui est chère). Il localise rapidement sa victime, grâce à un bidule technologique. Mais Aram Anni-Padda (surnommé Armstrong) se révèle être un drôle de lascar.
Pour la majeure partie des lecteurs, ce tome est l'occasion de découvrir 2 nouveaux personnages, même s'il s'agit en fait d'un redémarrage à zéro d'une série qui a compté 26 épisodes de 1992 à 1994, en majorité réalisée par
Barry Windsor Smith (voir Archer & Armstrong: The complete classic, omnibus). le point de départ est assez déroutant puisqu'il mêle l'ancienne Mésopotamie, avec un jeune homme endoctriné par ses parents qui semblent diriger une forme de secte, découvrant pour la première fois New York, avec un certain décalage entre ses convictions morales et ce qu'il observe. Il y a un autre décalage qui provient de la rencontre avec celui qu'il doit tuer : un individu d'une solide constitution, un peu enrobé, avec un penchant prononcé pour le bon vin, et une forme de résignation existentielle.
Fred van Lente joue sur ce décalage pour insérer une composante comique qui joue sur plusieurs formes d'humour. Il y a bien sûr l'effet déstabilisant pour Obadiah Archer de devoir composer avec celui que ses parents ont désigné comme étant l'homme à abattre, l'opposition entre ses valeurs morales et celles d'Armstrong. le scénariste n'en rajoute pas sur la naïveté d'Obadiah Archer, par contre il n'hésite pas à faire jouer le rôle du bouffon à Armstrong, que ce soit par les coups qu'il se prend (sans s'en trouver beaucoup plus mal), sa maladresse, ses trous de mémoire, ou sa forme de détachement qui le fait s'intéresser à des futilités en pleine action.
Fred van Lente joue également sur une forme d'humour visuel, qu'il s'agisse d'Armstrong balançant Archer au travers d'un vitrail parce qu'il a mal visé, ou du même Armstrong se vautrant comme un maladroit. Il se moque gentiment d'Archer en lui faisant prendre des vessies pour des lanternes, avec une apparition de Dieu en personne, ou encore avec les moines tibétains qui arborent tous une petite moustache sous le nez, comme un führer bien connu. Il insère quelques références culturelles faciles à reconnaître, à commencer par le titre de ce tome qui singe "
Da Vinci code" de
Dan Brown.
De son côté,
Clayton Henry joue le jeu de cet humour. Il réalise des dessins très propres sur eux, de type réaliste. Ainsi le lecteur reconnaît immédiatement le type de moustache. Il apprécie la disproportion de la silhouette massive d'Armstrong, sur la pauvre petite vespa qui doit supporter son poids. Il sourit devant Armstrong chutant et s'écroulant de tout son long, face contre terre. le dessinateur réalise des dessins très clairs, sans aucune surcharge qui se lisent rapidement. Il a conçu des visages et des morphologies différents pour chaque personnage, chacun étant aisément reconnaissable.
De la même manière, l'artiste a conçu une tenue spécifique pour chaque personnage, et c'est là que ça commence à tiquer. Obadiah Archer porte le même t-shirt du début jusqu'à la fin, Armstrong porte le même costume 3 pièces du début jusqu'à la fin. le lecteur peut reconnaître là une licence narrative qui permet à l'artiste de plus facilement identifier ses personnages (alors qu'Henry n'en a pas besoin). Mais dans l'épisode 2 Armstrong se fait tirer dessus à bout portant par un arme automatique qui laisse un trou bien visible dans son costume, trou qui a disparu dès les pages suivantes, sans aucune explication (peut-être des molécules instable piquées à Reed Richards).
De séquence en séquence, le lecteur se rend compte que
Clayton Henry représente les événements de manière très littérale, jusqu'à faire apparaître leur caractère outré ou impossible, dans une forme de comique involontaire qui neutralise toute tension dramatique. Dans le deuxième épisode, Armstrong arrache une lourde porte de coffre-fort, de ses gonds, avec des dégâts tellement minimes qu'ils ne correspondent pas à la force qu'il a exercée. Armstrong fonce à fond sur sa vespa, et se sert du capot d'une voiture pour décoller et faire un bond, alors qu'à l'évidence la petite moto ne dispose pas de la puissance nécessaire pour réaliser cette cascade. Dans l'épisode 3, Mary-Maria Archer tient Armstrong à bout de bras, alors qu'elle ne dispose visiblement pas de la force physique nécessaire pour porter une telle masse. Lorsque Armstrong se fait tirer dessus, c'est par une nonne avec un bandeau noir sur un oeil qui utilise une vieille arme à feu de type pistolet mitrailleur Thompson (immédiatement reconnaissable par son magasin rond), sans aucune explication quant à l'anachronisme de cette arme.
Une autre caractéristique des dessins de
Clayton Henry participe à rompre le charme de l'immersion : la consistance très fluctuante des décors, qui peuvent passer d'éléments concrets et reconnaissables, à une absence totale pendant plusieurs cases.
Fred van Lente a donc remis à jour un point de départ sympathique, avec 2 individus que beaucoup de choses opposent et qui doivent s'entendre pour faire équipe. le concept de la secte ayant endoctriné Obadiah Archer est bien présenté. Mais très vite, tout perd en consistance. Dès la fin du premier épisode, Obadiah Archer semble s'être fait à l'idée de faire équipe avec Aram Anni-Padda, son conditionnement ayant perdu sa puissance très rapidement. Archer et Armstrong se font un devoir de retrouver les 6 objets manquants le plus rapidement possible, alors que la cachette conçue et réalisée par
Michel-Ange semble à l'épreuve de toute autre personne qu'Archer (c'est lui-même qui le dit et qui le montre). Pourtant derrière l'accès de cette cachette il y a des membres d'un ordre secret qui vivent à l'abri (la logique de tout ça finit par s'envoler par la fenêtre).
D'ailleurs le lecteur ne comprend pas trop pourquoi Archer et Armstrong tiennent tellement à réunir tous ces objets dans un même endroit, ce qui évitera à ceux qui les convoitent d'avoir à les chercher. Au final, le lecteur ne dispose pas non plus d'explications quant à l'existence d'une communauté de moines experts en arts martiaux, et partageant les convictions d'
Adolph Hitler, en plein Tibet. Donc Fred van Lente a imaginé une intrigue rapide et amusante, mais dont la logique ne résiste pas bien à un moment de recul, moment inéluctable dans la mesure où les dessins de
Clayton Henry ne sont pas assez consistants pour maintenir l'immersion du lecteur un épisode durant. 3 étoiles pour un récit sympathique.
En 2012, l'entreprise Valiant décide de valoriser ses propriétés intellectuelles en relançant 4 comics à l'été : Archer & Armstrong, X-O Manowar, Bloodshot, et Harbinger. Or il se trouve que pour les lecteurs des années 1990, Archer & Armstrong est certainement la série qui a laissé le plus de souvenirs du fait de ce duo improbable, et de leurs aventures racontées de main de maître par
Barry Windsor Smith. Pour ces lecteurs, il est à craindre que cette nouvelle version ne souffre pas la comparaison avec l'ancienne, et ne justifie pas forcément son existence.