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EAN : 9782740322895
224 pages
Editions Pierre Téqui (12/05/2021)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Le bienheureux Frédéric Ozanam est connu pour être le fondateur de la Société de Saint-Vincent-de-Paul et une figure de la charité chrétienne au XIXe siècle.
Mais savons-nous qu'il a été un penseur politique de premier plan lors de la Révolution de 1848 ? Savons-nous aussi qu'il fut un des créateurs de la démocratie chrétienne, une pensée politique qui a connu une importante postérité et contribué à reconstruire les États européens après la Seconde Guerre mo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Fondateur de la Société de Saint Vincent de Paul, Frédéric Ozanam, a été béatifié en aout 1997, par le Pape Jean-Paul II, lors des JMJ de Paris. Son action caritative en fait un précurseur de l'Abbé Pierre, fondateur des Compagnons d'Emmaüs en notre époque, et comme celui ci, son action fut au moins aussi politique que charitable.

Charles Vaugirard, consacre une étude fort intéressante à « La pensée politique de Frédéric Ozanam » qui inspire la démocratie chrétienne et peut offrir « une vision pour notre temps ».

Après un bref résumé (15 p) de la vie d'Ozanam, l'auteur consacre trois parties à :
- la république dans sa définition chrétienne
- la question sociale
- Ozanam aujourd'hui … et demain

La première montre l'évolution d'Ozanam, qui, de légitimiste en 1815, devient républicain en 1848,« passe aux barbares » en rêvant convertir les révolutionnaires, comme l'Eglise le fit lors de la chute de l'empire romain en baptisant Clovis et les francs. Ozanam souligne la primauté du droit naturel, qui devrait primer sur la constitution, et rappelle que notre république repose, mais de moins en moins, sur des fondements qui sont le décalogue et la révélation chrétienne, principes suspects à nombre de démocrates. C'est la doctrine sociale de l'église, qu'en notre époque, Jean Madiran détaille dans « Les deux démocraties », étude incontournable, à mes yeux, sur cette question.

La seconde partie rappelle ce que fut la condition ouvrière au XIX siècle, avec l'industrialisation d'une société où le décret d'Allarde et la loi le Chapelier suppriment les corporations et interdisent les syndicats livrant ainsi les travailleurs à l'exploitation puis définit le principe de subsidiarité qui charpente l'état, les familles et les entreprises. Elle décrit ce que fut l'action législative des politiques catholiques en évoquant la mémoire d'Albert de Mun, d'Alban de Villeneuve-Bargemont et la position des Papes qui aboutit en 1889 au « ralliement » des catholiques à la république.

La dernière partie, moins doctrinale et plus historique décrit l'héritage politique d'Ozanam en France avec Marc Sangnier, le MRP, le gaullisme avec notamment la participation, et en Italie, pays natal d'Ozanam.

Charles Vaugirad conclut en espérant voir les chrétiens agir pour que la république applique sa devise « liberté, égalité, fraternité » et oeuvre à l'avénement temporel de l'évangile …

Deux cents pages fort instructives sur un homme politique (dont la hauteur de vue dépasse largement nos contemporains), la doctrine sociale de l'église et sur « la démocratie chrétienne », un courant politique qui joua un rôle moteur, après la seconde guerre mondiale, dans la construction européenne.

Un ouvrage qui cible un lectorat averti, prêt à investir du temps à étudier des textes de haute volée, où le moindre mot a son importance et je remercie les Editions TEQUI de me l'avoir envoyé lors d'une opération Masse Critique.

Il est dommage que l'on ait économisé un index des noms cités et j'aurais apprécié que la biographie de Frédéric Ozanam soit plus détaillée et que l'influence de la Congrégation de Lyon et de Pauline Jaricot soit rappelée.

Enfin, permettez moi de préciser que « la démocratie chrétienne » n'a pas de monopole politique et que de nombreux catholiques ont inscrit leurs actions dans des voies différentes comme Frédéric le Play, Louis Veuillot, Le Comte de Montalembert, Henri de la Tour du Pin, le Général de Castelnau, Jean le Cour Grandmaison, Marcel Clément, Raoul Follereau, etc.
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Défrichage de la démocratie chrétienne.

Il faut bien reconnaître que l'on dispose de multiples analyses du socialisme, du communisme, du libéralisme, du capitalisme, de l'anarchisme, du monarchisme, des totalitarismes mais nous sommes assez dépourvus de synthèses concernant les courants centristes ou modérés, en général, et de la démocratie chrétienne, en particulier. Charles Vaugirard nous invite à combler cette lacune en nous faisant visiter la pensée politique de Frédéric Ozanam, que ce soit dans la pureté de ses origines, dans son évolution et dans son actualité. En effet, Ozanam peut être considéré comme un des principaux fondateurs de cette philosophie politique.
Dans cet ouvrage qui mêle biographie et structuration de la conception et de l'organisation de la démocratie chrétienne, on constate qu'on a affaire à une réflexion qui n'est jamais uniquement intellectuelle mais marquée par les contraintes pratiques de l'époque. Cette philosophie politique est une forme de gouvernement animée par des principes chrétiens : « le choix de la démocratie, le jusnaturalisme, la séparation des pouvoirs, le refus de tout absolutisme, la subsidiarité, la politique pour la justice sociale, la sobriété et la protection constitutionnelle des libertés publiques » (p.187). Elle ne saurait se confondre avec le libéralisme, favorisant l'égoïsme et la misère et avec le socialisme dont le totalitarisme ruine la liberté; ces deux idéologies reposant trop exclusivement sur le matérialisme. Même si la démocratie chrétienne n'a pas réussi à s'implanter durablement en France, elle participa pleinement à la construction de l'espace européen.
Ce livre me semble avoir atteint son but : présenter une bonne synthèse des idées d'Ozanam, de leur expansion et des perspectives qu'elles continuent à ouvrir notamment dans le domaine de l'écologie. On peut cependant déplorer un certain manque de recul critique de l'auteur par rapport au sujet et considérer parfois qu'il s'agit d'un ouvrage apologétique, tant en ce qui concerne Ozanam que la démocratie chrétienne. Reproche mineur comparé à l'apport que représente ce livre et à sa bibliographie qui est tout à fait satisfaisante pour qui veut approfondir certains aspects de la question : Une excellente entrée en matière !
NB : Livre lu dans le cadre de Masse Critique non-fiction, un grand merci aux Editions Pierre Téqui
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Ce livre est une bonne présentation des idées politiques de Frédéric Ozanam, replacées dans leur contexte du début du XIXème siècle en France. Les personnes intéressées par la doctrine sociale de l'Église catholique, comme celles désireuses de connaître les origines du courant politique de la Démocratie chrétienne, y trouveront leur compte.

Personnellement, je connaissais déjà un peu Frédéric Ozanam et ce livre a été pour moi l'occasion de le découvrir davantage. J'étais loin de penser qu'il avait eu une réflexion aussi poussée sur la vie politique de son temps. Il est plus connu pour avoir fondé les Conférences de Saint Vincent de Paul qui oeuvrent encore aujourd'hui au service des personnes pauvres et isolées.

J'ai découvert un universitaire désireux de forger la pensée politique de ses étudiants (il était professeur de droit), un citoyen prêt à s'engager en étant candidat à l'Assemblée constituante de 1848, un pamphlétaire prolifique (il était l'un des principaux rédacteurs du journal "L'Ère nouvelle"), mais surtout un Chrétien et un républicain convaincu, plus en phase avec la société de son époque que l'Église arc-boutée sur les vestiges de la royauté. Décédé à l'âge de 40 ans, il laisse une oeuvre considérable.

J'ai beaucoup apprécié que l'auteur émaille son propos de larges extraits des articles et courriers de Frédéric Ozanam avec de nombreuses notes pour ceux qui souhaiteraient approfondir sa pensée.

Malgré sa richesse, l'ouvrage reste très accessible. le rappel historique du début est le bienvenu pour les personnes qui comme moi n'ont pas une grande connaissance de cette période. J'ai aussi appris un nouveau mot : le jusnaturalisme, en lien avec la notion de droit naturel.

Le dernier chapitre sur les chrétiens en politique aujourd'hui ouvre des perspectives intéressantes, notamment sur les questions économiques et sociales. Par ailleurs je me suis rendue compte que je n'avais jamais compris l'idée de principes "non négociables" tels qu'énoncés par l'Église catholique.

En revanche, ce qui m'a déplu dans ce livre, c'est la mauvaise qualité d'écriture, avec des phrases vraiment bancales. C'est très agaçant pour un ouvrage qui se veut de référence. Et surtout cela contraste avec la parfaite maîtrise de la langue dont faisait preuve Frédéric Ozanam.

Masse critique "Une nouvelle aube " - juin 2021
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Citations et extraits (18) Voir plus Ajouter une citation
L’attitude de Frédéric Ozanam en juin 1848 a illustré parfaitement sa pensée politique et sociale et l'intuition de 1836.

L'insurrection a commencé le 22 juin, suite à la fermeture des Ateliers nationaux, des emplois publics pour donner du travail aux ouvriers au chômage. Il s'en est suivi quatre jours de violences. Les ouvriers avaient avec eux des leaders d’extrême-gauche, socialistes et anarchistes. Ils étaient armés, et la riposte du gouvernement a été implacable. L’armée et la garde nationale ont réprimé cette révolte qui causa des milliers de morts des deux côtés. Le général dirigeant la répression, Cavaignac, fut désigné président du gouvernement par l’Assemblée constituante. La France avait peur que les insurgés l’emportent et mettent en place un gouvernement comparable à celui qui a commis la Terreur de 1793. Les souvenirs de la Révolution française étaient présents dans les esprits et beaucoup de Français redoutaient les révoltes en envisageant le pire.

(…)

Il a fait le même constat qu'en 1836 et il a tenté d'apporter la solution qu'il préconisait auparavant : la médiation entre les deux camps mise en œuvre par l'Eglise. Il eut l'idée de demander à l'archevêque de Paris, Mgr Denys Affre, de s'adresser aux émeutiers depuis une barricade. Mgr Affre accepta, ainsi que le général Cavaignac. L'archevêque, escorté par la garde nationale, se rendit à une barricade du faubourg Saint-Antoine le 25 juin. Au cours d'une accalmie, il monta sur la barricade et appela les insurgés à la paix. Mais, très vite, les combats reprirent et une balle perdue atteignit le prélat. Il décéda deux jours plus tard en prononçant ces paroles : « Que mon sang soit le dernier versé. » Les combats cessèrent le lendemain de l'appel de Mgr Affre.
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Les propos d'Ozanam sur la sobriété ne sont pas sans faire écho au discours écologique actuel sur la sobriété heureuse et la décroissance. Alors que le néo-libéralisme, dans la suite du libéralisme économique de Malthus et Bentham qu'Ozanam à dénoncé, appelle à la production sans limite, à la consommation et donc à la croissance économique sans fin, des courants écologiques affirment que la croissance ne peut pas être infinie.

Pour éviter un effondrement global, une crise écologique et pour parvenir à plus de justice sociale, certains écologistes invitent à faire le choix de la sobriété. Une célèbre citation de Gandhi illustre cette pensée : « Vivre simplement pour que d'autres puissent simplement vivre. »

Le pape François tient le même discours dans Laudato si « La spiritualité chrétienne propose une croissance par la sobriété, et une capacité de jouir avec peu. C'est un retour à la simplicité qui nous permet de nous arrêter pour apprécier ce qui est petit, pour remercier des possibilités que la vie offre, sans nous attacher à ce que nous avons ni nous attrister de ce que nous ne possédons pas. Cela suppose d'éviter la dynamique de la domination et de la simple accumulation de plaisirs. » La pensée de Frédéric sur la sobriété est donc particulièrement actuelle.
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Frédéric a décrit avec précision la pauvreté extrême qui hantait les faubourgs des grandes villes. Descriptions des tandis, données chiffrées, le texte était révélateur de la connaissance du sujet par son auteur. Il a décrit ce que lui, d'autres vincentiens et religieux (les Filles de la Charité) ont vu et rapporté. Et le constat était alarmant. Il a appelé à une prise de conscience, une réaction. Aux prêtres, il a demandé d'annoncer l'Évangile dans les faubourgs, de ramener à l'Église les ouvriers ; aux élus, il a demandé une mobilisation contre la misère ; aux riches, il a demandé de partager leur richesse avec les pauvres ; aux citoyens les plus modestes, il a demandé la solidarité, l'espérance. Un tel appel n'est pas sans faire penser à l'appel de 1954 de l'abbé Pierre un siècle plus tard. L'interpellation est dans la tradition prophétique de la foi chrétienne.
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Frédéric Ozanam a été confronté en 1848 à des courants politiques prônant l'absence de droit naturel. Ainsi, le député Theodore Bac a été désigné dans un article anonyme de L’Ère nouvelle comme affirmant qu'il « n’y a rien au-dessus de la volonté générale », propos bien sûr dénoncé par la ligne jusnaturaliste de cet article.

La réflexion de Frédéric Ozanam est actuelle car elle s’applique parfaitement au positivisme juridique qui est la norme de notre temps. L’école du droit naturel est devenue minoritaire au cours de la deuxième moitié du XXe siècle. De nos jours, légiférer n'est plus considéré comme la quête d'un bien commun, la transposition d'un droit naturel en droit positif, mais plutôt comme l'adaptadon du droit aux évolutions de la société…
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Le progrès par le christianisme est donc l'autre nom de ce spiritualisme qui, à bien des égards, annonce l'écologie intégrale défendue par le pape François dans Laudato si. L'intérêt de Frédéric pour saint François d'Assise n’est pas étranger à cette vision de la nature. Il était tertiaire franciscain, il a traduit les Fioretti et a écrit un livre sur les poètes franciscains.

La pensée de Frédéric Ozanam est donc d’une criante actualité et il fut précurseur de la doctrine sociale de l'Église jusque dans ses développements les plus récents. Tout ceci constitue un développement intégral de l'homme, pour reprendre le terme utilisé par la doctrine sociale de l'Eglise d'aujourd'hui.
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