Un beau « roman familial » extrêmement émouvant, parfois cruel, qui se lit sans pouvoir s'arrêter ! La narratrice vient de perdre sa mère, et elle décide de mener l'enquête dans les papiers, ses souvenirs, quelques témoignages… Elle décrit une mère hors-normes, voire marginale. Elle essaye de mettre de l'ordre dans le chaos de ses propres sentiments, et elle nous conduit à revoir sans cesse notre propre jugement, elle nous entraîne dans ses émotions, tout en gardant son oeil acéré, aussi acéré que son écriture ! (une mention particulière pour les fins de chapitres, saisissantes) J'adore ce mélange de douceur et de violence, avec aussi le côté documentaire, sur une époque et sur une famille, porté par les photos. C'est aussi un texte sur l'amour, toutes les formes d'amour. J'ai juste envie de le relire, pour mieux comprendre comment une histoire familiale un peu « dingue » peut réussir à concerner tout le monde (je crois).
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Pardon de quoi?Pardon à qui ?toute l'ambiguïté de cette notion religieuse sue à chaque ligne .Ce qui en rend la lecture doublement difficile pour quelqu'un qui refuse cette posture humiliante pour les deux parties.Lavé de cette poix ,le livre est bien.Il pose deux belles questions .Que se souvient-on de son enfance ?Etre enfant est très différent d'être adulte ,certains disent même que ce n'est pas la même personne du tout .Les auto- reflexions sont alors peu importantes ,ce qui est beau, c'est l'émergence d'images par ex se revêtir de la peau d'un sale type ,peau découpée avec un coupe ongle transformé en coupe- peau .Voilà une des très belles pages de ce livre
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Paula vient de perdre sa mère .. on comprend qu'elle a eu une enfance difficile et que les relations se sont distendues . Au début l'auteur dresse un portrait à charge… décrivant une mère alcoolique et toxicomane et peu aimante. Au fil du livre grâce à des photos, écrits, témoignages elle remonte leur histoire … « et pourtant les images que je tenais entre mes mains me racontaient une autre histoire je comprenais peu à peu que mon passé était fait de 1000 facettes changeantes' parfois contradictoires et pourtant toutes pareillement vraies «
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Son souvenir m’est soudainement revenu en voyant quelques balles que Pierre avait déposées dans la bibliothèque de l’entrée à son retour d’un stage de tir. Il avait l’habitude de laisser là son arme de service, qu’il appelait ironiquement son pétard, et ça me faisait rire, ce hiatus entre le mot enfantin et le sérieux de l’objet que je n’avais jamais osé ni soupeser ni même toucher. Mais les balles avec leur chemisage en laiton, je n’ai pas pu résister, je les ai prises. C’étaient de vrais petits obus miniature, à la fois beaux – d’une forme pure et parfaite – et effrayants. De les avoir dans la main, je me suis rappelé que moi aussi j’avais une arme, en bas, dans la cave, un revolver. Pierre a froncé les sourcils : « Plutôt un pistolet, non ? » J’étais bien incapable de lui répondre, je l’avais à peine regardé, et à vrai dire je ne savais pas distinguer un revolver d’un pistolet.
Je l’avais trouvée chez ma mère, et j’avais alors supposé que c’était celle que son frère avait utilisée. Je n’avais pas osé la jeter ; elle faisait partie de mon héritage. Pierre était le premier à qui j’en parlais, à qui je la montrais. Elle était la preuve, lui ai-je dit, l’indice matériel, tangible, que ce que j’avais vécu enfant était vraiment arrivé. C’étaient les objets de ce genre, si terribles fussent-ils, qui m’empêchaient de me mettre à douter de la réalité
Au bout d’une heure, ou deux, ou trois, impossible de savoir puisque le temps s’était arrêté, j’ai réussi à trouver la force de me calmer. Je devais appeler mon employeur, les gendarmes, les pompes funèbres, et encore la curatrice pour qu’elle m’indique ce qu’il me faudrait faire. J’ai demandé si je devais venir à Avrantin. Elle m’a dit que ça ne servait à rien : le corps – ma mère n’était plus qu’un corps, déjà – devait être autopsié « pour définir les circonstances exactes du décès ». Tout un langage commençait à se mettre en place, froid, clinique, administratif.
Plusieurs lettres m’étaient adressées. Ma mère s’excusait pour son geste ultime. « Je n’en peux plus. » Elle donnait des consignes : « Dites-lui avec délicatesse, elle a déjà tellement souffert. » Ma mère n’était pas seulement morte : elle avait décidé de mourir, elle avait décidé de tout quitter, elle avait décidé de me quitter.
La nouvelle est tombée un vendredi. J’avais pris un jour de congé. Je sommeillais encore. Il était presque dix heures. Le téléphone affichait plusieurs appels en absence de la gendarmerie d’Avrantin-sur-Orne, dont j’avais gardé le numéro dans mon répertoire depuis sa crise de janvier 2012, quatre ans plus tôt. Dans le coin gauche de l’écran, le symbole d’une lettre indiquait la présence de textos. Trois messages de mon père : « Rappelle la curatrice de ta mère, au plus vite. » Rien de plus. J’ai compris tout de suite.