Fondateur de la Société de Saint Vincent de Paul,
Frédéric Ozanam, a été béatifié en aout 1997, par le Pape
Jean-Paul II, lors des JMJ de Paris. Son action caritative en fait un précurseur de l'
Abbé Pierre, fondateur des Compagnons d'Emmaüs en notre époque, et comme celui ci, son action fut au moins aussi politique que charitable.
Charles Vaugirard, consacre une étude fort intéressante à « La pensée politique de
Frédéric Ozanam » qui inspire la démocratie chrétienne et peut offrir « une vision pour notre temps ».
Après un bref résumé (15 p) de la vie d'Ozanam, l'auteur consacre trois parties à :
- la république dans sa définition chrétienne
- la question sociale
- Ozanam aujourd'hui … et demain
La première montre l'évolution d'Ozanam, qui, de légitimiste en 1815, devient républicain en 1848,« passe aux barbares » en rêvant convertir les révolutionnaires, comme l'Eglise le fit lors de la chute de l'empire romain en baptisant Clovis et les francs. Ozanam souligne la primauté du droit naturel, qui devrait primer sur la constitution, et rappelle que notre république repose, mais de moins en moins, sur des fondements qui sont le décalogue et la révélation chrétienne, principes suspects à nombre de démocrates. C'est la doctrine sociale de l'église, qu'en notre époque,
Jean Madiran détaille dans «
Les deux démocraties », étude incontournable, à mes yeux, sur cette question.
La seconde partie rappelle ce que fut la condition ouvrière au XIX siècle, avec l'industrialisation d'une société où le décret d'Allarde et la loi le Chapelier suppriment les corporations et interdisent les syndicats livrant ainsi les travailleurs à l'exploitation puis définit le principe de subsidiarité qui charpente l'état, les familles et les entreprises. Elle décrit ce que fut l'action législative des politiques catholiques en évoquant la mémoire d'Albert de Mun, d'Alban de Villeneuve-Bargemont et la position des Papes qui aboutit en 1889 au « ralliement » des catholiques à la république.
La dernière partie, moins doctrinale et plus historique décrit l'héritage politique d'Ozanam en France avec Marc Sangnier, le MRP, le gaullisme avec notamment la participation, et en Italie, pays natal d'Ozanam.
Charles Vaugirad conclut en espérant voir les chrétiens agir pour que la république applique sa devise « liberté, égalité, fraternité » et oeuvre à l'avénement temporel de l'évangile …
Deux cents pages fort instructives sur un homme politique (dont la hauteur de vue dépasse largement nos contemporains), la doctrine sociale de l'église et sur « la démocratie chrétienne », un courant politique qui joua un rôle moteur, après la seconde guerre mondiale, dans la construction européenne.
Un ouvrage qui cible un lectorat averti, prêt à investir du temps à étudier des textes de haute volée, où le moindre mot a son importance et je remercie les Editions TEQUI de me l'avoir envoyé lors d'une opération Masse Critique.
Il est dommage que l'on ait économisé un index des noms cités et j'aurais apprécié que la biographie de
Frédéric Ozanam soit plus détaillée et que l'influence de la Congrégation de Lyon et de Pauline Jaricot soit rappelée.
Enfin, permettez moi de préciser que « la démocratie chrétienne » n'a pas de monopole politique et que de nombreux catholiques ont inscrit leurs actions dans des voies différentes comme
Frédéric le Play,
Louis Veuillot,
Le Comte de Montalembert, Henri de la Tour du Pin, le Général de Castelnau, Jean le Cour Grandmaison,
Marcel Clément,
Raoul Follereau, etc.