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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Don Rigoberto, un liménien dans la force de l'âge, adore depuis toujours ses grandes oreilles et depuis peu sa nouvelle femme doña Lucrecia, une beauté callipyge de quarante ans.
Cette dernière sort d'un divorce compliqué et renaît à la vie dans les bras de son Babar attentionné. Elle est néanmoins perturbée par son beau-fils, le jeune Fonchito, dont l'attitude à son égard est toute à la fois innocente et équivoque.
Plusieurs domestiques, dont la soubrette Justiniana, entourent cette famille recomposée.

Don Rigoberto est directeur d'une compagnie d'assurances mais ce qu'il assure le mieux chaque jour est son hygiène corporelle et notamment ses ablutions. Il tire un grand bonheur de ses longs moments d'intimité dans les toilettes puis dans la salle de bains, auxquels succèdent invariablement les ébats torrides avec doña Lucrecia qui s'enflamme aussitôt.

Le décor d'« Eloge de la marâtre » est en partie planté, en partie seulement car une pinacothèque est incorporée au roman dans la partie centrale, composée de six peintures pour la plupart célèbres comme « Diane au bain » de François Boucher ou « Vénus, l'Amour et la Musique » du Titien.

Bien qu'il pressente dès les premières pages du roman les germes d'un cocktail explosif, mélange d'innocence feinte et de lubricité avérée, le lecteur ne boude pas son plaisir. Immergé dans cette grande demeure baignée par les largesses de Cupidon, il est sous le charme de la prose truculente de Mario Vargas Llosa.
Les tableaux de maîtres à forte connotation érotique attisent l'imagination galopante de l'écrivain et font l'objet de chapitres spécifiques qui s'intercalent dans le roman. Les scènes picturales sont d'ailleurs plus ou moins en adéquation avec les situations cocasses dans lesquelles se démènent les membres de la famille Rigoberto.

On rit beaucoup à la lecture de ce court roman mais il est bien difficile de trouver la moindre moralité à cette histoire, ce n'est visiblement pas le but recherché par l'auteur.
Entraîné par ses personnages dans une impasse scabreuse, Vargas Llosa s'est toutefois réservé une porte de sortie honorable. le dernier tableau de la pinacothèque est à ce titre particulièrement bien choisi : « L'annonciation faite à Marie par l'archange Gabriel» de Fra Angelico.

Acte de contrition, demande d'absolution ou dernier clin d'oeil malicieux : chacun appréciera comme il l'entend l'ultime facétie de l'écrivain péruvien !
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Dans la pinacothèque de Mario Vargas Llosa, on déambule entre des tableaux de Jacob Jordaens, de François Boucher, de Francis Bacon, de Fra Angelico ou encore du Titien. L'exercice de style pourrait être le suivant : reliez chacun de ces tableaux par une histoire érotique dont la progression semble liée à la succession des différentes toiles.


« Candaule, roi de Lydie, montre sa femme au premier ministre Gygès » permet au possesseur de la divine croupe de faire l'éloge simple et univoque de sa « jument tout muscles et velours, nerfs et douceur » -femme plus bête qu'il n'y paraît, vision masculine de la possession féminine dans toute sa fierté virile. Apparaît alors la « Diane au bain » et les allures bestiales se confirment une nouvelle fois derrière l'image d'une femme chasseresse, jouisseuse et volubile. La possession s'inverse pour asservir l'homme à sa fascination, trouvant une nouvelle affirmation dans le tableau de « Vénus, l'Amour et la Musique ». Des digressions s'ensuivent, plus énigmatiques, plus abstraites, semblant faire taire l'amour pour mieux en souligner les constantes comportementales : universalité et ambivalence du sentiment. « Tête I » et « Sur le chemin de Mendieta » nous interpellent par leur étrangeté. Que veulent dire ces tableaux ? A première vue, ils ne semblent pas pouvoir trouver leur place dans la pinacothèque érotique de Mario Vargas Llosa –mais c'est pour cette raison qu'ils s'y intègrent le mieux, illustrant du même coup l'improbabilité du sentiment amoureux, les connexions incompréhensibles qu'il établit entre deux êtres monstrueux (sinon dans l'apparence, du moins dans la complexité) et la variété infinie des sensations qu'il suscite. Si la chasteté religieuse pensait pouvoir échapper à l'amour, « L'annonciation » est l'occasion d'infirmer ce présupposé dans une mise en scène naïve et donc troublante de l'amour absolu –le don de soi sans vergogne.


Les sujets de ces tableaux pensent et s'animent, comme de multiples excroissances sentimentales des personnages principaux de l'intrigue : un homme, son fils et sa marâtre. Marâtre plutôt que belle-mère –le mot interpelle et laisse l'imagination s'emporter autour de visions de brimades car « de mauvaise marastre est l'amour moult petite ». Si la marâtre est mauvaise mère, elle est surtout blâmable moralement car trop peu avare sentimentalement. Elle emporte avec elle le petit Fonchito dans un jeu de séduction inégal. Si l'enfant semble chercher la marâtre comme fin, la marâtre le recherche comme moyen de stimuler et d'exacerber son amour pour le père Rigoberto. Jusqu'où le jeu peut-il être conduit sous couvert d'innocence ? Une fois le seuil dépassé, comment s'assurer encore de la possession et du silence de l'être possédé ?


L'éloge de la marâtre n'est pas sans rappeler la Curée de Zola moins les considérations politiques et plus les divagations artistiques. le macrocosme disparaît au profit du triangle amoureux dans sa plus large expansion. D'ailleurs, trois personnes constituent déjà un microcosme trop nombreux pour permettre au bonheur de s'installer. L'éloge de la marâtre est aussi une ode à la félicité qui ne peut s'éprouver autrement que dans le couple autosuffisant ou dans l'amour-propre.


« La félicité existe. […] Oui, mais à condition de la chercher là où elle était possible. Dans son propre corps et celui de l'aimée, par exemple ; tout seul et dans la salle de bains ; à toute heure ou à toute minute et sur un lit partagé avec l'être si désiré. Parce que la félicité était temporelle, individuelle, exceptionnellement à deux, très rarement à trois et jamais collective, municipale. »


L'épicurisme se modernise et s'individualise, réduit à l'organicité dans ses plus simples apparats. Il s'agit de jouir à l'écoute de ses sensations, et de se reposer dans l'harmonie corporelle, dans l'attention portée à ses fluides, à ses contractions musculaires, à ses respirations et à ses nonchalances. Mario Vargas Llosa nous conduit par-delà le bien et le mal, écrivant des pages durant les défécations de Rigoberto et ses ablations rituelles. Il déploie les prouesses du langage, de l'art et de la musique, pour nous permettre d'atteindre l'harmonie spirituelle de ses personnages jusqu'à leur point d'équilibre –la suite constituant un drame sentimental dont l'auteur ne relève plus, se refusant à décrire le désastre corporel.


L'éloge de la marâtre se déguste dans le raffinement. Les phrases se suivent avec des rondeurs de sens et de prononciations délicieuses sur lesquelles on pourrait rêver aussi longtemps que nous y autorise notre nonchalance.


« Excitée par mes fictions lubriques, tout en elle devient courbe et proéminence, sinueuse élévation, douceur au toucher. C'est la consistance que le bon gourmet devrait préférer chez sa compagne à l'heure de l'amour : elle a une abondance qui semble sur le point de se répandre mais qui demeure ferme, libre, élastique comme le fruit mûr et la pâte qu'on vient de pétrir, cette tendre texture que les Italiens appellent morbidezza, mot qui même appliqué au pain devient lascif. »


Délectable et lent, l'éloge se construit doucement pour éviter l'écueil de la simplicité écoeurante. le plaisir et la félicité finissent par se dessiner en contraste avec la souffrance et la tragédie, piquant la langue de sucré et d'amer :


« Je sais jouir. C'est une aptitude que j'ai perfectionnée sans relâche, au long du temps et de l'histoire, et j'affirme sans arrogance que j'ai atteint dans ce domaine à la sagesse. Je veux dire : l'art de butiner le nectar du plaisir de tous les fruits –même pourris- de la vie. »

Lien : http://colimasson.over-blog...
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Jouissance et innocence riment bien ensemble...
Séduction et perfection aussi...
Et qu'en est-il quand le corps est soigné pour arriver au maximum du plaisir des sens ?
Et qu'en est-il quand l'esprit est entretenu dans l'exaltation des sens, tous les sens ?
Fi de la moralité quand elle entrave le juste bouleversement des sens, fi des règles humaines finalement quand les sens deviennent une religion à part entière.
Et quand l'innocence se dévoile enfin, voici la perversion qui pointe son nez.
Mais qui est le pervers : le père qui ne veut pas vieillir, la marâtre qui découvre sur le tard le plaisir ou l'enfant qui se venge ?
Avec beaucoup de virtuosité l'auteur nous conte une symphonie où les mots transcendent l'amour par le biais de la jouissance et ce, en toute « innocence ». Les mots glissent, chantent, exaltent, suent la chair qui reste bien faible quand elle devient l'ultime aboutissement.
Très bien écrit, presque de la poésie, sans vulgarité aucune même si les situations sont parfois bien explicites. C'est beau mais très spécial... Une raison peut-être pour avoir décroché le Nobel de littérature en 2010 :-)
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Un sacré éloge en effet, dans laquelle on ressent à chaque phrase le plaisir jubilatoire que l'auteur a pris à l'écrire.
M'est avis qu'il ne passerait pas les fourches caudines des censeurs d'aujourd'hui, celui-là... C'est qu'on le lirait presque sous le manteau ce petit brûlot sensuel, dans lequel la figure du petit angelot ingénu se transforme en diablotin concupiscent, où les odeurs corporelles sont des terres de jouissance à défricher et les marâtres de belles femmes oscillant entre le mari et l'enfant.
Shocking et jouissif, car l'intention respire la vie à pleins poumons et la prose de Vargas Llosa absolument sublime, sans compter les plongées au coeur même de quelques grands tableaux qui émaillent le récit.
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Très belle oeuvre mélangeant à merveille des chapitres d'une histoire des sens et des chapitres commentant des tableaux de maîtres.
Chaque tableau s'inscrit parfaitement dans le récit d'une histoire "érotique" au sens noble du terme. Don Rigoberto père d'Alfonso s'est séparé de sa femme et a épousé Dona Lucrécia. La peur de ne pas être acceptée par l'enfant et l'éveil des sens de celui-ci font que Dona Lucrécia franchit la ligne interdite. Cette histoire nous semble intemporelle même si des éléments nous permettent de dire que cela se passe à notre époque. L'écriture est superbe, simple, sans une once de vulgarité.Une très belle maîtrise littéraire.
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J'avoue ma surprise ... car je ne m'attendais en rien à ce type de littérature. le titre : Éloge de la marâtre semble nous amène à penser de manière bienveillante à une relation entre une femme remariée et l'enfant de son époux. Or, même s'il s'agit bien de cela, ce court roman développe en profondeur et en détails des personnalités complexes et perverses qui m'ont parfois mise mal à l'aise.

C'est la qualité littéraire de Vargas Llosa qui justifie mon approbation. En effet, il narre avec poésie et jubilation les travers de chaque personnage : Don Rigoberto et son obsession pour le cul de sa femme, sa maniaquerie pour sa toilette intime et quotidienne (jusqu'aux selles), Doña Lucrecia et son ego surdimensionné de Vénus callipyge et vieillissante, et enfin Alfonso, dit Fanchito, adolescent pervers à la gueule d'ange qui entretient une relation incestueuse avec sa "belle-maman".
On sent que c'est en artiste accompli que l'auteur écrit, se servant d'ailleurs de tableaux classiques de le Titien, Boucher ou Fra Angelico, pour nourrir son récit et son imagination.
Un surprise donc, sans savoir dire si c'est beau ou moche, comme le fond hésite entre bien et mal.
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N°279 – Août 2007

L'ELOGE DE LA MARATREMario VARGAS LLOSA - Gallimard Editeur.


Loin du registre qui a fait sa notoriété, l'auteur explore un univers familial particulier, celui, vu à la fois avec les yeux d'adulte et ceux d'un enfant, d'une femme, non seulement épouse mais aussi maîtresse, en ce qu'elle est la complice active des jeux de l'amour, mais surtout la belle-mère. Cette dernière emprunte son lien de parenté au mariage, c'est à dire qu'elle apparaît un peu par hasard dans la vie de gens qui n'ont rien fait pour la connaître. Elle est souvent l'intruse, le mauvais côté de l'image de la femme. Ici, il s'agit de la marâtre, terme un peu péjoratif qui désigne la deuxième femme du père, souvent plus jeune que lui, à la suite de cette détestable habitude qu'ont les hommes d'épouser, surtout en secondes noces, des femmes-enfants! Ils puisent en elles leur vitalité retrouvée, la volonté de combattre les affres de la vieillesse qui vient et parfois l'échec de leur premier mariage. Elle est porteuse de symboles mais aussi de promesses qu'elle ne doit pas décevoir. Pour l'enfant, dit « du premier lit »elle remplace la mère disparue ou partie, sans pour autant prendre sa place, bien au contraire. Il l'accueille souvent mal et s'engage entre eux un combat fait de subtils attaques ou d'affrontements violents peut-être parce que le complexe d'oedipe s'habille ici d'autres apparences, que chacun marque son territoire et tient à ses prérogatives parfois durement acquises...

Mais le titre nous indique qu'il s'agit d'un éloge et donc que vont être battues en brèche les idées reçues que le sujet génère. Il s'agit d'une mise en perspective d'un trio, le père, Don Rigoberto, jouisseur-esthète et fort amoureux de Lucrecia, sa deuxième épouse, marâtre de son fils Alfonso. On pourrait croire qu'il va s'agir du théâtre d'une lutte entre ces trois personnages. D'ailleurs, l'auteur sollicite à la fois la culture et l'attention de son lecteur, par l'évocation qu'il fait de tableaux aussi différents que ceux de Jacob Jordeans, du Titien, de Fra Angélico ou de Fernando de Szyszlo. Les époques et les écoles s'y mélangent, comme le figuratif et l'abstrait. Vargas Llossa y livre sa lecture de ces oeuvres où se retrouve toujours un trio, et, en filigrane, une histoire d'amour. Cet amour est à la fois chaste et jouisseur, emprunt de retenue ou de licence, humain et divin. le corps de la femme y est alternativement montré et caché, mais aussi joliment évoqué avec des mots choisis. Un troisième personnage vient souvent s'immiscer dans le tableau, soit qu'il y est déjà et parle, soit qu'il en est le commentateur extérieur qui, à la manière du choeur antique traduit pour le lecteur-témoin les pensées de la femme ou se charge de débroussailler le subtil écheveau de ses désirs secrets oscillant entre lubricité et vertu parce qu' ainsi va la vie et que le plaisir procède de ces deux facettes.

En même temps, la femme, prétexte aux désirs masculins est présentée alternativement comme objet mais aussi comme sujet de l'action amoureuse, à la fois passive et active. L'auteur nous rappelle, à travers ces fables écrotico-esthétiques, en réalité de longs poèmes, que l'amour n'est pas un acte bestial, voué à la seule procréation ou a l'assouvissement d'instincts animaux, la démarche, et ce qu'il en résulte est au contraire toute en nuances, faite de prolégomènes et de soins des apparences sans lesquels la séduction spontanée paraît impossible. En filigrane, je souhaite voir l'image de la mort, pendant de celle de l'amour et qui en est parfois la conséquence comme l'est paradoxalement la vie avec tous les fantasmes inhérents aux relations ambiguës hommes-femmes, mais aussi enfants-adultes.

Je choisis de voir dans ce texte, non un éloge comme l'indique le titre, mais une vengeance subtilement accomplie du beau-fils qui amène habillement sa marâtre à se compromettre et grâce à un écrit anodin, sorte de mise en abyme du livre de Vargas Llosa, à dénoncer l'adultère, à amener son père à se séparer de cette épouse infidèle ainsi démasquée, à le forcer peut-être à rester fidèle à son ancienne épouse, même si, pour cela, il doit perdre sa joie de vivre retrouvée et pénétrer de plain-pied dans la mort. C'est probablement une manière de retrouver son père et peut-être aussi de le détruire, tant les relations entre les humains sont complexes, faites d'amour et de haine, de luttes et d'apaisements, de sincérité et de mensonge.

© Hervé GAUTIER - Août 2007.
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Mario Vargas Llosa, un écrivain péruvien né en 1936, qui a également la nationalité espagnole.
Tout le monde a déjà entendu son nom, tout le monde s'accorde à dire que c'est un grand auteur - ce n'est pas pour rien qu'il a obtenu le prix Nobel.
Cela ne signifie pas que tout le monde aime tous ses livres de la même manière. Il écrit des romans engagés socialement, et il faut souvent connaitre la situation sous-jacente pour pouvoir apprécier le livre. En outre, il y a souvent de la violence. Ses livres sont souvent épais et compliqués, et il peut être difficile d'entrer dans l'histoire.
Pourtant, ils sont toujours écrits dans un beau style, et la construction des histoires est extrêmement intelligente.
Alors heureusement pour ceux qui n'aiment pas ses livres sociaux, que cet auteur a également écrit des romans policiers littéraires.
Et, plus heureusement encore peut-être, il a également écrit un roman pornographique.


Style
Vargas Llosa utilise deux manières complètement différentes de traiter la pornographie.
La première est l'ironie, que l'on rencontre souvent dans la littérature pornographique. Ces passages sont très drôles, mais à cause de l'humour, de l'exagération, le lecteur perd l'excitation, l'élément titillant que l'on attend de la pornographie. Parfois, ces passages conduisent même à un léger ennui. Cependant, le lecteur a tout intérêt à poursuivre sa lecture, car un peu plus tard, des passages brillamment hilarants l'attendent.
En plus, le lecteur peut s'attendre également à une littérature qui n'est pas ironique mais réaliste et qui stimule les sens du lecteur. de manière très artistique, ces chapitres nous offrent une grande variété de descriptions sexuelles, allant des gouts érotiques à la pornographie la plus osée.


Pour nous aider à nous mettre dans l'ambiance, de nombreux chapitres sont introduits par la représentation d'un tableau en rapport avec le contenu de ce chapitre. de cette manière, ce livre nous rend également curieux de découvrir davantage la peinture, ce qui ne peut être qu'une bonne chose.


L'intrigue, en trois personnages :
Don Rigoberto :
Dans les passages ironiques, nous suivons Don Rigoberto pendant sa toilette du soir, qu'il effectue toujours très méticuleusement et qui est aussi une préparation au jeu amoureux avec sa femme. Une fois, il s'agit du nettoyage rituel de ses oreilles, une autre fois de son nez, et une autre fois de ses intestins. La description de la façon dont les "bolus" quittent son corps, et le nettoyage du côlon, est carrément hilarante.
Plus loin dans le livre, Vargas Llosa mêlera aussi délicieusement la symbolique de la foi et de la pornographie.


Dona Lucretia :
Dans les passages où nous suivons dona Lucretia, nous la voyons principalement dans sa relation avec son beau-fils, Fonchito. C'est un garçon précoce, et il est amoureux d'elle. Alors qu'au début du livre, il ne l'observe que lorsqu'elle est nue, à chaque chapitre qui leur est consacré, il va un peu plus loin, obtenant de Lucrèce ce qu'il désire. le garçon rayonne d'innocence, Lucretia ne peut lui résister ou penser que le mal puisse exister chez un garçon aussi adorable. Cela préserve pour le lecteur l'illusion d'une pornographie tendre. Mais le beau-fils de Lucretia conserve un contrôle psychologique. le symbolisme pornographique va très loin à la fin du livre, mais toujours avec beaucoup d'art.


Fonchito :
Il ne semble pas y avoir de véritable question de pédophilie, puisque tous les rapports sexuels sont explicitement désirés, voire revendiqués, par l'enfant. Mais le garçon précoce est-il un pervers psychologique, qui sait très bien ce qu'il fait de mal et utilise le sexe pour obtenir du pouvoir, ou est-il vraiment amoureux de dona Lucretia ?


Conclusion
Revisiter un livre pornographique écrit en 1988 en 2022 - c'est bien. En nos temps, la pudeur ne devient que trop visible, omniprésente. Il est donc bon de revisiter un véritable livre de pornographie érotique des années 1980, écrit par un maitre littéraire, pour nous rappeler ce que c'était que d'être vraiment libéré, de pouvoir créer une littérature pornographique véritablement artistique, couvrant un large éventail de sujets sexuels.


Points positifs : belle pornographie littéraire, se situe à mi-chemin entre la fable et la réalité, mélange réussi de littérature et de peinture, a une dimension psychologique.
Point négatif : les passages ironiques sont parfois un peu trop longs.
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Eloge de la marâtre est un roman érotique nous venant d'Amérique latine, écrit d'une des plus belles façons qui puisse être, sur l'un des sujets les plus osés qui soit en Occident : les amours entre un très jeune garçon et sa belle-mère, femme accomplie d'une quarantaine d'années.

Tout, dans ce roman, est écrit et décrit avec une magnifique sensualité : les amours de cette femme bien en chair de quarante ans avec cet enfant, mais aussi avec son mari, heureux de la trouver dans son lit chaque soir pour y jouir de sa croupe voluptueuse et de tout son corps. Ces amours trouvent sans cesse un écho dans des toiles célèbres européennes reproduites dans le roman, figuratives ou abstraites, de Jacob Jordaens, Diane au bain de François Boucher, le Titien, Francis Bacon, Fernando de Szyszlo, Fra Angelico : l'histoire principale est ainsi entrecoupée par des chapitres projetant les protagonistes dans le décor d'une toile, y vivant une scène prophétique de voyeurisme, des relations sexuelles, ou y découvrant leur véritable visage.

Après le blason de la croupe, l'éloge des parties du corps les moins dignes : même la toilette intime de Don Rigoberto, hédoniste comblé, est évoquée de manière sensuelle et pleine d'humour, chacune des parties de son corps ayant particulièrement droit à son attention un soir par semaine, rituels avec force détails, ce qui ne laisse pas de nous faire sourire. Même sa défécation est pour lui une forme de jouissance, ce qui, pour Freud, pourrait le rapprocher de l'érotisme anal propre à l'enfant.

Avec sa nouvelle femme, Don Rigoberto redécouvre ainsi le plaisir des sens, tout comme la jeunesse d'Alfonso fait redoubler de désir de luxure Dona Lucrecia avec l'un et l'autre.

Enfin, je préfère taire ici le dénouement qui clôt la figure du monstre, et m'arrêter sur ce personnage central du chérubin qui questionne le lecteur : a-t-on raison de taxer la jeunesse (belle et pure) d'innocence ? Tout dans le roman interroge sur le degré d'innocence et de vice dont est capable cet enfant, décrit comme un petit angelot descendu des toiles. le paraître reflète-t-il l'être ? La jeunesse n'est-elle que candeur et naïveté ? Ou stratégie et duplicité ?

Ou plutôt, pour reprendre les thèses de Freud, la sexualité infantile est-elle dénuée de tout tabou, contrairement à la sexualité adulte, soucieuse des bonnes moeurs et coutumes ? La sexualité infantile n'est-elle que jeu et plaisir sans conscience du mal ?

En tout cas, pour Mario Vargas Llosa, la sexualité infantile n'est pas une lubie freudienne, et l'adulte a certainement tendance à occulter ce dont il pouvait être capable enfant. A ce propos, Aldo Naouri, dans Adultères, évoque précisément cette relation trouble du fils avec sa mère, qui « n'arrête pas de (lui) dire qu'il veut (lui) faire l'amour. » le scandale suscité par Freud à l'époque semble en effet toujours d'actualité, et « provient de la conjonction d'une série d'idées fausses ». « Nous ne sommes pas, en effet, de grossiers adultes cohabitant avec la délicieuse innocence de l'enfant. Nous sommes seulement des enfants qui ont poussé sans que rien d'essentiel ne se soit modifié en eux et qui, seulement dotés de moyens plus performants que ceux des enfants, tels que la maturation affective et psychologique, se trouvent autorisés à s'exprimer et à prétendre assumer leurs actes et leurs choix. »

Un petit chef-d'oeuvre d'érotisme revisitant le genre par des sujets novateurs capables de sensualité… assez choquant (ce qui devient rare à notre époque).
Lien : http://carnetsdesel.fr/blog/..
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C'est le premier livre que je lis de cet auteur. Je ne savais d'ailleurs absolument pas à quoi m'attendre. Ce fut donc une très bonne surprise. C'est un roman d'apprentissage de facture relativement classique et là où j'ai véritablement été séduite c'est par la construction même du texte. En effet différents chapitres se succèdent et mêlent en autant de digression histoire antique, histoires inspirées de célèbre tableau. Ils feront échos au thème principal du roman. La présence des images en annexe est très agréable, elle renforce l'imaginaire et les correspondances entre l'univers purement littéraires celui des légendes et celui d'une représentation picturale. C'est un texte où le corps est omniprésent, il est source de plaisir, partagé ou intime mais aussi source de honte. Il y a beaucoup de sensualité et le propos touche parfois à l'érotisme.
Une très belle découverte que j'ai hâte de renouveler.
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